Passages

P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 18 août 2023

SUCCINCTEMENT.
Deux hommes sont ensemble depuis quinze ans, quand l’un d’eux a une liaison avec une femme.

 

CRITIQUE
| Élie Castiel

★★★

Ira Sachs revendique son homosexualité sans pour autant le crier sur les toits. Il privilégie le thème de l’amour et ses multiples complications au sein du couple, autant hétéro que le contraire.

 

L’amour à mal

 

On se souviendra de The Delta (1995), imparfait, mais petit long métrage qui osait présenter satiriquement des idées préconçues sur l’homosexualité. Il poursuivra, entre autres, avec Love is Strange (2014) et avant cela, l’attendrissant Keep the Lights On (2012).

L’amour conjugal n’est pas rose, même dans les ménages qui osent dire le contraire. Dans ces « jeux de l’amour et du hasard » que vit ce triangle amoureux constitué de Tomas (premier faux départ de Franz Rogowski, ailleurs et de loin, beaucoup plus convaincant), d’Agathe (une Adèle Exarchopoulos totalement perdue dans une histoire d’amour qui ne tient pas debout) et Martin (Ben Whishaw, sans aucun doute le plus apte à nous convaincre de son rôle de torturé par le caprice d’un amant (Tomas), réalisateur égoïste, enfantin, qui ne connaît rien aux relations humaines, jusqu’à ce que…

Une inconscience délibérée.

Mais peut-être bien qu’influencé par le cinéma et ses multiples récits amoureux, Tomas aime les récits sulfureux, alambiqués, ces relations amoureuses qui ne vont nulle part.

Ce qui se passe entre Tomas et Agathe, on n’y croit pas une seconde. Et encore moins, on ne saisit pas le comportement d’Agathe (enseignante de jeunes enfants). C’est dans le scénario de Sachs et de son acolyte Mauricio Zacharias que les choses se compliquent.

Heureusement camouflé par la mise en images impeccable de Josée Deshaies (Nelly d’Anne Émond et Babysitter de Monia Chokri) qui sait admirablement bien cadrer les visages, dégager les corps et inventer des espaces qui servent à quelque chose.

Comment filmer, illustrer l’abstrait? Car le récit de Sachs/Zacharias s’étale sur cette idée narrative. On le sent à mesure que les séquences se suivent (et parfois se ressemblent). Il y a comme une sorte de continuité presque bâclée dans Passages. Justement… « passages », ces chemins provisoires, ces parcours indécis, des allées et venues qui finissent par nous échapper.

[ … ] le passage de l’amour homo à l’hétéro (et vice-versa) ne nous convainc guère. Même si Tomas, à un moment donné, dira à Martin, abattu, « … j’aime les hommes, j’aime être avec les hommes ». La suite, on sait ce que ça donne. Sans vraiment d’émotion, certes, mais avec beaucoup d’affectation, même si brisée.

Et qui par miracle, ou effet d’optique, donne un certain sens au film, magnifiquement illustré par les diverses courses à bicyclette entreprises par Tomas. Elles sont  merveilleusement captées par l’objectif de la caméra. Et nous sentons cette fébrilité imprécise qui anime le personnage.

C’est dans ces moments fugaces, sortes de clins d’œil, de ‘passages’ justement, que le film de Sachs rend compte de sa véritable démarche.

L’amour a mal selon le cinéaste, et quelque soit la conclusion qu’il réserve aux protagonistes impliqués, peut importe puisque l’amour à mal est ce qui caractérise les histoires d’amour du cinéaste américain imprégné d’europanéité et d’urbanité, car c’est là où ces récits peuvent avoir lieu.

Mais le passage de l’amour homo à l’hétéro (et vice-versa) ne nous convainc guère. Même si Tomas, à un moment donné, dira à Martin, abattu, « … j’aime les hommes, j’aime être avec les hommes ». La suite, on sait ce que ça donne. Sans vraiment d’émotion, certes, mais avec beaucoup d’affectation, même si brisée.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Ira Sachs

Scénario
Ira Sachs
Mauricio Zacharias
Direction photo
Josée Deshaies

Montage
Sophie Reine
Musique
[ Artistes variés ]

Ira Sachs

Genre
Drame romantique

Origine(s)
France /Allemagne
Année : 2023 – Durée : 1 h 33 min
Langue(s)
V.o. : anglais, français; s.-t.f. & s.-t.a.

Passages

Dist. [ Contact ] @
Métropole Films
[ Mongrel Media ]

Diffusion @
Cinéma du Parc
Cineplex

 

Classement
Interdit aux moins de 13 ans
[ Érotisme ]

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon.★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

The Eternal Memory

P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 18 août 2023

RÉSUMÉ SUCCINCT.
Augusto et Paulina sont ensemble depuis 25 ans. Il y a huit ans, on lui a diagnostiqué la maladie d’Alzheimer. Tous deux redoutent le jour où il ne la reconnaîtra plus.

 

Le FILM
de la semaine

CRITIQUE
  | Élie Castiel

★★★★

 

La fuite

de l’image

indicible

 

Sans nul doute, il semblerait que pour la cinéaste chilienne Maite Alberdi, le plan cinématographique, dans un sens, sa représentation, disparaît, s’efface, ne fait plus partie du réel lorsque la mémoire flanche, le souvenir disparaît jusqu’à ce que plus rien n’existe.

Il ne reste plus à la cinéaste que de filmer les instants restants, qui s’évanouissent à une rapidité hallucinante, mais dans le même temps pris de quelques élans de tendresse infinie, d’amour inconditionnel, de vie de couple qui a connu de meilleurs moments. Comment filmer ce qui a été et compté si ce n’est pas l’intermédiaire de ces homes movies (films amateurs faits chez soi) où la nostalgie berce chaque plan.

Une émotion que Adiberti filme avec le plus grand soin apporté à cette notion de distanciation sans pour autant qu’elle nuise à un certain pathos nécessaire. C’est une question d’humanité, de rapport physique à l’autre.

Face à la caméra… faire semblant.

Ce doute entre filmer le réel, résister à son paroxysme, défier les lois de l’indicible, de la douleur intérieur et des lois rigides du cinéma situe la principale intéressée dans un dilemmme moral. Filmer ou ne pas filmer. Se laisser émouvoir par la condition d’Augusto (personnage documentaire au jeu impeccable, comme si sa maladie le poussait à camper un rôle à chaque étape de son évolution.

Que sait-on sur la maladie d’Augusto Góngora, journaliste chilien, acteur, ancien présentateur du journal télévisé? Et surtout de sa maladie, sauf que dès le départ, nous sommes confrontés à ce dilemme moral et physique. Et puis sa compagne, l’actrice, elle aussi chilienne, Paulina Urrutia. Dès le départ, en effet, c’est de leur dernier parcours de vie commune, de correspondance intime qu’on appelle simplement « amour » qui se manifeste dans ce docufiction qui tient à ne pas définir le genre dont il est question. Car le contraire, serait usurper la vérité, se l’approprier pour la rendre pathétique. Alberdi évite ce faux pas.

La conscience s’en va, l’oubli se fait de plus en plus présent. La maladie d’Alzheimer n’a jamais subi un traitement cinématographique aussi bouleversant. Justement parce que traité avec un réalisme entre le poétique et l’indubitable. C’est cet amalgame qui rejoint en quelque sorte l’image qui s’esquive, comme pour se protéger de la finitude annoncée. C’est un bel essai sur la vie et le cinéma.

Et si le sujet est lourd, assaillant même, n’empêche que la cinéaste prend tous les moyens possibles pour que l’ensemble paraisse, paradoxalement ensoleillée. Ce sont des plans de rapprochements tendres et complices qu’elle va créer, des instants qui ressemblent à des lendemains qui chantent, tout le contraire de ce que le futur réserve.

Les principaux protagonistes de cette histoire sont montrés dans une approche quasi angélique, romantique, chose que Alberdi ne se reproche pas. Elle en est consciente. On parle de la mort, mais, non pas pour l’inciter à se rapprocher, mais pour savourer le temps qui reste; on parle aussi  de chansons qu’on a aimées, de souvenirs communs. Paulina agit en infirmière pendant les étapes les plus lourdes à surmonter.

La conscience s’en va, l’oubli se fait de plus en plus présent. La maladie d’Alzheimer n’a jamais subi un traitement cinématographique aussi bouleversant. Justement parce que traité avec un réalisme entre le poétique et l’indubitable. C’est cet amalgame qui rejoint en quelque sorte l’image qui s’esquive, comme pour se protéger de la finitude annoncée. C’est un bel essai sur la vie et le cinéma.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Maite Alberdi

Scénario
Maite Alberdi
Direction photo
Pablo Valdés
Montage
Carolina Siragyan
Musique
Miguel Miranda
José Miguel Tobar

Maite Alberdi et son principal sujet.

Genre
Docufiction

Origine(s)
Chili
Année : 2023 – Durée : 1 h 25 min
Langue(s)
V.o. : espagnol; s.-t.f. ou s.-t.a.

La mémoire éternelle
La memoria infinita

Dist. [ Contact ] @
Équinoxe Films
[ Dogwoof ]

Diffusion @
Cineplex
 Cinémathèque québécoise
 [ Dès le vendredi 25 août 2023 avec s.-t.f. ]

Classement
Visa GÉNÉRAL

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon.★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

Twice Colonized

P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 18 août 2023

RÉSUMÉ SUCCINCT.
Aaju Peter, avocate inuite de renom, se bat pour que les peuples indigènes aient une place dans la politique européenne tout en faisant face au deuil suite au décès de son fils et en essayant de mettre fin à une relation toxique.

 

CRITIQUE
| Luc Chaput

★★★ ½

 

Portrait complexe

              d’une pasionaria

Une dame revêt sa toge d’avocate et elle souligne que des éléments en peau de phoque en font partie. Elle permet à sa jeune petite-fille de la porter et celle-ci s’admire dans un miroir.

C’est en alternant avec savoir-faire les scènes intimistes et celles plus officielles que la réalisatrice danoise Lin Alluna compose ce portrait tourné sur une période de sept ans à divers intervalles de l’avocate et artiste inuite canadienne Aaju Peter. Certains l’avaient déjà remarquée dans Angry Inuk, le film revendicateur d’Alethea Arnaquq-Baril sur le combat des Inuits du Canada contre l’interdiction de la commercialisation des produits du phoque dans l’Union européenne. Cette réalisatrice est d’ailleurs une des productrices de cette nouvelle fresque.

Une sorte de constante culturelle à l’abri des dérives de la modernité.

Aaju Peter retourne avec son frère dans le village de leur enfance au Groenland et ils se rappellent les conditions déplorables de cette existence. Amenée jeune à poursuivre ses études dans l’état scandinave, elle y voit là sa culture dénigrée et le Danois devient signe d’assimilation. La réalisatrice accompagne donc dans ces divers lieux du pourtour de L’Arctique, en Suède chez les Sami, au Groenland et au Nunavut ou dans des capitales plus au sud pour des rencontres personnelles ou officielles dans lesquelles la personnalité de Peter vibre aux divers accords ou désaccords.

Mu par la complicité évidente entre la cinéaste et sa protagoniste même dans les moments les plus ardus, ce long métrage porte bien haut les revendications des Premiers peuples qui sont nos voisins et était donc un éclatant film d’ouverture pour Présence autochtone.

La cinématographie venant de plusieurs cameramen, étant donné la longueur du projet, est d’un très haut niveau combinant les tournages au plus près et les panoramiques qui montrent la splendeur de ces lieux mais aussi les difficultés que les changements climatiques et la modernisation y effectuent.

Mu par la complicité évidente entre la cinéaste et sa protagoniste même dans les moments les plus ardus, ce long métrage porte bien haut les revendications des Premiers peuples qui sont nos voisins et était donc un éclatant film d’ouverture pour Présence autochtone.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Lin Alluna

Scénario
Lin Alluna
Aaju Peter
Direction photo
Lin Alluna, David Bauer

Glauco Bermudez, Iris Ng
Montage
Mark Bukdahl
Musique
Olivier Alary, Celina Kulluk
Johannes Mofatti

Lin Alluna

Genre
Documentaire

Origine(s)
Canada / Danemark
Groenland
Année : 2023 – Durée : 1 h 31 min
Langue(s)
V.o. : multilingue; s.-t.a. ou s.-t.f.

Deux fois colonisée

Dist. [ Contact ] @
Eye Steel Films
[ Anorak ]

 

Diffusion @
Cinéma du Musée

Classement
Visa GÉNÉRAL

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon.★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

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