Flee

P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 17 décembre 2021

SUCCINCTEMENT.
L’histoire vraie d’Amin, un Afghan qui a dû fuir son pays à la fin des années 80 alors qu’il n’était qu’un enfant. Trente ans plus tard, universitaire au Danemark, il va confier à son meilleur ami la véritable histoire de son voyage et de son combat pour la liberté.

Coup de ❤️
de la semaine.

CRITIQUE.

★★★★ ½

texte
Élie Castiel

Le voyage d’Amin

Tout d’abord, une idée. Une proposition d’une extraordinaire originalité, due à sa simplicité, sa forme limpide, sa lucidité envers des personnages de tous les jours pris dans des situations extraordinaires.

  Avant d’épouser son amoureux, Amin, 36 ans, résident maintenant au Danemark, lui raconte son parcours d’enfant dans un Afghanistan de la fin des années 1980. Est-ce utile de situer le conflit politique dans cette région du monde, témoin de l’émergence des moudjahidines, mettant fin aux valeurs acquises de l’Occident. Et pour Amin, quelque chose du domaine de l’intime, une attirance envers les hommes. Les murs de sa chambre sont vêtus d’affiches de Chuck Norris ou de ces lutteurs aux attributs généreux. Une révélation que le jeune Amin ne saisit pas complètement. Il ne comprend pas totalement le véritable sens de son orientation. Et puis, la prise de conscience de sa différence dans un endroit conservateur, homophobe.

  Mais qu’importe, la mise en scène de Jonas Poher Rasmussen brille par ses accents de vérité, ce choix des paroles du quotidien qui, en fin de compte, sont autant de moments remplis de tendresse qui illumine soudainement les agissements de l’existence, même les plus difficiles.

La confession d’un enfant du siècle.

  Et raconter une odyssée, celle des migrants. Aller d’un pays à l’autre. Devenir, par exemple, victime de la corruption des policiers russes. Penser qu’on est devenu libre, pour ensuite subir le rejet. Fuir de nouveau. Les images d’animation se juxtaposent à celles prises sur le vif, réelles. Comme ces moments en Russie libre où les McDonalds se fraient un chemin après la chute du Mur, la fin du communisme. Chômage endémique, dévaluation de la monnaie, extrême décadence d’une société qui ne se reconnaît plus dans les valeurs d’un Occident depuis toujours libérée,

  Tout cela en quelques minutes d’images d’archives, pour un retour à la case départ, le film d’animation qui reprend son droit de cité. La proposition ne tient plus sur un fils évanescent, mais au contraire, guide la mise en scène par sa dextérité à manipuler l’image animée. Et un épatant travail sonore, autant de silences que de bruits assourdissants. L’animation capte la vie, le réel, l’individuel, tout ce qui bouge.

… techniquement, l’écran large n’a jamais été utilisé avec tant de doigté. Des couleurs extraordinaires qui unissent l’Orient et l’Occident avec un style éclatant et une esthétique des plus bigarrées. Magique.

  Pour Amin, être différent, mais sentir aussi que la famille compte, que ceux et celles avec qui on a vécu ne seront jamais des étrangers. Et puis, révéler à ses proches que « les fillles ne l’intéressent pas de cette façon ». Pour Rasmussen, l’occasion de créer une séquence d’une émotion palpable où l’ouverture d’esprit impressionne par sa sagesse et un simple « on le savait… » réunit les âmes les plus récalcitrantes.

  Et techniquement, l’écran large n’a jamais été utilisé avec tant de doigté. Des couleurs extraordinaires qui unissent l’Orient et l’Occident avec un style éclatant et une esthétique des plus bigarrées. Magique.

Suite

Nightmare Alley

P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 17 décembre 2021

SUCCINCTEMENT.
Stanton, un nouvel employé d’un parc d’attractions, connait une carrière étonnante.

CRITIQUE.

★★★ ½

texte
Luc Chaput

Les montagnes

russes de la vie

Un nouveau journalier, dans un parc d’attractions ambulant, se rend à un établissement de bains proche. Il y rencontre les Krumbein, propriétaires de ce commerce, qui lui offrent rapidement de nouvelles possibilités de travail.

  L’univers des forains a été l’objet de plusieurs films dont le fameux Freaks de Todd Browning, Carny de Robert Kaylo ou même des comédies musicales comme Carousel d’Henry King. Ces parcs d’attractions qui naguère faisaient partie de foires agricoles offraient l’occasion d’entr’apercevoir des êtres différents, (femme à barbe, personnes très grandes, etc.), d’aller dans des tunnels d’épouvante ou des halls aux miroirs et d’éprouver ainsi des sensations fortes dans un environnement plutôt sécuritaire.

  Guillermo del Toro et Kim Morgan adaptent un sombre roman de William Lindsay Gresham se déroulant à la fin de la Grande Dépression aux États-Unis et juste avant l’entrée dans la 2e Guerre mondiale pour ce pays. Ce contexte de pauvreté et de richesse extrême sert d’arrière-plan à ce film noir narrant l’histoire de Stan, le nouvel employé, plutôt sûr de ses talents. Il côtoie des nouveaux collègues ayant divers sens de la moralité dont le grand patron Clem dans lequel Willem Dafoe croque goulûment.

Un regard à double tranchant.

Guillermo del Toro manie avec grand art les divers éléments de mise en scène, traçant un portrait plus acide de la société d’hier et d’aujourd’hui dans laquelle faux semblants et discours alambiqués prolifèrent.

  La première partie du film est englobée par le directeur photo Dan Laustsen dans une lumière diffuse qui atténue les couleurs, augmente le gris du brouillard ambiant. Cela permet aux divers personnages autour de Stan, de lui montrer les arrière-scènes de ces courts numéros populaires. Stanton devient un bon praticien du mentalisme car il a accès aux codes de procédure.

  La rencontre de Molly, interprétée avec une intelligence candide par Rooney Mara, lui permet de constituer une équipe qui œuvre dans des endroits de plus en plus sélects. Le style art déco sert d’écrin à cette nouvelle vie et le binôme des flammes d’un âtre et la froideur de la neige revient comme un leitmotiv reliés aux souvenirs cauchemardesques de Stan. La rencontre de la docteure Lilith, au prénom lourd de sens, à laquelle Cate Blanchett apporte de subtiles modulations sur le thème de la blonde glacée, complique la donne. Des rapprochements entre psychologie et mentalisme sont alors insérés dans la recherche de clients plus fortunés. Bradley Cooper, un peu vieux pour le rôle de Stan, porte le film avec une assurance qui sied à ce quidam qui croit avoir trouvé sa voie vers le succès. Il est fortement épaulé par une troupe d’acteurs, impeccables même dans les plus petits rôles.

  Guillermo del Toro manie avec grand art les divers éléments de mise en scène, traçant un portrait plus acide de la société d’hier et d’aujourd’hui dans laquelle faux semblants et discours alambiqués prolifèrent.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Guillermo del Toro

Scénario
Guillermo del Toro

D’après le roman
de William Lindsay Gresham

Direction photo
Dan Lantsen

Montage
Cam McLaudlin

Musique
Nathan Johnson

Genre(s)
Comédie satirique

Origine(s)
États-Unis

Année : 2021 – Durée : 2 h 30 min

Langue(s)
V.o. : anglais / Version française

Ruelle de cauchemar

Dist. [ Contact ] @
Fox Searchlight

Classement
Interdit aux moins de 13 ans

Diffusion @
Cineplex
[ Salles VIP : Interdit aux moins de 18 ans ]

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

Red Rocket

P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 17 décembre 2021

SUCCINCTEMENT.
Mikey Saber revient dans sa ville natale du Texas après des années de carrière de pornstar à Los Angeles. Les habitants du patelin ne sont pas vraiment contents de le revoir.

CRITIQUE.

★★★★

texte
Élie Castiel

C’est surtout avec le merveilleux Tangerine (2015) que Sean Baker se révèle à la critique et au public friand de films indie, ce genre à part dont une génération de jeunes cinéastes américains se sont fait les apôtres d’une spécialité dû en grande partie à l’effet-Sundance : tournage, en général, hors des grandes villes ; personnages de classes ouvrières ou parfois, bien souligner cet adverbe, des intellectuels ayant fui les centres névralgiques pour des cieux plus cléments.

  Ou encore, ce qu’on appelle communément les centres peuplés aussi de white-trash, ces nombreux Paris, Texas de l’Amérique. Sur ce point, on soulignera également son étonnant The Florida Project (2017) où les deux enfants-vedettes s’animent avec une étonnante décontraction.

  Ici, Texas City, patelin au cœur du Texas qui, entre les mains de Baker devient le terrain de toutes les possibilités narratives. Endroit où personne ne dicte la façon dont vous allez mener votre vie. Comme avoir été acteur porno, aujourd’hui plus âgé, et fauché. De retour chez lui, Mikey sent le besoin de pratiquer l’art de la débrouille, comme c’est le cas de tous les habitants – sauf une infime minorité qui habite dans de rares coins aux habitations plus cossues.     C’est aussi, pour Baker, l’occasion de confirmer une fois de plus que le cinéma indie est quelque chose de sérieux, de vachement sérieux, et qu’il ne faut pas le prendre à la légère.

Le mythe indissociable

d’une Amérique figée

Un rêve de liberté fait d’illusions.

  Notamment lorsqu’on peut compter sur des comédiens exceptionnels qui, chacun son tour, n’essaie pas de voler la vedette. Chacun, chacune étale son savoir-faire avec une extraordinaire énergie. Comme Mikey (excellent Simon Rex) d’abord, ancien du X, son ex-femme (versatile Bree Elrod) qui, soit dit en passant, est toujours sa femme, la mère de celle-ci, brillante, époustouflante, une Brenda Deiss méconnaissable.

  Et nous sommes à la veille des Élections où un peu plus tard, Donald Trump gagne à son grand étonnement grâce, notamment, à des États comme celui du Texas, terre de liberté, d’une partie de ce White Trash et de cet esprit d’affranchissement propre aux Américains qui consiste à vivre sans contraintes. C’est de cela que se nourrit également ce mythe américain. Réussir à tout prix, même s’il faut vendre son corps au diable, comme l’espère Mikey, renvoyant pour ainsi dire au personnage de Strawberry, la vendeuse de Donuts qui affiche mille et une raisons pour réaliser ce projet de se rendre à Hollywood pour poursuivre une carrière X prolifique.

 Par le biais de la fiction cinématographique, le cinéaste dessine le canevas d’une Amérique qui n’existe que dans l’imaginaire. Mais celle dont Baker nous fait le portrait est-elle vraiment si imaginaire que cela? Comme quoi la devise « Make America Great Again » renvoit à quelque chose comme continuer à croire farouchement aux vertus illusoires du mythe fondateur.

  Un gros plan et un moyen, magnifiques, signalent la fin du film, peut-être un peu trop long, mais qui montre jusqu’à quel point cette image du mythe de l’Amérique dont tous rêvent est en quelque sorte la métaphore de l’extrême aboutissement d’une vie au pays où le fric fait figure de divinité collective.

  Par le biais de la fiction cinématographique, le cinéaste dessine le canevas d’une Amérique qui n’existe que dans l’imaginaire. Mais celle dont Baker nous fait le portrait est-elle vraiment si imaginaire que cela ? Comme quoi la devise « Make America Great Again » renvoit à quelque chose comme continuer à croire farouchement aux vertus illusoires du mythe fondateur. Mais peut-être qu’il est finalement temps de repousser ce phantasme unique aux calendes grecques.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Sean Baker

Scénario
Sean Baker

Chris Boyd

Direction photo
Drew Daniels

Montage
Sean Baker

Chanson
Bye Bye Bye

Sean Baker

Genre(s)
Comédie dramatique

Origine(s)
États-Unis

Année : 2021 – Durée : 2 h 08 min

Langue(s)
V.o. : anglais; s.-t.f.

Fusée rouge

Dist. [ Contact ] @
Métropole Films

Classement
Interdit aux moins de 13 ans

[ Érotisme / Langage vulgaire ]

Diffusion @
Cinéma du Parc
Cineplex
[ Salles VIP : Interdit aux moins de 18 ans ]

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

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