Pina Bausch Foundation + École des Sables + Sadler’s Wells
CRITIQUE.
[ Danse ]
texte
Élie Castiel
Un
Sacre du printemps
exceptionnel
Entrée en matière avec common ground[s],
une œuvre atypique par sa structure théâtrale
puisque le corps n’est pas essentiellement
chorégraphique. Deux danseuses, l’une Africaine,
l’autre Blanche. Deux cultures qui se
complètent en unisson, de façon mélodique.
C’est là le secret de la chorégraphie. Créer par instinct, selon ses propres règles, choisir une musique appropriée pour soutenir la dualité entre la chorégraphie et la partition. Deux entités physiques étrangères en une. Cet autre se construit au fur et à mesure dans un étrange rituel qu’on ne saisit pas tout à fait.
Ce qu’on retient, c’est particulièrement cet inusité face-à-face où le temps semble s’arrêter pour laisser place au mouvement. L’espace dramatique se sent libre. La musique puise ses sources dans une sorte de neutralité, pour certain(es) désorientante, obsédante; pour soudain faire apparaître des sons africains, des envolées sénégalaises plus précisément, brèves mais évidentes.
Une première partie dont on reprochera, d’une part son inutile insertion parlée (là où l’art dramatique s’impose sans qu’on s’y attende) et sa trop longue durée, par défaut, créant une certaine monotonie d’ensemble. Même si les corps se complètent avec une cohésion chorégraphique impeccable et soignée, au style élégant, dans une pièce signée Germaine Acogny et Malou Airaudo, également interprètes, toutes deux inspirées, complices.
★★★ ½
Et plus que tout, on sent la présence de Pina Bausch, nous rendant visite spirituellement, ne serait-ce que le temps que dure ce classique contemporain d’une modernité étonnante, farouche et intemporelle.
Puis Le sacre du printemps et la célèbre musique de Stravinsky. Le païen règne dans ce passage vers une autre saison, avec des rythmes que la partition du compositeur transforme en morceaux fragmentés et pourtant si proches les uns des autres. Le calme et la tempête en même temps.
La trentaine de danseuses et de danseurs issu(es) de 14 pays africains ont admirablement saisi l’ampleur de la chorégraphe Pina Bausch, qui avait créé cette œuvre en 1975. Le résultat est impressionnant. La scène devenant un espace de prédilection où seul le corps a ses raisons. Et le mouvement dans un parterre couvert de terre. Un terrain sauvage où toutes les passions peuvent avoir lieu. L’Afrique est ainsi représentée avec son habitat naturel. Les danseurs expriment leur métamorphose avec non seulement un enthousiasme délirant, mais illustrent leur savoir-faire avec autant d’harmonie. Des entités physiques qui s’entrelacent, s’unissent, se séparent, s’offrent au temps malgré l’intemporalité qui règne.
L’École des Sables, à Dakar, ce laboratoire expérimental sénégalais où la trentaine de danseurs/euses ont investi leur temps à humaniser l’œuvre de Pina Bausch, avec la collaboration, bien sûr, de certains représentant(es) de la Tanztheater Wuppertal.
Musique épique, cinématographique par son côté spectaculaire, d’une étonnante liberté de tons, de mouvements. Se dirigeant de toutes parts. Chorégraphie aussi sauvagement sensuelle, d’une sexualité naturelle, libre et décomplexée. Ce sont parmi les composantes de cette œuvre. Jusqu’à l’épuisement émouvant final. Effectivement, une œuvre accomplie qui situe la danse africaine moderne au rang des essentielles parce qu’elle montre ses nouvelles alternatives, voire possibilités universelles.
Et plus que tout, on sent la présence de Pina Bausch, nous rendant visite spirituellement, ne serait-ce que le temps que dure ce classique contemporain d’une modernité étonnante, farouche et intemporelle.
★★★★ ½
Durée
1 h 35 min
[ Avec entracte ]
Diffusion & Billets @
Place des arts
[ Théâtre Maisonneuve ]
Jusqu’au 8 octobre 2022
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]