Sin La Habana

P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 10 septembre 2021

SUCCINCTEMENT.
Prêts à quitter leur patrie, Cuba, le danseur de ballet classique Leonardo et sa bien-aimée Sara conçoivent un plan ingénieux.

| CRITIQUE.

★★★ ½

texte
Élie Castiel

            Un titre à la limite du générique, chacune des deux particules, Sin et La Habana constituant à elle seule une énigme, implique des questionnements existentiels, des revendications sourdes qu’on se fait pour une meilleure vie,  suscitent parallèlement des sentiments contraires.

Et pour le cinéaste Kaveh Nabatian, sans doute un regard posé sur sa double condition de cinéaste, venu d’ailleurs et œuvrant ici. Une appartenance binaire dans un milieu restreint et hautement compétitif – bizarrement, la maigre industrie du cinéma québécois arrive malgré tout à produire, bon an mal an, tous métrages et genre confondus, une quantité non négligeable de films. Fermant la parenthèse.

Avant Sin La Habana (trad. libre : Sans La Havane), des courts sujets et des documentaires souvent sur l’autre, sur celui venu d’ailleurs et tente de s’intégrer dans une sorte de no man’s land qui lui semble inventée de toutes pièces. À l’heure des Google et autre machins du genre, évitons le cliché d’énumérer les films de sa filmographie.

D’accord, je tergiverse un peu en citant quand même son élégiaque mais tout aussi puissant Les sept dernières paroles / The Seven Last Words. Un film sur les sens, les sensations, les atmosphères, le céleste et le terrien. En quelque sorte, lié à Sin La Habana en ce qui a trait aux espaces explorés, aux changements de caps.

Transitions équivoques

Un érotisme congénital volontairement assumé. 

Justement, des sens qu’il reprend dans ce tout dernier opus, optant pour deux parties distinctes qui s’enchevêtrent à la fin pour privilégier cette quête éternelle du mouvement, propre à tous les individus, de partout.

Le canado-iranien Kaveh Nabatian se paie un séjour entre la Havane et Montréal. Première partie, tropicale, excitante, dansée ou presque, jouant autour des coutumes (et une histoire d’amour et d’opportunisme) d’un peuple qui « se sent » libre, mais rêve de l’étranger et des étrangers – ici, plutôt des étrangères – pour réaliser des rêves déséquilibrés puisque constant dans la mémoire inassouvie.

Une fiction pour Nabatian, jusqu’ici plus impressionné par les essais philosophiques un brin intellectuels et fortement nourrissants pour l’esprit.

Pari réussi, car au-delà du rêve de ce héros particulier, Leonardo, on découvre deux sociétés distinctes, l’une du Nord, l’autre du Sud, qui dans leurs différences, paraissent identiques.

Pour la petite histoire : un danseur qui se croit racisé dans l’école professionnelle de danse cubaine. Et il n’a sans doute pas tort. Oui, même au pays de Fidel, la couleur de la peau signifie quelque chose. Il tentera sa chance à Montréal en faisant croire à une Irano-Québécoise de confession juive, touriste à Cuba, qu’il est amoureux d’elle. Une histoire, sentimentale vouée à l’échec. Ils le savent tous les deux. Car l’attrait est d’abord sexuel, pittoresque. À Cuba, peut-il être autrement ? Quand même ! Et puis, un film en deux parties qui montre ses qualités premières (et ses petits défauts) à mesure que le récit progresse. Beau portrait des Juifs iraniens établis ici, sans doute personnifiés par des acteurs non-Juifs, mais qu’importe ; une séquence montre jusqu’à quel point le racisme circule partout, dans toutes les couches de la société et même chez ceux qui se croient racisés. Mais c’est là une autre histoire qui nécessite un débat.

Mise en scène classique, ne se privant pas d’une certaine attirance pour un érotisme de bon goût et dans un sens, montrant qu’avant tout, Nabatian a voulu se faire plaisir en abordant un autre genre de cinéma, question de savoir s’il en est capable. Pari réussi, car au-delà du rêve de ce héros particulier, Leonardo, on découvre deux sociétés distinctes, l’une du Nord, l’autre du Sud, qui dans leurs différences, paraissent identiques.

La langue parlée, quelle qu’elle soit, ce n’est qu’un détail.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Kaveh Nabatian

Scénario
Kaveh Nabatian

Direction photo
Juan Pablo Ramirez

Montage
Sophie Leblond

Musique
Kaveh Nabatian

Kaveh Nabatian, la caméra comme un instinct primaire.

Genre(s)
Drame

Origine(s)
Canada

Cuba

Année : 2020 – Durée : 1 h 35 min

Langue(s)
V.o. : anglais, espagnol, farsi; s.-t.a. ou s.-t.f.
Sin La Habana

Dist. [ Contact ]
Maison 4 :3

Classement
Visa général

En salle(s) @
Cinéma Beaubien
Cinéma du Parc
Cinémathèque québécoise

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

ÉTOILES

The Card Counter

P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 10 septembre 2021

SUCCINCTEMENT.
Un joueur de cartes doit faire face à ses démons.

| Le Film
de la semaine.

| CRITIQUE.

★★★ ½

texte
Luc Chaput

Noir, blanc et rouge

            Un homme d’une trentaine d’années prend une chambre dans un motel américain anonyme. Aussitôt arrivé dans ce logis, il entreprend d’en couvrir les divers éléments avec des draps blancs bien arrimés.

William Tell, puisque c’est ainsi qu’il se nomme, est un joueur dans les casinos qui évite d’attirer l’attention sur lui et qui, pour gagner, s’astreint à compter les cartes déjà jouées et donc leurs valeurs. Il est habillé élégamment de vêtements à dominante noire, uniforme de travail qui contraste donc avec son repaire blanc dont il change très souvent. L’homme solitaire, plus ou moins en marge de la société, est une des sources d’intérêt de Paul Schrader depuis son coup de semonce comme scénariste (Taxi Driver de Martin Scorsese) et les dilemmes moraux hantent l’œuvre de ce cinéaste depuis son essai sur Transcendental Style in Film dans lequel il rendait hommage à ses maîtres Bresson, Ozu et Dreyer.

En avant-plan, William Tell, un homme solitaire en marge de la société.

La caméra d’Alexander Dynan suit de près William dans ses pérégrinations auxquelles une voix off rajoute des considérations notées dans de petits carnets. Un rapport au passé proche et plus lointain s’installe ainsi que renforce la rencontre de Cirk, jeune homme qui veut venger son père des affronts que la justice américaine n’a fait subir qu’aux sous-fifres.

Les échanges entre Cirk et William se construisent à tâtons avant que le mentor s’affirme en William. Des séquences en fisheye attirent le spectateur dans les prisons d’Abu Ghraib dont William était un des tortionnaires sous les ordres d’un commandant plus sadique.  Le scénario du réalisateur Paul Schrader passe ainsi naturellement des casinos où le hasard est un élément constitutif des choix à ces lieux dans lesquels une propension à la violence est cultivée et dont l’auteur démêle rapidement les fondements.

Même s’il ne contient pas la force narrative de First Reformed, ce long métrage apporte une autre pierre majeure dans l’édifice artistique de ce cinéaste impétueusement moraliste.

La dense prestation d’Oscar Isaac, qui livre petit à petit des aspects de la personnalité de William, permet à Schrader de négocier plus aisément les changements de ton. Tiffany Haddish, parfaite dans le rôle d’une ancienne amie de William et Tye Sheridan, un peu effacé dans celui de Cirk, incarnent les deux embranchements d’un choix de vie qui se terminera par un plan éminemment bressonien.  Même s’il ne contient pas la force narrative de First Reformed, ce long métrage apporte une autre pierre majeure dans l’édifice artistique de ce cinéaste impétueusement moraliste.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Paul Schrader

Scénario
Paul Schrader

Direction photo
Alexander Dynan

Montage
Benjamin Rodriguez

Musique
Robert Levon Been

Giancarlo Vulcano

Paul Schrader, entre l’homme à la caméra et Oscar Isaac.

Genre(s)
Drame / Suspense

Origine(s)
États-Unis
Chine
Grande-Bretagne

Année : 2021 – Durée : 1 h 52 min

Langue(s)
V.o. : anglais
The Card Counter

Dist. [ Contact ]
V V S

Classement
Interdit aux moins de 13 ans
[ Violence ]

En salle(s) @
Cineplex
[ Salles VIP : Interdit aux moins de 18 ans ]

The Big Scary “S” Word

PRIMEUR
[ En ligne ]
Sortie
Vendredi 03 septembre 2021

SUCCINCTEMENT.
Exposé vivant sur la place du socialisme dans l’histoire des États-Unis.

| CRITIQUE.

★★★

texte
Luc Chaput

            Dans un état de l’ouest des Grands Lacs aux États-Unis, une ville a construit, il y a environ un siècle, des belles maisons unifamiliales pour une partie moins fortunée de sa population. Cette implication d’une administration de proximité dans ce domaine étonne moins aujourd’hui au Canada et est même réclamée de la part de tous les niveaux du gouvernement dans cette campagne électorale spécialement vu l’augmentation majeure récente du coût des logements.

La cité en question est Milwaukee où plusieurs maires se sont succédé dans la première partie du XXe siècle. À l’aide de multiples exemples, la réalisatrice Yael Bridge donne un cours rapide sur l’histoire des mouvements socialistes dans son pays. Elle reçoit l’aide d’un chroniqueur de The Nation, John Nichols, auteur de livre The ‘S’ Word, qu’elle filme in situ pour ancrer encore plus les propos de celui-ci. D’autres universitaires flamboyants comme Cornel West ou plus posés rajoutent des éléments de discussions à ce survol.

Approches du socialismeSuite

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