Toronto International Film Festival 2021
Première partie
ÉVÈNEMENT
[ TIFF ]
Au sujet de Comala et La caja
texte
Luc Chaput
De la famille et des restes humains
Un homme se promène sur une plage près d’un mur qui continue dans l’eau. Gian Cassini est le réalisateur de Comala présenté au 46e TIFF. Il décide de comprendre la vie de son père El Jimmy avec lequel il a eu des relations plus difficiles à compter de l’adolescence. Le réalisateur mexicain se met souvent en scène dans ses interactions avec sa demi-sœur Nénette, sa mère Eloisa, son oncle Darek, sa grand-mère et son grand-père Gustavo. Des bribes d’informations surgissent au fil des échanges sur le mode de la confidence dans lesquels les confrontations sont assez rares. De nombreuses archives photographiques, articles de journaux, dessins d’enfants et lettres complètent ce portrait d’une famille aux relations interpersonnelles complexes. Les déplacements sont nombreux entre diverses villes plus ou moins éloignées de Tijuana puis franchissant la frontière pour aller rencontrer ce fameux grand-père Gustavo au nom de famille très différent. Ce dernier est amateur d’armes et aurait participé à des actions des services secrets américains. L’oncle Darek le qualifie d’affabulateur mais le réalisateur ne vérifie pas les dires de cet aïeul. Une culture de l’argent facile gagné dans le trafic de drogue et ses métiers secondaires mortels se greffe à une apologie de la violence dont Cassini démonte avec art les tenants et les aboutissants. Le titre fait référence à une ville fantôme dans le roman Pedro Páramo de Juan Rulfo.
Un adolescent se rend dans une petite ville du nord du Mexique pour récupérer auprès des autorités la boîte contenant les restes de son père afin que lui et sa grand-mère puissent faire leur deuil. Cette Caja devient le point de départ d’un long métrage (The Box) du réalisateur vénézuélien Lorenzo Vigas. Le scénario de Vigas et Paula Markovitch amène le jeune Hatzin à travailler dans une agence de recrutement de travailleurs pour les maquilladoras (usine de production pour l’exportation). Une relation père-fils se construit avec le directeur de cette petite entreprise. La cinématographie de Sergio Armstrong G. oppose les étendues plutôt désertiques à ces immenses manufactures dans lesquelles œuvrent pour de petits salaires des hommes et des femmes venus un peu plus du Sud chercher un emploi plus rémunérateur. Les compromissions et les fausses représentations sont ainsi introduites petit à petit dans le parcours d’Hatzin qui doit alors prendre des décisions morales aux conséquences dangereuses. Le jeune Hatzín Navarrete fait jeu égal avec Hernán Mendoza (Despues de Lucia) dans ce drame social qui a des similitudes de sujet avec La promesse des frères Dardenne.
Au détour de plans dans ces deux films, dans des champs, des rues, des fosses communes, des granges, surgissent dans notre mémoire des images de Soleils noirs de Julien Élie, troublant documentaire québécois sur ces mêmes tragédies continuelles.