P R I M E U R [ En salle ] Sortie Vendredi 21 octobre 2022
SUCCINCTEMENT. En Corée du Sud, une enquête sur un accident de montagne prend des tournures inattendues.
CRITIQUE. ★★★★
texte Luc Chaput
Partir,
c’est
mourir
un peu
Assis dans son auto, un inspecteur insomniaque surveille le logement d’une suspecte. Il s’imagine dans le luxueux appartement, pas loin de celle-ci, vérifiant des infos et plaçant un cendrier sous une cigarette qu’elle fumait.
Un alpiniste amateur tombe d’un pic qu’il vient d’escalader dans la région de Busan. L’inspecteur Hae-jun et son second sont envoyés sur les lieux. Les réactions de la veuve apparaissent trop timorées à l’annonce du décès. L’enquête est donc lancée avec interrogatoire dans les locaux de la police et entrevues avec des témoins, voisins et autres connaissances du défunt et de l’épouse Seo-rae, par ailleurs préposée aux soins. La mise en scène de Park Chan-wook multiplie les cadres insolites et les actions étonnantes des protagonistes. Une poursuite concomitante dans des escaliers extérieurs et un combat sur les toits apportent un autre éclairage sur l’importance de l’amour pour un gangster.
Avancer coûte que coûte.
Ce long métrage méritait tout au moins le prix de la mise en scène à Cannes pour sa spéléologie de l’âme humaine.
Le scénario du cinéaste et de sa collaboratrice habituelle Jeong Seo-kyeong insère des pistes sur les relations entre le Japon, les deux Corées et la Chine qui rappellent ses films précédentsJSA (Joint Security Area) et The Handmaiden (Agassi). Les interactions entre l’inspecteur et la suspecte se muent dans une version plus personnelle, évoquant par certains plans The Thirty Nine Steps (Les 39 marches) et Vertigo (Sueurs froides) d’Hitchcock. Un non-lieu effectif arrive avant qu’un retournement dans une plus petite ville crée une nouvelle donne.
Les avis de la nouvelle assistante de l’inspecteur rajoutent une touche d’humour dans cette investigation renouvelée. Le cinéaste remuant sable et marée conclut avec panache cette danse entre amour et mort portée par la chimie incandescente entre les deux interprètes Tang Wei et Park Hae-il. Ce long métrage méritait tout au moins le prix de la mise en scène à Cannes pour sa spéléologie de l’âme humaine.
FICHE TECHNIQUE PARTIELLE Réalisation Park Chan-wook
Scénario Park Chan-wook Jeong Seo-kyeong
Images Kim Ji-yong
Montage Kim Sang-beom
Musique Jo Yeong-wook
Genre(s) Drame policier
Origine(s) Corée du Sud
Année : 2022 – Durée : 2 h 19 min
Langue(s) V.o. : coréen; s.-t.a. / s-t.f. Décision de partir
Heojil Kyolshim
Dist. [ Contact ] @ Métropole Films [ Mongrel Media ]
P R I M E U R [ En salle ] Sortie Vendredi 21 octobre 2022
SUCCINCTEMENT. Deux membres du ministère chinois des Affaires étrangères sont chargés de l’évacuation des citoyens chinois lorsque la guerre éclate à Numia, en Afrique du Nord.
S A N S COMMENTAIRES.
FICHE TECHNIQUE PARTIELLE Réalisation Rao Xiaozhi
Genre(s) Suspense
Origine(s) Chine
Année : 2022 – Durée : 2 h 17 min
Langue(s) V.o. : mandarin; s.-t.a. & chinois Wan li gui tu
Dist. [ Contact ] @ Imtiaz Mastan
Classement Interdit aux moins de 13 ans [ Violence ]
Diffusion @ Cineplex [ Salles VIP : Interdit aux moins de 18 ans ]
P R I M E U R [ En salle ] Sortie Vendredi 21 octobre 2022
SUCCINCTEMENT. La vie de Lydia Tár, cheffe avant-gardiste d’un grand orchestre symphonique allemand, se désagrège au moment où elle prépare un concerto très attendu de la célèbre Symphonie nº 5 de Mahler.
COUP de ❤️ de la semaine.
CRITIQUE. ★★★★ ½
texte Élie Castiel
Points
de
non-retour
Entre 1992 et son récent long métrage, Tár, seulement 11
réalisations, dont huit courts sujets ou productions pour
la télévision; un premier long métrage, In the Bedroom / Sans issue(2001), suivi de Little Children /Les enfants de chœur (2006), tous les deux favorablement accueillis.
Pause, pour ensuite proposer 16 ans plus tard, sans doute son meilleur film de long format, une oeuvre puissante tant pour ses qualités formelles indéniables que pour sa structure narrative des plus inusitées.
Film d’auteur, c’est incontestable, évoquant d’une certaine façon un certain Michelangelo Antonioni, sans s’apparenter à sa structure ni à son style. Mais, admettons, à ses personnages qui passent et s’effacent, ses lieux où leur architecture compose à elle seule une sorte de fil conducteur à une intrigue en forme de biographie rêvée, quasi fantomatique, mise en images, dans Tár, par ces divers rêves que traverse Lydia, pour sa cause, d’être la plus grande cheffe d’orchestre de l’heure, ne cachant point son orientation sexuelle (important de le dire puisque… – évitons d’en dire trop sur le récit), égocentrique sans ça elle n’aurait pas réussi à atteindre un si haut niveau de perfection; exigeante (elle enseigne son métier à des jeunes férus de musique classique qui rêvent de faire carrière); elle vit des relations un peu, parfois très, chaotiques avec les autres. Et pourtant, une certaine sensibilité qu’on n’ose pas lui attribuer, un sens de l’humour particulier, mais efficace, du moins pour celles et ceux qui savent lire entre les lignes.
Ajuster le corps et l’esprit.
Film abouti sur tous les aspects, en dépit des personnages qui disparaissent à l’improviste, comme ça, comme si de rien n’était (ou presque), comme celui de Francesca Lentini (très efficace Noémie Merlant).
Les lieux se confondent entre Berlin et New York. À Julliard, établissement par excellence des expressions artistiques, Cate Blanchett manifeste un tour de force dans l’art de l’interprétation; un de ses élèves quittera la salle avec un sans-gêne hallucinant – conflit générationnel sans doute à une époque actuelle où ce qu’on appelle l’autorité (au lieu plus grande « connaissance ») est malmenée. On pense comme ça, à Maria Callas lorsqu’elle enseignait l’art lyrique à la même époque, dans la même institution. Mêmes réactions? Mêmes états d’âme?
Mais Tár, par petites doses bien mesurées, succombe à la tentation de remettre les pendules à l’heure. Un personnage parlera de James Levine (il l’appelle Jimmy, pour les intimes) et de sa destitution pour cause de… Et, en filigrane, très vite mentionné, de Plácido Domingo. C’est incroyable, semble dire (espérons que je ne trompe pas) Todd Field, comment les carrières autrefois glorieuses s’estompent au moindre soupçon. Plus que soupçon.
Grâce aux décors de Marco Bittner Rosser, aux images diaphanes pour certaines situations de Florian Hoffmeister, cette œuvre brise aventureusement avec l’esprit de rachat, préférant une fin brillamment inattendue, en contrepoint avec le reste du film et qui, malgré son côté emblématique, semble une possible issue, une porte de sortie que Todd Field se permet d’ouvrir pour un monde offrant d’autres possibles.
Idem pour Lydia Tár qui accepte les contrecoups de sa destinée. On ne dit pas plus. Comme tous les univers culturels, qu’il s’agisse de l’art lyrique, de la littérature, du cinéma, de la musique en général ou autres modes d’expression, chacun est régi par ses propres règles. Et les journalistes-critiques, ceux qui ont une certaine influence sur le public (j’espère que c’est encore le cas) exigent aussi leurs propres conditions. Du moins, les influents.
Dans Tár, le monde des maestri (maîtres de musique) est illustré à coups de détails qui paraissent parfois pittoresques mais qu’il faut prendre au sérieux. Plutôt que de banaliser le temps, le cinéaste le contrôle avec l’arsenal ultime, le plan; le nourrit d’éléments aussi discursifs que de style aussi controversés que capricieux. Entre la forme et le fond, une sorte de complicité parfois tacite, soudain perméable, même dans les parties rêvées, pour Lydia, des cauchemars qui contrastent avec sa personnalité explosive et règlementée selon ses principes.
Lydia a aussi recours à la loi insoutenable de ce que représente privilégier quelqu’un au détriment d’un autre, même si cet autre fait partie depuis des lustres de son univers. La « cancel culture » (culture d’annulation) dans sa forme la plus cynique. Impitoyable, fidèle à un 21e siècle qui ne répond de rien.
Même si c’est faire semblant.
Tár est un film impitoyable, féroce, sans doute, l’un des plus belligérants de l’année en termes de constat social sur un univers méconnu par la plus grande partie de la société. Un univers clos, autoproclamant son caractère élitiste, ignorant en quelque sorte la part d’humanité qui réside chez chacun des individus qui composent ce milieu – sauf pour les musiciennes et les musiciens qui souvent, en pâtissent.
Réussir à tout prix, accepter les faveurs. Trahir pour ensuite conquérir. Mais lorsque ces nombreux interstices sont peuplés de mauvaises intentions, l’écart entre l’éthique et son contraire ne deviennent qu’une seule entité.
Nina Hoss, remarquable sur toute la ligne. Et Blanchett, parfaite. Prête, il faut croire, pour les prochains Oscars. Cette cheffe d’orchestre n’utilise pas le bâton comme la grande majorité de ses collègues, mais comme une arme à double tranchant. Une façon comme une autre de mieux contrôler l’insoutenable subjectivité du temps.
Grâce aux décors de Marco Bittner Rosser, aux images diaphanes pour certaines situations de Florian Hoffmeister, cette œuvre brise aventureusement avec l’esprit de rachat, préférant une fin brillamment inattendue, en contrepoint avec le reste du film et qui, malgré son côté emblématique, semble une possible issue, une porte de sortie que Todd Field se permet d’ouvrir pour un monde offrant d’autres possibles.
Comment ne pas succomber à la beauté radieuse, diabolique, ensorcelante de Cate Blanchett. Entre son personnage et elle-même, une juxtaposition courageusement narcissiste.
FICHE TECHNIQUE PARTIELLE Réalisation Todd Field
Scénario Todd Field
Images Florian Hoffmeister
Montage Monika Willi
Musique Hildur Guðnadóttir
Todd Field, cinéaste. Intégrer un monde dont on parle peu.
Genre(s) Drame
Origine(s) États-Unis
Année : 2021 – Durée : 2 h 38 min
Langue(s) V.o. : multilingue; s.-t.a. / Version française Tár
Dist. [ Contact ] @ Universal Pictures
Classement Visa GÉNÉRAL
Diffusion @ Cineplex [ Salles VIP : Interdit aux moins de 18 ans ]
ÉTOILES FILANTES ★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★Mauvais. 0 Nul. ½ [ Entre-deux-cotes ]