La mise en scène aboutie de Denise Filiatrault, toujours aussi assurée, inventive, un brin classique et si intelligemment contrôlée est ici tenue sur un mince fil raide qu’elle manipule à sa guise, instinctivement, sans s’en rendre compte.
Un sujet toujours en or, des personnages conquis par le paradoxe de leurs contradictions. Pour la metteure en scène, des situations comme si ce temps récent de pandémie loufoque lui avait donné une assurance encore plus maîtrisée, de peur qu’un petite erreur fasse chavirer cette fragile embarcation peuplée de personnages, du moins ordinaires, dans des situations extraordinaires.Suite
P R I M E U R [ En ligne ] Sortie Lundi 13 septembre 2021
SUCCINCTEMENT. Quatre jeunes femmes se retrouvent sur la plage d’une île grecque. Aucune n’est Winona. Un secret les lie.
| CRITIQUE.
★★★ ½
texte Élie Castiel
Sirènes
Quelque courts sujets et ce cinquième long métrage de fiction. De fiction, mais non linéaire, déconstruisant l’horizontalité du récit en lui attribuant une très proche correspondance entre les personnages et la caméra, celle, ici de Simos Sarketzis, prisonnier du terrain sablonneux d’un bord de mer serein, sans vagues, propice aux propos de ces quatre ondines qui, telles des sirènes devenues femmes, racontent ludiquement leurs expériences de vie, parlent de tout et de rien, transformant le dialogue en quelque chose de superficiel et qui, au fond, exprime des vérités, des mystères, élucide des parties de vie cachées, des choses qu’on ne dit pas, sur soi, sur les autres.Suite
P R I M E U R [ En salle ] Sortie Vendredi 10 septembre 2021
SUCCINCTEMENT. Pendant le règne de Louis XVI, un cuistot retrouve le goût de cuisiner pour ses semblables.
| CRITIQUE.
★★★ ½
texte Luc Chaput
Une femme se présente à un cuisinier commençant à établir une auberge dans une campagne éloignée des grandes routes. Celui-ci tarde à l’accepter comme apprentie mais consent contre un apport en espèces sonnantes et trébuchantes.
L’époque précédant la Révolution française a amené de nombreux bouleversements dans une société où les classes et emplois étaient bien définis. Pierre vient de perdre son poste de cuisinier pour avoir refusé de s’excuser d’avoir préparé et présenté un plat qu’il nomme délicieux. Son maître le duc de Chamfort s’est senti ridiculisé par la réaction de ses convives. Retournant dans son patelin d’origine, il retrouve ses marques avec l’aide de son fils et du vieux Jacob qu’il connaît depuis l’enfance.
L’art culinaire, comme un outil de revendication.
Le scénario du réalisateur et de Nicolas Boukhrief ménage quelques surprises spécialement par le biais du personnage de Louise, l’apprentie qui prend une fonction importante dans cette prise de conscience par Pierre de la nécessité de faire profiter au plus grand nombre de sa cuisine basée sur la fine connaissance des produits. Le nom de famille Manceron est un hommage direct au grand historien français Claude Manceron1 dont les nombreux tomes des Hommes de la liberté sont une chronique vivace et savante des interactions entre des quidams et des personnalités à compter de la mort de Louis XV.
… ce long métrage constitue un hommage bienvenu, goûteux et odoriférant à ces artisans et artistes de la bouffe qui ont pris leurs nécessaires places dans le domaine culturel.
Lui faisant face, le duc porte le nom inspiré de celui d’un écrivain célèbre du temps Sébastien-Roch Nicolas de Chamfort, auteur d’aphorismes se situant plutôt dans le versant réactionnaire face à Rousseau. La cinématographie en Scope de Jean-Marie Dreujou accompagne l’évolution des protagonistes des dorures d’un château à l’âtre d’une masure. Un hommage discret au peintre Jean-Baptiste Chardin se retrouve dans la composition de plusieurs scènes. Porté par une interprétation très sentie de Grégory Gadebois et d’Isabelle Carré auxquels d’autres acteurs complices, tels Benjamin Lavernhe et Guillaume De Tonquédec apportent leur soutien, ce long métrage constitue un hommage bienvenu, goûteux et odoriférant à ces artisans et artistes de la bouffe qui ont pris leurs nécessaires places dans le domaine culturel.
1 Manceron fut conseiller pour La Nuit de Varennes d’Ettore Scola, autre lecture oblique de ces événements.