The White Tiger

P R I M E U R
Sortie
Vendredi 14 mai 2021

SUCCINCTEMENT
Balram Halwai et son ascension fulgurante de villageois à entrepreneur. Un success story à l’indienne aux saveurs parfois compromettantes.

CRITIQUE.

texte
Élie Castiel

★★★★

Impossible de ne pas penser à Slumdog Millionaire / Slumdog Crorepati (2008), le film à succès du Britannique Danny Boyle (et Loveleen Tandan). Tous les ingrédients liés à la réussite sont présents dans The White Tiger, en revanche bénéficiant dans son traitement d’une approche sud-asiatique, proche des lieux du récit. Et mieux encore, nous sommes devant un casting indien, rendant le tout crédible, particulièrement dans le cas du personnage principal, campé par un Adarsh Gourav en pleine possession de ses moyens physiques et existentiels.

Les arcanes

de la réussite

Il possède la caméra, transforme quasiment son physique au gré des situations et comme par magie, nous sommes devant un acteur puissant, multipliant en un seul film les registres les plus épatants : fidèle à son maître, du coup prenant conscience de sa classe sociale, développant un sens quasi innée de la pensée sociale et politique et ne reculons devant rien pour profiter de chaque occasion pour changer son quotidien. Il faut rappeler qu’enfant, c’est le plus intelligent de sa classe et est au courant de plusieurs choses sur la vie et le monde. Et il parle, malgré quelques hésitations, l’anglais.

Le film est un voyage à travers une Inde en transformation où gratte-ciels et taudis insalubres se confondent pour former une mosaïque spectaculaire déstabilisante et anarchique où la corruption est la seule arme pour avance.

De Bollywood, tout en évitant les inserts chorégraphiés et chantés, l’Américain Ramin Bahrani, né de parents iraniens, retient le côté didactique en vogue depuis quelque temps dans le cinéma populaire indien – messages sociaux, discours politiques, droits des femmes, récemment ouverture face à la réalité LGBT, le tout dans un ton direct et accessible d’accès.

Avec The White Tiger, Ramin Bahrani… signe ici une œuvre authentique, sans doute un des meilleurs films de 2021.

Conduire d’abord, laisser son empreinte ensuite.

Aucun comportement intellectuel barbant de la part du cinéaste; au contraire, un discours éclairé, allant droit au but et mettant en exergue les conséquences d’un mondialisation qui ne bénéficie qu’aux riches et au tout-puissants.

Ce qu’on retient, c’est qu’à travers son cinéma, le divertissement le plus respecté au pays – les salles sont toujours remplies malgré l’apport des nouvelles technologies et des formats de diffusion – l’Inde change, se reflète dans l’Occident en adaptant des modes et des comportements identiques, mais malgré tout conserve un héritage local qui se perd dans la nuit des temps. Aucune barrière contre la réussite, quitte à se casser la gueule, à briser des tabous ou mieux encore à se construire une nouvelle réalité, aussi néfaste soit-elle.

Rajkummar Rao, acteur bollywoodien très en vogue, compose un personnage dont le comportement demeure fidèle à ceux de sa classe sociale, les privilégiés. Et puis, Priyanka Chopra, maintenant, à l’instar de l’Israélienne Gal Gadot, vedette internationale, qui n’a besoin que de sa présence pour nous épater.

Mais la caméra, et c’est tant mieux, n’a presque d’intérêt que pour Adarsh Gourav, acteur né, peu vu, d’une énergie aussi farouche que contagieuse, un comédien qui laisse son empreinte. Avec The White Tiger, Ramin Bahrani, dont on se souviendra avec de son brillant et détonnant Man Push Cart (2005), signe ici une œuvre authentique, sans doute un des meilleurs films de 2021, saison cinématographique fréquemment interrompue.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Ramin Bahrani

Scénario
Ramin Bahrani

[ d’après la nouvelle d’Aravind Adiga ]

Photo
Paolo Carrera

Montage
Ramin Bahrani
Tim Streeto

Musique
Danny Benei
Saunder Juraans

En tournage. Ramin Bahrani (debout), Adarsh Gourav (assis).

Genre(s)
Comédie dramatique

Origine(s)
Inde

États-Unis
Année : 2021 – Durée : 2 h 05 min

Langue(s)
V.o. : anglais, hindi / s.-t.a.
Safed Baagh

Dist. @
Equinoxe Films
[ Netflix ]

Classement
Interdit aux moins de 13 ans

En salle @
Dollar Cinéma

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

Enfant Terrible

P R I M E U R
Numérique

Sortie
Vendredi 14 mai 2021

SUCCINCTEMENT
Début des années 1960. À 22 ans, Rainer Werner Fassbinder est un metteur en scène qui ne rêve que de faire du cinéma, voire devenir l’un des plus grands réalisateurs, à l’instar d’Orson Welles, Douglas Sirk, John Ford, Jean Luc Godard. Il s’entoure  d’une troupe de  fidèles et sort en salle L’amour est plus froid que la mort / Liebe ist kälter als der Tod, dans l’esprit de la Nouvelle Vague. La suite, c’est son histoire.

CRITIQUE.
[ Sphères LGBT ]

texte
Élie Castiel

★★★★

« Each man kills the thing he loves »

[ Chaque homme tue la chose qu’il aime ]

Ce sont là quelques-unes des paroles de la chanson de Peer Raben, chantée par Jeanne Moreau dans Querelle, ultime magnifique film de Rainer Werner Fassbinder, l’un des cinéastes les plus influents de la « movida » cinématographique allemande des décennies 1960 et 1970, interrompue en 1982, avec le décès du cinéaste, à 37 ans. Quelque chose qui a à voir avec le destin, ce spectre de la mort qui dans Enfant Terrible, apparaît devant Fassbinder, comme dans le Don Giovanni de Mozart. Ce dernier, homme à plusieurs femmes; dans l’esprit d’Oskar Roehler, collectionneur d’hommes.

Warhol et Fassbinder dans Enfant Terrible. Deux icônes de la contre-culture.

Cinéaste prolifique, 43 réalisations en 16 ans de carrière. Homme de théâtre aussi, qu’il délaisse pour une vie de cinéma. Homme colérique, écorché, encore une fois, amoureux des hommes, mais bien plus de sa profession. Une façon de tourner propre à ces années de liberté artistique dans les pays libres occidentaux. Premiers pas rapides d’une libération en matière de sexualité, particulièrement en ce qui a trait à la communauté LGBT. Une explosion de consommation de drogues, de comportements sexuels délirants et des histoires d’amours impossibles. Et de rencontres avec d’autres icônes de la contre-culture permanente, comme Andy Warhol.

On accuse Fassbinder, dans certains médias, de chauvinisme, d’antisémitisme, d’être homophobe aussi, alors qu’il est lui-même gai. Un bilan que le cinéaste Roehler – entre autres, Les particules élémentaires / Elementarteilchen (2006), dresse avec une certaine retenue, préférant se concentrer sur d’autres aspects de la personnalité du réalisateur.

L’amour est plus fort que la mort. L‘esprit de la Nouvelle Vague.

Reste un film ambitieux – s’en prendre à une icône du cinéma allemand, grand créateur à une époque où l’appétit cinématographique en Occident atteint un apogée considérable. Dans le cas de Rainer Werner Fassbinder, quelle que soit son idéologie, disparate, éclatée, controversée, créer, c’est d’abord détruire, pour mieux recréer, si possible, davantage. Dans les films comme dans la vie.

La mise en abyme entre Roehler et Fassbinder s’inscrit dans une tentative du premier à iconiser le deuxième, parfois lui vouant une fascination délirante, quasi incestueuse. La réalisation se sert ainsi de cette prise de position idéologique pour jongler avec des films de la carrière fassbinderienne bien précis. Si Querelle domine, c’est bel et bien pour souligner l’apport du film dans la mouvance queer, mais dans le même temps sert de film testamentaire. Comme un chant du cygne.

À une vitesse inouïe, deux heures et quinze minutes, comment couvrir une vie, une carrière aussi troublante que vécue dans la folie, l’excès, les humeurs incontrôlables. Cela commence dans les années 60 et l’homme en question n’en peut plus du théâtre, préférant l’objectif de la caméra, capable de capter la vie, de l’enregistrer sans tricher.

À une cadence d’enfer si on a vécu cette  époque et particulièrement suivi la carrière du cinéaste. La critique s’éclate, admirative devant son œuvre aussi volumineuse que controversée. Les Cahiers et autres revues influentes révèlent tous les mérites du réalisateur avec des textes analytiques, des écrits de fonds.

Querelle. Entre la pesanteur des paradis artificiels et un rejet obsessionnel de la morale.

Suite

RK/RKAY

PRIMEUR
[ En ligne ]
Sortie
Mercredi 14 mai 2021

SUCCINCTEMENT
RK tourne un film et on lui apprend que son personnage principal, Mahboob, a disparu des rush. Panique en la demeure.

CRITIQUE.

★★★ ½

texte
Élie Castiel

Rajat Kapoor fait partie de cette lignée de cinéastes indiens,  jeunes et moins jeunes qui, tout en acceptant des rôles de survie dans des Bollywood, industrie cinématographique principale au pays, persistent et signent, peu faut-il conclure, suivant néanmoins une méthode cohérente et constante. Apôtres d’un mouvement cinéphilique ne sont-ils pas, après tout, les disciples des prestigieux Satyayit Ray et Shyam Benegal, des grands d’une autre époque? Une parenthèse s’impose : de ce mouvement quasi contestataire, quelqu’un comme Sanjay Leela Bhansali, pour ne nommer que lui, a su adapter les codes de l’industrie hégémonique en lui insérant des apports formels indéniables, le plus souvent touchant à un lyrisme percutant.

Multiplier les mises en abyme

ou l’art tenace de conjuguer

Dans le cas de Kapoor, à l’instar d’un Woody Allen, par exemple, il apparaît parfois dans ses films, comme dans Akhon Dehki / Through My Own Eyes (2013), Kadakh (2019) et RK/RKAY. Une façon comme une autre de questionner son propre cinéma, de se persuader que son travail consiste à animer la dynamique culturelle d’un des pays les plus peuplés du monde. Le cinéma, constituant le principal et hautement lucratif divertissement, et encore aujourd’hui alors que les dérives des DVD / Blu-ray / Streamings et autres piratages ont envahi l’Occident.Suite

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