The Boys in the Band
Sortie
Mercredi 30 septembre 2020
[ Netflix ]
SUCCINCTEMENT
Dans un appartement de l’Upper East Side, Michael, homosexuel cynique au train de vie princier, organise une fête d’anniversaire pour son ami Harold. Alors que les premiers convives s’amusent et se charrient, Harold tarde à apparaître.
Critique.
Un texte de
Élie Castiel
★★★ ½
Sans aucun doute, parmi les films les plus attendus des dernières semaines sur Netflix, désormais l’incontournable géant des produits cinématographiques et séries en ligne, tous genres confondus. Même les plus récalcitrants ont dû céder à la pression cinéphilique de peur de rater tel ou tel bijou ou manquer un réalisateur chevronné.
En 1970, deux après le célèbre Stonewall, William Friedkin – signataire, entre autres, du scandaleux Cruising / La chasse (1980), pour rester dans le domaine du queer – transpose à l’écran l’adaptation de la pièce à succès The Boys in the Band. Triomphe immédiat puisque nous sommes aux premiers balbutiements d’une libération homosexuelle (et féministe, pour être juste), mais dont les préjugés, les calomnies et autres tendances néfastes font encore partie, quoique beaucoup moins certes, de l’ADN social hétéro.
Toujours est-il que comme c’est parfois le cas, certains films ouvrent quand même les esprits et les jeunes générations (plus ou moins soixante-huitardes et les suivantes) se montrent plus ouvertes aux choses du sexe.
Copie classique en forme
de subtiles variations
La version 70, un film captivant, avec des interprètes magnifiques, dont la plupart non gais, pris par un soudain appétit de leur métier, incarnant tel ou tel personnage selon des codes bien précis, réinventant des personnages plus vrais que nature. En somme, la version 1970 de The Boys in the Band demeure un classique de l’écran homosexuel.
Et puis Joe Mantello, à qui l’on doit le courageux Love! Valour! Compassion! (1997), où il dresse un certain portrait homosexuel bourgeois de fin de siècle. Même idiosyncrasies, mêmes tourments ou remises en question sur le sexe et l’amour. Le résultat avec The Boys in the Band, version 2020 : copie conforme avec l’originale de 1970 – comme si même les acteurs s’étaient transposés cinquante ans plus tard dans un même décor et un même New York (pour les quelques prises de vue extérieure, comme dans l’original). Des gestes, des mouvements, des extrêmes calqués jusqu’à en devenir presque documentaires. Pour les uns, nostalgie d’une époque révolue; pour les autres, la découverte d’un mode de vie homosexuel. Une vie faite de questionnements, de doutes face à son orientation, mais dans le même temps, une réappropriation de son identité par le truchement de fausses libertés, d’emprunts à certaines extravagances de la théâtralité et du « vieux » Hollywood, celui des grandes prêtresses de l’Écran. Imiter la vie dans sa folie, sa drôlerie, son extravagance, sa douceur et sa gaité (non, ce n’est pas un jeu de mot).
Mais la question primordiale est de savoir si les choses ont vraiment changé en cinquante ans dans la communauté homosexuelle. En effet, plus libre, il faut l’admettre, plus socialement égalitaire quant aux mêmes droits que leurs homologues hétéros. Mais à l’intérieur de la communauté, au centre de la mouvance homosexuelle, on retrouve aujourd’hui des réactions identiques à il y a un demi-siècle, les angoisses de la vieillesse, le refus, en général, des relations stables et durables, la liberté dans le couple, les excès sexuels (qu’on retrouve aussi dans la dynamique hétéro). Mais en plus, un rapport au phénomène « SIDA » qui change en grande partie la donne. Mais cela, c’est une autre histoire.
En générique de fin, une dédicace à Matt Crowley, maître-d’œuvre de la pièce et cosignataire des deux versions (à moins que je me trompe), une façon comme une autre de rendre hommage à un bâtisseur intellectuel et esprit observateur du vécu homosexuel des dernier et présent siècles. Comme si les choses n’avaient pas totalement bougé, pour que l’Histoire se poursuive.
C’est ce qui explique l’orientation textuelle, scénique et idéologique de la mise en scène de Mantello (ouvertement gai). Ça s’explique aussi dans la rigoureuse direction d’acteurs, tous impeccables, et gais. Tout à fait conscient de son époque, Mantello ajoute également quelques légers et timides épisodes érotiques – que ne pouvait pas (ou ne voulait pas) se permettre William Friedkin, réalisateur hétérosexuel (The Exorcist / L’exorciste – To Live and Die in L.A. / Police fédérale, Los Angeles…).
… comment rester insensible à l’arrivée de Harold (Zachary Quinto se juxtaposant avec un souci du détail et un respect irréprochable à l’allure de l’impayable Leonard Frey, de la version 70) comme si dans ces quelques minutes de béatitude dramatique, entre les deux comédiens, leur orientation sexuelle identique et leur lien au jeu complexe de l’interprétation, le temps s’était arrêté, marquant d’un sceau pérenne le cycle de la vie.
En fin de compte, dans tout ce brouhaha de bitchages, de commérages, de jeux cruels et de célébrations, comment rester insensible à l’arrivée de Harold (Zachary Quinto se juxtaposant avec un souci du détail et un respect irréprochable à l’allure de l’impayable Leonard Frey, de la version 70) comme si dans ces quelques minutes de béatitude dramatique, entre les deux comédiens, leur orientation sexuelle identique et leur lien au jeu complexe de l’interprétation, le temps s’était arrêté, marquant d’un sceau pérenne le cycle de la vie.
Brillant, complexe, touchant et, ne nous empêchons pas de le souligner, actuel.
FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Joe Mantello
Scénario
Ned Martel
Matt Crowley
d’après sa pièce éponyme
Interprète(s)
Jim Parsons, Zachary Quinto
Matt Bomer, Andrew Rannells
Charlie Carver, Robin de Jesús
Brian Hutchison, Tuc Watkins
Michael Benjamin Washington
Genre(s)
Drame
Origine(s)
États-Unis
Année : 2020 – Durée : 2 h 01 min
Langue(s)
V.o. : anglais; s.-t.f. et autres
[ Les garçons de la bande ]
Classement (suggéré)
Interdit aux moins de 13 ans
Dist. @
Netflix
Diffusion @
Netflix
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]