Règlement de compte à Cattle Corner
Deuxième partie

POUR VOTRE AGRÉMENT
Séquence complète d’ouverture
en version originale anglaise

Analyse de la séquence d’ouverture de

IL ÉTAIT UNE FOIS DANS L’OUEST

[ Suite… ]

Il était une porte…

texte
Mario Patry

            Ce qui se dégage le plus nettement de ce recueil critique succinct, c’est autant la notion de «dialogue» muet, mais surtout de «rythme». Car le silence est non seulement un trait stylistique particulier chez Sergio Leone, mais aussi un paramètre singulièrement important dans la séquence d’ouverture d’Il était une fois dans l’Ouest, ainsi que pour l’ensemble du film – il faut comparer les 78 minutes de la musique par rapport aux 30 minutes de dialogue pour un film de 165 minutes! – quoiqu’elle n’en constitue pas la figure essentielle. Nous allons dégager l’analyse générale d’ensemble de la structure narrative après avoir abordé la clef de voûte de l’édifice que représente la figure de rhétorique récurrente à travers toute la séquence, c’est-à-dire, la porte. À la demande générale, nous conclurons cette partie avec l’analyse du duel final.

Dessin 1 de la séquence d’ouverture réalisé par Mario Patry.
Crédit : Mario Patry

 Avec les westerns italiens, notamment
Il était une fois dans  l’Ouest (Sergio Leone),
la contestation fait place à la «déconstruction» :
le film est tout entier explication du code,
de son rapport avec l’Histoire: de la parodie,
on est passé à la critique; mais l’œuvre
est encore un western, et l’enfant qui la voit
ne s’aperçoit de rien, il la consomme directement
selon des codes innocents : il l’antidate
.
Christian Metz
Langage et cinéma.
(Collection «Ça cinéma»),
Paris : Éditions Albatros, 1977, p. 114.

  

Silenzio, Luci, Azione!

Le jour arrive dans une trombe de lumière fusant à l’intérieur d’une gare quelconque. Au milieu d’un silence lourd, rompu par le grincement étouffé d’une éolienne, la porte tourne d’elle-même sur ses gonds rouillés.1 Comme tout film tourné en 35 mm, Il était une fois dans l’Ouest se voit précédé par une amorce de début (head tailer) et par le logo de la société de production cinématographique, en l’occurrence, la montagne enneigée2 sous le ciel azur auréolé d’étoiles de la Paramount Pictures, qui n’ont jamais étincelé avec autant d’éclat!

C’est ainsi que commence le découpage technique du film, dont le scénario de 420 pages de Sergio Donati s’est vu complété en vingt et un jours et remis le 28 avril 1968. Séquence 1, «L’Uomo», scène 1 – gare intérieure – jour. Ouverture en fondu à l’image. Plan 1 : Plan moyen porte. Plan de coupe (cutaway). Durée : six secondes. Il faut noter que les trois premières secondes de ce plan, plongé dans la pénombre relative d’une gare vétuste et abandonnée, se déroulent dans un silence technique total (technical silence) et inquiétant, puis se poursuit par un fondu au son dans un silence plateau (room tone), un silence d’ambiance rompu par le grincement monotone de l’éolienne et celui de la porte qui s’ouvre toute seule dans le plus grand mystère.

Charles Bronson.

Le spectateur moyen remarque à peine ce plan par lequel Sergio Leone intime l’ordre impératif d’opérer un silence dans la salle, complet et absolu. Ce plan apparaît inclassable, il n’a d’équivalent nulle part, il ne sert à rien dans le récit du film, et ne va qu’introduire une silhouette inconnue de laquelle on ne verra que deux plans plus tard, il ne marque pas une liaison quelconque ou une rupture particulière puisqu’il ne termine pas de segment ni n’en introduit aucun. En fait, il est extrêmement gênant.

En 1919, Sigmund Freud a consacré une longue étude à un concept apparemment incongru, le «Das Unheimliche»3 que Marie Bonaparte a traduit par une expression approximative et erronée : «L’inquiétante étrangeté»4 Or, le premier plan du film se voit désigné comme unheimliche, moins par son contenu (qui est tout de même surprenant, une porte s’ouvre par elle-même) que par la place inexplicable qu’il occupe (Sergio Leone est le premier cinéaste à introduire un film par un plan de coupe!), par la rupture qu’il impose (il marque une ellipse indéterminée), par le sentiment d’intrusion qu’il provoque.  Quelque chose de surprenant s’est passé. Une porte s’ouvre toute seule dans le silence le plus mystérieux. Unheimliche vient de Heim. Ce mot signifie à la fois «le foyer», «la maison» (ici une gare) et introduit une notion de familiarité, mais il est aussi employé comme racine du mot Geheimis, qu’on peut traduire par «le secret», et dans le sens de «ce qui est familier», ou «ce qui doit être caché.»5

«L’inquiétante étrangeté» est la traduction française en 1933 par Marie Bonaparte de Das Unheimliche de Freud. D’autres auteurs traduisent par «l’inquiétante familiarité» (Roger Dadoun), «l’étrange familier» (François Roustang), ou encore de façon plus aléatoire, «les démons familiers» (François Stirn). Freud lui-même avait recensé plusieurs termes français susceptibles de traduire Unheimliche : «inquiétant», «sinistre», «lugubre», «mal à son aise.»6 Freud aurait emprunté à Schelling l’idée selon laquelle «ce qui doit rester dans l’ombre, mais en sort cependant est étrange parce que porteur d’une «transgression.»7 Ce premier plan interpelle directement le spectateur. La triple rupture intervenant dans la logique du récit qui commence, dans la prise de vue et dans le cadrage contribue à mettre «mal à l’aise» le spectateur. L’Unheimliche n’est pas effrayant, il ne provoque ni la crainte ni la peur. L’inquiétant est moins l’étrange figure de la porte que son mode de surgissement inhabituel et inattendu. C’est déjà la porte du temps, comme si le narrateur ou le cinéaste désirait nous dire : …un peu plus tard!  Ce que le second plan, qui est le véritable champ, rétabli d’une façon expiatoire. C’est un peu comme en musique, débuter avec une anacrouse, une note ou un groupe de notes qui précèdent le temps fort.

Jason Robards.

Ce film, on le comprend dès le premier instant est un hommage au western tout entier, à son histoire, à ses acteurs, au dispositif narratif, à ses manières de l’expression. À commencer par la référence à la porte, en hommage à John Ford qui constitue «un thème plastique fort.»8 Selon Gilles Deleuze, plus l’image est spatialement fermée «plus elle est apte à s’ouvrir sur une quatrième dimension qui est le temps, et sur une cinquième qui est l’esprit.»9 La porte s’ouvre d’elle-même sans raison apparente. Le geste ne peut être exécuté que par un assistant invisible qui se substitue à l’auteur pour donner à ce symbole tout son sens. Il s’agit d’une clef formelle récurrente tout le long du film et dans toute l’œuvre de Sergio Leone (voir la «porte du temps» dans Il était une fois en Amérique, 1984)10. «Ce n’est pas un début spectaculaire, ce n’est pas l’Ouest déchiqueté par la légende mais un paysage domestiqué déjà touché  par la civilisation.»11 Nous n’inventons rien, Sergio Leone en impute l’origine de ce cliché à Franco Palmieri. «Et alors… À ce moment…Dans le silence le plus total…une porte s’ouvre!» – Noël Simsolo. Conversations avec Sergio Leone. Paris : Stock Cinéma, 1987, p. 62. Bertolucci pour sa part, en attribue l’idée à Jean Renoir : «Quand on tourne,  il faut toujours laisser une porte ouverte sur les lieux de tournage parce qu’on ne sait pas qui ou quoi peut entrer, à l’improviste, quand personne ne s’y attend, et ‘ça c’est le cinéma’12 (en français dans le texte). Il ne faut pas perdre de vue que Sergio Leone désirait tourner un film noir intitulé Il était une fois en Amérique. Nous découvrons ici l’influence prégnante du genre. «La vocation du film noir était de créer un malaise spécifique.»13

Dessin 2 de la séquence d’ouverture réalisé par Mario Patry.
Crédit : Mario Patry

Un morceau de craie crisse sur une ardoise : Il s’agit du tableau horaire sur lequel les mots DELAYS : TO FLAGSTONE / FROM FLAGSTONE qui sont imprimés en lettres blanches, puis les chiffres arabes : « 4 H / 2 H » ajoutés à la main. Le chef de gare (Antonio Palombi), un vieillard cachétique à l’uniforme usé et poussiéreux, se redresse en se retournant avec une peine excessive. La chaleur le fait haleter légèrement comme après un grand effort. Il produit un étonnant effet de permanence. Son regard se fixe sur… (gros plan serré) du tableau horaire de trois quarts avec la main du chef de gare en amorce jusqu’à un plan rapproché poitrine par un travelling arrière d’accompagnement. «Il est fréquent que les films sur l’Ouest débutent par une indication de lieu et de temps.»14 Si l’on dit que Cattle Corner (il s’agit en fait de Leupp Corner) est situé à quatre heures de Flagstone (Flagstaff fondé le 4 juillet 1876) pour l’aller, et seulement à deux heures pour le retour, on rend compte d’une réalité plus riche qu’en faisant  allusion aux 75 kilomètres qui les séparent. Réalité plus riche parce qu’elle englobe tout d’un coup toute une civilisation vécue; elle signifie autant la vitesse des locomotives à vapeur fonctionnant au bois et au charbon d’une époque (80 km à l’heure), que le moment où se déroule l’action (en 1885,  date de l’uniformatisation des fuseaux horaires) et désigne Flagstone comme terminus du tronçon occidental de la ligne de Santa Fe. Au plan 19, Leone introduit un insert révélateur des billets de chemins de fer que Snaky (Jack Elam) écarte des doigts au monogramme A&P (Atlantic & Pacific Railroad Company), qu’un coup de vent lui arrache de la main. Un simple arrêt sur l’image nous permet de lire la liste des stations : Santa Fe, Albuquerque, Valencia, Aztec Point, Aubrey City, Prescott, Cattle Corner et Flagstone.15 Nous retrouvons le détail de ces billets une seconde fois à la scène 70. Alors que nous voyons les mains expertes du guichetier (Rafael Lopez Somosa) de la gare de Flagstone qui inventorie les billets de chemin de fer en calculant d’une voix haute : «onze, douze, treize…» Plan 1027, gros plan rapproché poitrine en plongée avec panoramique du bas (les mains) vers le haut (le visage du guichetier).

La double porte battante qui bouge, poussée du pied d’un mouvement presque imperceptible. Il s’agit de la silhouette rude et massive d’un mulâtre colossal (Stony, incarné par le fameux acteur américain Woody Strode) dont les bottines sales, usées et pointues se croisent dans l’embrasure de la porte stercoraire (la porte pour sortir le fumier du cheval). Affublé d’un long cache-poussière remué par le vent, il se voit muni d’un shot-gun tronçonné (fusil de chasse, par opposition au six shooter) sanglé à la taille. Un chapeau à large bord crânement incliné, coiffe un visage bistre et glabre, le regard impassible et l’œil parfaitement inexpressif, tandis que l’on entend le ramage d’un canari s’élever, dessinant dans l’air, un zigzag cristallin et argenté. Plan 3 :  En contrechamps, panoramique de bas vers le haut, descriptif de Stony en gros plan, de pied en cap. Un noir (ou un mulâtre), dans la Bible est un messager de mauvaise augure.16

La célèbre scène de pendaison.

L’Old timer au visage émacié, le nez proéminant et à la barbe inculte, arbore un large sourire édenté – il semble mû par l’espoir de briser sa solitude habituelle par ce premier indice d’une présence étrangère qui n’est pas celle de l’indienne – mais au bruit suspect d’un crissement de pas sur le sable, il détourne un peu la tête et se contient soudainement. En champ, plan 4, gros plan serré du chef de gare.

Deux autres silhouettes sombres à la mine patibulaire, sortis de nulle part, se pointent silencieusement par la porte latérale du hall d’entrée (Snaky, Jack Elam) et celle de la salle d’attente (Knuckles, Al Mulloch), séparée de l’aire de réception par trois marches. Un souffle d’air soulève par instant leurs cache-poussières comme des ailes d’oiseaux de proies. Le chef de gare balaie du regard la station qui consiste en une bâtisse de charpenterie rudimentaire dont seule la consigne à bagages se voit fermée par une cloison maçonnée, vide à l’exception d’une indienne adipeuse (Luana Strode) serrant un balai contre sa poitrine. Sur le palier de terre battue, les mains à la hauteur de la ceinture, Stony demeure dans une terrifiante fixité, avec les basques de son cache-poussière rabattus par le vent dans l’encadrement de la porte. Le silence demeure suspendu, rempli par le ramage du canari dans sa cage qui reprend inlassablement sa mélopée jusqu’à se confondre avec la brise qui assiège la gare. Plan 5 : Panoramique descriptif droite gauche de la gare investit par les trois desperados en plan demi ensemble.

La deuxième scène de la fameuse séquence d’ouverture, celle du générique, commence aussi par une porte spectaculaire et efficace sur le plan dramatique. Tandis que Stony observe la scène de la désinvolte cruauté, signe de professionnalisme, avec  indifférence en s’éventant de son chapeau, Snaky escorte le chef de gare au regard hagard, jusqu’au seuil de la consigne. Celui-ci essaie un vain mouvement de résistance, mais celui-là a une poigne de fer et l’y bouscule brusquement.

Précipité vers l’intérieur sombre de la consigne, le vieil homme se retourne, la perplexité se mêlant à la crainte.

Snaky menace d’un doigt sur la bouche qu’il souligne en hochant la tête d’un regard torve : « Chuuuuuut!!! », souffle-t-il avec un air de menace contenue.

Puis il fait un signe de connivence en direction de son acolyte.

Avec indolence, Knuckles pousse du coude la lourde porte de bronze qui grince longuement.

Puis il rabat le morillon sur la serrure qu’il fixe solidement à grand renfort de claquements métalliques secs et violents. Écran noir avec la première mention du générique d’ouverture qui amorce la deuxième scène du début : «Un film de Sergio Leone» en lettres blanches.

La dernière porte du générique départage la troisième scène, celle du duel à proprement parlé, à laquelle nous reviendrons à la fin de cette partie.

Jack Elam.

De l’arcade brune et marron de la fenêtre cintrée du guichet, surmonté d’une bâche ocre à sa base17, le cadran du télégraphe sombre offre une échappée sur la magnifique perspective avec la gare, traversée par le train d’un noir brillant, saupoudrant les reflets cuivrés de la rutilante locomotive de parcelles de suies, et qui glisse lentement en grinçant de tous ses essieux. Dressé debout de profil, Snaky détache énergiquement la ganse de son étui (holster) puis s’avance vers le train : deux coups de sifflets partent et retentissent dans l’écho de la gare.

La locomotive du train 71 de la ligne de Santa Fe vient à peine de s’immobiliser à l’ombre du réservoir d’eau, qu’un tintement insistant de cloche annonce qu’IL EST ARRIVÉ! Soudain, la dernière mention du générique d’ouverture : «Réalisé par Sergio Leone» sous la forme d’une barrière de passage à niveau bascule devant le chasse-pierre de la locomotive18 dont la masse sombre se détache sous un ciel azuré ou courent de rapides volutes de fumée qui projettent sur le sol une ombre légère, qui se déplace et se déforme sans cesse. Voilà donc la troisième porte de la séquence d’ouverture! Il faut souligner la référence au climax du gunfight final, avec le plan 1278 du souvenir traumatique de l’Homme à l’harmonica.

Séquence XX – L’Homme à l’harmonica – Scène 90 – Flashback – Monument Valley – extérieur / jour – plan 1277 : Frank (Henry Fonda)  pousse un soupir moqueur et un rire muet de triomphe. Il prononce, par une voix sourde, dans un univers lointain en approchant un harmonica : «Joue pour ton grand frère, ça lui fera plaisir.»19, des paroles dites sur un ton de cruelle dérision.

Henry Fonda.

Il s’agit du visage juvénile et cuivré, percé de yeux noirs et mystérieux, d’un jeune indien (Dino Mele), avec des cheveux de jais sur lequel se peint une expression de terreur, de fatigue et de douleur, ou perlent une myriade de gouttes de sueurs et de larmes. D’un geste brutal, la main de Frank coince soudain l’harmonica entre les dents du jeune indien, vagissant un implacable lamento. C’est le hurlement haletant où la voix n’est plus que l’universel aboiement de la souffrance. Un homme dans la force de l’âge (Claudio Mancini) se tient en équilibre instable sur les épaules du jeune indien qui porte une veste à franges. La tête de l’homme est passée par une corde à nœud coulant pendue à une cloche d’une arcade d’ocre rouge qui se silhouette sur un ciel bleu pâle. Près d’eux, il y a Frank et ses quatre hommes20 qui contemplent la cruelle torture avec une patience infinie et leurs chevaux qui broutent, indifférents. La ruine imposante d’un campanile s’élève au milieu de la perspective majestueuse et déserte de Monument Valley, baignant par l’incandescence plombée de la lumière, le temps comme suspendu qui l’enveloppe. Un des hommes se réjouit du spectacle en restant étendu à terre. Il s’agit de la porte de l’Ouest et de la porte du temps universel de la mémoire de l’Homme à l’harmonica.

Et puis, le dernier plan (1398) du film avec Jill McBain (Claudia Cardinale) commence par une porte du ranch McBain – le même plan de Maureen McBain (Simonetta Santaniello) au début de la deuxième scène de la seconde séquence (le grand massacre) – alors qu’elle se dirige vers les cheminots afin de les ravitailler en eau avec deux cruches vernissées au bout de chacune de ses mains, qui dure une minute et quarante-huit secondes alors que l’Homme à l’harmonica s’éloigne à cheval avec la dépouille du Cheyenne (Jason Robards) sur sa propre monture.

Disons tout de suite que la séquence d’ouverture est construite selon le schéma rythmique suivant : mezzoforte, piano et fortissimo. Cette structure est valable pour l’ensemble du film et fonctionne parfaitement à l’intérieur de chacune des scènes de la séquence proprement dite (voir le schéma dramatique en appendice). La première scène du film, nous identifions la mise en situation suivante : trois desperados investissent une gare isolée avec une assurance abjecte, vide à l’exception du chef de gare et d’une indienne. Le pivot 1 survient lorsque Snaky enferme le chef de gare dans la consigne à bagages. Dans la seconde scène nous assistons à l’attente décevante du train par les trois killers qui sont confrontés à l’outrage du temps, de l’angoisse et aux éléments de la nature ; l’eau, le vent, les mouches, etc. L’arrivée du train occupe le pivot 2. La troisième scène apporte le dénouement de cette séquence avec la rencontre de l’Homme à l’harmonica, et trouve sa résolution finale par une violente escarmouche de la frontière. Voilà la structure narrative d’ensemble de cette séquence.

Cette séquence tire une partie de son intérêt du fait que Leone y transpose des archétypes du péplum comme le vieux prophète et le colosse, des conventions du film noir dans un style néo-réaliste. Ainsi le film débute dans le décor inattendu d’une gare désaffectée envahie silencieusement par trois killers qui terrifie le chef de gare avec une grande désinvolture. La durée totale de la séquence est de douze minutes et quarante-six secondes, mais on remarquera que la scène d’exposition et de la scène de résolution cumulent une durée équivalente soit deux minutes quarante-cinq pour la première scène et deux minutes trente-quatre secondes pour la dernière, alors que la scène du générique et de l’attente se développe sur sept minutes et quinze secondes.

Si nous développons l’analyse, nous retrouvons le même schéma à l’intérieur de chacune des scènes. À l’intérieur de la première scène, nous distinguons un premier groupe de plans qui fait alterner des plans courts et fixes avec de longs mouvements de caméra pour nous décrire le surgissement subit des trois desperados en cache poussière et le sentiment de surprise et d’impuissance ressentie par le vieux chef de gare. Cette mise en situation introduit dès le départ une ambiance de mystère et une atmosphère de suspense qui est rompue lorsque le chef de gare s’adresse aux intrus, ce qui arrive à une minute et dix-sept secondes du début. Ce «monologue de comportement», avec la voix sénile du vieil homme confronté à l’indifférence des killers, introduit un effet humoristique, une certaine ventilation.

Cette transgression de l’ordre public trouve sa conclusion dans la violence psychologique, symbolisée par le bruit assourdissant du morillon et l’obscurité dans laquelle se retrouve le malheureux chef de gare. La violence est adressée au représentant de la compagnie de chemin de fer et non contre le vieil homme (old timer) qui fait l’objet de respect.

On remarque ici le montage de plan de réaction (reaction shot) de très gros plans serrés et de  plans rapprochés qui fouillent l’attitude de chacun des personnages. Stony écoute le vieil homme balbutier avec une indifférence attentive ; Knuckles taquine un canari en cage alors que Snaky rejette les billets de chemin de fer que lui offre le chef de gare affable et zélé. Le deuxième pivot intervient lorsque Snaky empoigne le chef de gare à la nuque à l’instant même où la bande sonore nous fait entendre le chant rauque et étranglé d’un coq à l’extérieur, à deux minutes et douze. La troisième partie de cette première scène se distingue nettement par une montée dramatique. Snaky entraîne sous le regard pétrifié de l’indienne et l’indifférence complice de ses acolytes le chef de gare au regard hagard vers la consigne et l’y bouscule en lui intimant l’ordre de se taire, puis l’enferme sans d’autre explication. Cette transgression de l’ordre public trouve sa conclusion dans la violence psychologique, symbolisée par le bruit assourdissant du morillon et l’obscurité dans laquelle se retrouve le malheureux chef de gare. La violence est adressée au représentant de la compagnie de chemin de fer et non contre le vieil homme (old timer) qui fait l’objet de respect.

Claudia Cardinale, rôle féminin principal.

Nous identifions d’autant plus facilement la deuxième scène qu’elle correspond très exactement avec le déroulement en surimpression du générique d’ouverture qui est entré dans l’histoire comme l’un des plus longs qui soit. C’est la scène à laquelle critiques et historiens se réfèrent le plus souvent comme on l’a vu dans la première partie de notre article (infra). La première partie de cette scène fameuse nous fait assister à une remarquable mise en situation de l’attente sans aucun suspense. La gare se vide aussi subitement que les trois desperados l’ont investie et l’originalité de cette longue scène tient à ce que celle-ci, dont l’action se déplace à l’extérieur, est ponctuée par quelques plans de l’intérieur. L’indienne est libérée et s’éloigne avec des imprécations, Stony sort et accroche son cache poussière au pommeau de la selle de son cheval puis atteint le réservoir d’eau. Knuckles qui est juché près d’un débarcadère patouille la main dans un abreuvoir en se faisant craquer les phalanges avec fracas, puis intimide un chien errant. Snaky, lui, est affalé dans un fauteuil berçant devant la fenêtre du télégraphe. Sa siesta (sieste) est interrompue par le cliquetis du télégraphe, dont le signal attire l’attention du chef de gare emprisonné. Lorsqu’il arrache les fils du télégraphe, nous atteignons le pivot 1 de cette scène, ce bris s’accompagne sur la  bande sonore par une rupture d’ambiance, le grincement de l’éolienne, par exemple, disparaît provisoirement.

Comme le pivot 2 de la première scène ou Snaky laissait tomber les billets de chemin de fer, le geste d’arracher les fils du télégraphe correspond à un baroud d’honneur contre la civilisation et vise le progrès technique en refusant ces moyens de communication. La deuxième partie de la scène est la plus longue (quatre minutes douze sur une durée de six minutes pour l’ensemble) et correspond plus spécifiquement la référence quasi unanime des critiques et historiens. Lorsque ceux-ci écrivent sur la séquence d’ouverture d’Il était une fois dans l’Ouest, c’est en fait la phase de la confrontation de la deuxième partie de cette scène, cette partie où il ne se passe absolument rien (sur le plan de l’action) et qui pour cette raison rompt la fascination d’un public adolescent mais qui est un pur moment de contemplation pour le cinéphile. Nous aborderons plus loin l’analyse formelle de son cadrage et de sa mise en scène (supra). Sergio Leone reprend ici la technique qu’il a développé dans la séquence du triello de son film précédent, Le bon, la brute et le truand (1966). Il alterne les gros plans serrés, plans moyens et plans d’ensemble sur chacun des acteurs  et la virtuosité de cette chorégraphie tient au fait qu’à chaque fois où il se déplace de l’un à l’autre, il conserve toujours l’acteur précédent en arrière champ (supra).

Cette phase de confrontation ou d’attente nous fait voir Stony qui attend stoïquement sous une gouttière. Snaky emprisonne à l’issue d’une longue lutte la mouche qui le persécute dans le canon de son révolver (supra), tandis que Knuckles s’étire les doigts en se faisant craquer les phalanges. On remarque ici que le nom imparti à chacun des personnages (sur le découpage de Leone) résume en un mot l’impression dominante (trait ou tic) de chacun d’entre eux. Snaky vient de snake (serpent), allusion à la silhouette longiligne de Jack Elam, sa démarche lente et désinvolte, son strabisme divergent, son sourire froid, le geste preste avec lequel il saisit les billets de chemin de fer, qu’il arrache les fils du télégraphe ou qu’il emprisonne la mouche dans le canon de son colt, etc. Stony, stone (pierre) résume bien le physique rude et massif de Woody Strode, son regard fermé et dur, le stoïcisme dont il témoigne en demeurant impassible sous une gouttière, qui est bien une savoureuse évocation du phénomène de l’érosion. Knuckles (jointures) qui désigne le visage anguleux et le physique osseux, la névrose qu’il trahit en s’acharnant d’un rictus hostile, un canari, ou en s’étirant les phalanges.

Cette longue analyse nous a permis de bien distinguer chacune des phases (exposition, confrontation avec les éléments, résolution) de la séquence d’ensemble et de vérifier la reproduction parfaite de ce schéma narratif à l’intérieur de chacune des scènes selon le même rythme : mezzoforte, piano, fortissimo (voir le schéma dramatique – dessin 1). Nous atteignons le climax de la scène et de la séquence qui trouve sa résolution dans un éloquent gunfight.

Le sifflet qui retentit dans le lointain pour annoncer l’arrivée prochaine d’un passager, constitue le pivot deux de cette scène, puisqu’il provoque la fin de la rêverie de chacun. Snaky libère à regret sa mouche, Stony boit l’eau accumulée sur le bord de son chapeau, Knuckles quitte l’auge pour se dresser sur le débarcadère à bétail giflé par ses mèches de cheveux. Chacun détache la ganse de son étui ou charge son arme à l’approche rapide du train. Cette troisième phase de la seconde scène se distingue nettement par une augmentation progressive de la tension dramatique. Cette scène se termine lorsque le train s’immobilise en gare et qui correspond avec la fin du générique.

 Dessin 3 de la séquence d’ouverture réalisé par Mario Patry.
Crédit : Mario Patry

Au début de la troisième scène (dont nous offrons le détail en conclusion, supra) les killers scrutent en silence le convoi ferroviaire et la tension dramatique culmine avec la portière du fourgon à marchandises qui coulisse, qui est une fausse alerte puisque ce n’est que le contrôleur qui délaye un ballot sur le quai. Le fait que personne ne descend du train, constitue un renversement de situation, une rupture subite de la tension que nous identifions avec le pivot 1 de la troisième scène. Les trois hommes se retournent et s’apprêtent à quitter la gare à mesure que le train s’ébranle, mais derrière lequel s’élève le son d’un harmonica. Ce premier lamento qui intervient à 11 minutes 65 secondes (et qui dure quarante-cinq secondes) pour l’ensemble de la séquence au milieu de cette phase de confrontation marque un premier palier dans la progression de la tension dramatique qui culmine à son pivot 2 lorsque l’Homme à l’harmonica, devant le refus des killers de lui offrir un cheval, répond péremptoirement qu’«il en voit deux de trop». On notera que le pivot arrive à la fin de ce dialogue d’action (de conflit) et de caractère, s’oppose au dialogue de situation de la scène 1.

Cette longue analyse nous a permis de bien distinguer chacune des phases (exposition, confrontation avec les éléments, résolution) de la séquence d’ensemble et de vérifier la reproduction parfaite de ce schéma narratif à l’intérieur de chacune des scènes selon le même rythme : mezzoforte, piano, fortissimo (voir le schéma dramatique suivant) :
Nous atteignons le climax de la scène et de la séquence qui trouve sa résolution dans un éloquent gunfight.

Stony regarde attentivement d’un air inquiet la locomotive qui halète à coups espacés. Transmis par la terre, le frémissement de la locomotive, régulier, maîtrisé comme celui d’un pendule ou un mouvement cardiaque (systole et diastole), le pénètre des pieds à la tête. Il tourne lentement la tête vers Snaky.

Celui-ci scrute le convoi sur toute sa longueur, puis jette un d’œil furtif vers Knuckles lorsque soudain…

La porte du compartiment à marchandises coulisse.

Stony fait un bond nerveusement.

La main de Snaky se crispe sur son étui à révolver.

Il s’agit simplement du contrôleur qui laisse un lourd ballot sur le quai avec un bruit assourdi, au ras du sol.

La main de Snaky se détend.

Knuckles approuve d’un sourire sardonique.

Snaky fixe attentivement le fourgon à bagages dont la porte se referme aussitôt.

Stony soupire avec un sourire satisfait vers Snaky.

Celui-ci branle rageusement la tête qui révèle l’impatience contenue, puis fait un signe de connivence alternativement à ses deux acolytes dispersés à la largeur du quai, en vue de se retirer.

Le sifflet déchire l’air, annonçant déjà le départ. Comme personne ne descend, les trois killers se regroupent en se retirant. Stony marche en crabe alors que Knuckles avance les bras ballants et d’un pas indolent. Les pistons se condensent. Le train toussote à deux ou trois reprises et s’ébranle interminablement, dans une sourde trépidation. Avant de quitter la gare de Cattle Corner (dont le nom est peint en lettres rouges sur le château d’eau), ils s’immobilisent pour jeter un dernier coup d’œil derrière eux. Visiblement satisfaits, les trois desperados tournent le dos aux wagons pour rejoindre leurs montures, lorsqu’au milieu de la rumeur du train qui s’abîme en prenant de la vitesse, le son éthéré d’un harmonica s’élève avec une impavidité menaçante en un long lamento.

Les trois desperados s’immobilisent, tendus et contractés. Stony interroge Snaky en se retournant à demi d’un regard incrédule mêlé de stupeur. Celui-ci examine l’Homme qui joue de l’harmonica (Charles Bronson) laissé à découvert au passage du dernier wagon, puis répond en agitant de la tête d’un signe approbatif. Knuckles qui vient de se décider à fixer son chapeau, se raidit, pivote lentement puis abaisse le bras en direction de son arme, avec un mouvement presque imperceptible de samouraï qui suggère sa brusque décision de suivre cette apparition envoûtante. Se déployant avec précaution sur le quai, comme des fantômes poussiéreux et désolés, ils semblent y projeter leurs ombres avec colère, lancés contre l’Homme à l’harmonica planté face à eux en contre voix.

Alors que le train toussote puis s’éteint au loin avec l’écho affaiblit de son martèlement, un silence déchirant retombe sur la gare endormie, seulement troublée par la calme respiration lancinante de l’Homme à travers son harmonica. Un chapeau blanc taché de sueur aux rebords roulés laisse ses yeux dans l’ombre de façon inquiétante. L’Homme lève lentement la tête, découvrant un visage cuivré et rugueux comme taillé à coups de serpe, encadré par des cheveux sombres et épais, percé par des yeux petits mais intenses. Il simule ne pas remarquer.

La présence des trois hommes immobiles en face de lui. Tout l’air semble aspiré par cet étrange instrument à anches métalliques qui le transforme en un lamento angoissant et mystérieux.

L’Homme de taille moyenne exhibe un large torse sur lequel flotte une veste de daim à empiècements qui descend sur les cuisses. Il tient un bagage de la main droite et joue de la main gauche. Puis, il pose son harmonica, suspendue à son cou par une courroie, dans une détente souple sur sa poitrine. Le regard lointain avec un détachement glacé, il demande : «Où est Frank?»21 (d’une voix calme et implacable qui résonne au milieu de la gare d’un ton caverneux).

Snaky fronce les sourcils en secouant la tête résolument. Il hésite une seconde avant de répondre, très lentement avec un débit pesant entre les lèvres immobiles : «Il nous a envoyé à ta rencontre» (d’une voix râpeuse et nonchalante).22

Les yeux de l’Homme reflètent l’impassibilité la plus morne. Il enchaîne avec une voix chargée de tristesse mais compréhensive : «Vous avez un cheval pour moi?»23

Stony esquisse un sourire narquois et tourne la tête un peu vers Snaky.

Avec désinvolture, celui-ci tâte le sol du pied, regarde en arrière par-dessus son épaule et se croise les mains derrière le dos exhibant plaisamment son étui à révolver. Il répond avec un sourire et un ton d’assurance un peu gouailleur : «Et bien, euh, question de chevaux… (il a un bref ricanement), on est un peu juste, on s’excuse» (ajoute-t-il avec une lenteur insultante).24

Détail-générique dans la séquence d’ouverture.
Le Techniscope illumine l’écran.

Tandis que la boutade de Snaky déclenche l’hilarité lugubre des deux autres, l’Homme regarde au loin en secouant la tête avec un air de tranquille certitude avant de rétorquer sèchement : «J’en vois deux qui ne sont à personne!» (sur un ton péremptoire).25

Le visage de Stony se ferme et son regard devient dur. Ses lèvres remuent mais nul son n’en sort.

Snaky dévisage l’Homme du coin de l’œil, le visage tendu et le regard froid.

Fermement campés sur leurs jambes écartées, les trois desperados se livrent à une intense recherche de décontraction, les bras suspendus au-dessus des étuis, les doigts crispés. Ils sont non seulement droits mais ils semblent inclinés vers l’arrière. Ils hésitent un instant dans le silence de la gare, plus intense que jamais.

L’Homme reste parfaitement immobile, seul, dans une fixité quasi inhumaine, les bras pendants. Il a les jambes en arceaux à force de monter à cheval.

Après l’avoir longuement dévisagé une fois de plus, Snaky finit par dégainer…

…mais l’Homme qui garde hors de la vue une arme glissée dans le rabat de son sac (carpetbag), tire en fanning26 et foudroie en un éclair avec des sons sourds, dans des silences d’une rapidité inconnue, indiquant que certaines balles trouent la carcasse des trois killers dont deux d’entre eux valdinguent au loin en s’abattant sur le quai, alors que Stony fait un bond vers l’arrière de quelques pas.

L’écho de la détonation ne s’est pas tue lorsque Stony, réussissant à rester debout comme par miracle, troue le silence d’un coup de feu à son tour avec une détonation énorme et lourde.

Atteint par une balle, l’Homme virevolte dans sa chute.

Au milieu des hennissements des solipèdes épouvantés, Stony essaie encore de se tenir debout. Il oscille comme un arbre avant sa chute puis s’écroule mortellement, son arme heurtant le quai avec bruit.

Les six plans suivant le duel de la gare de Cattle Corner (de 125 à 130) n’étaient pas prévu dans la version commerciale d’exploitation italienne et internationale, y compris la version française. Ils faisaient partie de la version personnelle de Sergio Leone. Ils ont été écrits dans le scénario avant l’introduction de la séquence de la posada (auberge). En les réintroduisant dans la seconde sortie d’exploitation du film, la Paramount Pictures (Gulf&Western Company) commet une erreur qui vient trahir une des idées maîtresse de Bertolucci : «voir un personnage  tomber et revenir plus tard revient à le faire «ressusciter.»27 Il y a plusieurs indices qui traduisent admirablement bien le caractère «spectral» de l’Homme à l’harmonica, définit par le réalisateur comme «un ange exterminateur». Lorsque le son de son harmonica s’élève dans la pénombre de la posada alors que rien ne révèle ou ne justifie sa présence, puis s’enfonce dans l’ombre pour devenir une ombre lui-même. Il se présente sous la forme d’un souffle qui éteint la lampe de Woobles (Marco Zuanelli) dans la blanchisserie chinoise.

Par la suite, l’Homme à l’harmonica rend visite à Jill à Sweetwater (la source fraîche) sous la forme errante d’une luciole! «Dans le folklore traditionnel, les feux follets sont l’une des forme les plus connues de manifestation des morts.»28 Par ailleurs, la mention du «crépuscule» au découpage technique, introduit un problème de chevauchement temporel. Incluant ces six plans, la durée de la séquence s’allonge à treize minutes et vingt-quatre secondes.

Stop!

[ Suite et fin au mois d’octobre. ]

 

Notes bibliographiques

1 La description du texte de la didascalie est entièrement de moi, sauf  pour les dialogues qui sont de Sergio Donati et Sergio Leone pour la version italienne, Mickey Knox pour la version américaine et Freddy Savdie pour la version française. J’ai analysé le scénario du film plan par plan du 4 septembre au 28 octobre 1992 ainsi que le découpage technique en deux semaines du début septembre 1988 à partir de la version américaine internationale de 165 minutes et celle de la version italienne d’exploitation de 167 minutes en 1996. L’actuelle version américaine disponible sur le Web dure 166 minutes et 2 secondes.

2 Selon la légende, c’est William Wadsworth Hodkinson lui-même qui imagine le sigle en 1914 en le dessinant sur un papier buvard. Il s’inspire du mont Ben Lomond, dans la chaîne Wasatch qu’il connaît bien pour avoir grandi dans l’Utah. L’Artesonraju avait été pris comme modèle pour le sigle de la Paramount Pictures en 1953, jusqu’en 1969. Le logotype de la Paramount, avec sa forme caractéristique, d’un sommet montagneux pyramidal entouré d’étoiles, est le plus ancien logo hollywoodien survivant. L’emblème du studio est retravaillé en 1953 par Jan Domela, un membre éminent de l’équipe artistique du studio. Inspiré, selon la rumeur, par l’Artesonraju, un des plus hauts sommets péruviens culminant à 6 025 mètres et qui se situe dans la Cordillère Blanche, dans la région de Huaraz. 

3 Sigmund Freud. Das Unheimliche, Internationaler Psychoanalytischer Verlag, Collection : Imago 5 (5-6), Leipzig-Vienne, 18 septembre 1919, pp. 298-424.

4 Marie Bonaparte et E. Marty. L’Inquiétante étrangeté, Essais de Psychanalyse appliquée, Gallimard, Paris, 1933, pp. 163-211. Il s’agit de la première version française traduite de l’allemand.

5 Sandrine Bazile et Gérard Peylet. Imaginaire et écriture dans le roman haussérien, Presses universitaires de Bordeaux, 2007, p. 143.

6 Jean Laplanche. «terminologie raisonnée», entrée «Inquiétant», dans André Bourgignon, Pierre Cotet, Jean Laplanche, François Robert. Traduire Freud, Paris, P.U.F., 1989, p. 109.

7 Sophie De Mijola-Mellor. «L’inquiétante étrangeté» (art.) dans Dictionnaire international  de la psychanalyse (directeur : Alain De Mijola), Hachette, Paris, 2005, pp. 860-861.

8 Jean-Louis Leutrat. John Ford, La prisonnière du désert : Une tapisserie Navajo, Éditions Adam Biro, Paris, 1990, p. 33.

9 L’image-mouvement, Éditions de Minuit, Paris, 1983, p. 31.

10 Oreste De Fornari. Tutti i Film di Sergio Leone, Ubulibri, Milan, mai 1984, p. 104.Traduit en français par Alessandra De Stefanis et Antonietta Pizzorno, Sergio Leone : Le jeu de l’Ouest, chez Gremese international, Rome, 1er septembre 1997,  p. 94. Cet ouvrage est d’abord paru le 31 décembre 1976 chez Moizzi editore, à Milan, 95 pages.

11 Lindsay Anderson. John Ford, 5 Continents/Hatier, traduction  d’Yves Trevian, Berne, 20 octobre 1985, p. 210. Édition originale, About John Ford, chez Plexus, Londres,  1981.

12 Bertolucci par Bertolucci. Entretiens avec Enzo Ungari et Donald Ranvaud, traduit de l’Italien par Philippe-André Olivier, Calmann-Lévy, Paris, 1987, pp. 179-180.

13 Raymond Borde et Etienne Chauvreton. Panorama du film noir américain (1941-1953), Préface de Marcel Duhamel, Éditions de Minuit, Paris, 8 janvier 1979, p. 15.

14 Jean-Louis Leutrat et Suzanne Liandrat-Guigues. Les Cartes de l’Ouest. Un genre cinématographique : le western. Armand Colin Éditions, Paris, 1990, p. 148.

15 Voir le chapitre Arida Zona, p. 31.

16 Bible de Jérusalem, Éditions du Cerf, 23 juillet 1973 pour le texte, Zodiaque, 24 mars 1978 pour les illustrations, Samuel, livre II, chapitre 18, verset 21, note g. La Sainte Bible traduite en français sous la direction de l’École biblique de Jérusalem, fondée le 15 novembre 1892.  Nouvelle édition revue et augmentée, 1856 p. La Bible de Jérusalem a d’abord paru en 43 fascicules, de 1948 à 1955, sous l’impulsion de Pie XI, le 30 septembre 1943 avec l’encyclique «DIVINO AFFLANTE SPIRITU». Nihil obstat (rien  ne s’y oppose) censor librorum, Rome, 12 octobre 1955. Imprimi potest (peut être imprimé), Rome, 18 octobre 1955. Imprimatur (qu’il soit imprimé), Paris, 29 octobre 1955 aux Éditions du Cerf (fondées le 11 octobre 1929). Achevé d’imprimé, le 1 janvier 1956. Réédité le 30 septembre 1999 et le 8 mai 2008. Elle a été traduite en anglais (1966), en italien (1974), en allemand, en espagnol et en portugais. Il s’agit de la Bible de référence pour les catholiques francophones. Pour la diffusion de la Bible en France, cf., La Bible en France et dans la francophonie : Histoire, traduction, diffusion, PubliSud/Société Biblique en France, Paris, 1991, 384 p. Au 31 décembre 2007, la Bible a été traduite en totalité ou en partie en 2 454 langues sur 6 912 langues. Au 8 mars 2017, elle été traduite en totalité en 674 langues, soit 49 de plus qu’en 2016. En 2020, selon l’Alliance Biblique Universelle, la Bible intégrale a été traduite en 704 langues parlées, pour rejoindre un total de 5,7 milliards de personnes. Le mot «Yahvé» paraît 6 823 fois!  Étant le livre le plus diffusé dans le monde, la Bible n’est toutefois pas l’œuvre la plus traduite. Selon l’Index Translationum, le 7 mars 2017,  Agatha Christie a été traduite en 7 236 langues (et dialectes), Jules Verne, en 4 751 langues et William Shakespeare a été traduit en 4 296 langues! La Bible de référence du Vatican en latin fut d’abord, la Bible Sexto Clémentine éditée le 9 novembre 1892. Elle fut remplacée par Jean-Paul II, par la Nova Vulgata Editio, Bibliorum Sacrorum, Libreria editrice Vaticana, le 25 avril 1979, et rééditée le 1er janvier 1986.

17 Il existe trois systèmes chromatiques dans Il était une fois dans l’Ouest. Comme dans Le bon, la brute et le truand (1966), Tonino Delli Collli a choisi de conserve avec Sergio Leone de privilégier des couleurs tirant sur le marron et les ocres. Mais pour les scènes de construction du chemin de fer, le sépia prédomine nettement, alors que la séquence du climax du souvenir traumatique ou diaphorique de l’Homme à l’harmonica, Leone a choisi le technicolor baveux pleines couleurs sur écran large.

18 Il s’agit de la légendaire  locomotive Baldwin du modèle Fitchburg Railroad 2-8-0 No 90, construite en six exemplaires  en 1881. Source Brian Solomon, Baldwin locomotives, Voyageur Press, Minneapolis, 19 mai 2010, p. 34. Voir l’illustration. La première locomotive commerciale Baldwin date du 23 novembre 1832 et la dernière, le 6 octobre 1956. Le fondateur, Matthias William Baldwin, est né le 10 décembre 1795 à Elisabethtown et est décédé le 7 septembre 1866 à Philadelphie. Baldwin était à la locomotive ce que sera plus tard Boeing à l’aviation. Il suffit de se rappeler qu’en 1885, la moitié du circuit ferroviaire mondial est américain… 

19 V. A. : «Keep you lovin’ brother happy!»  V. O. I. : Mmh, suona qualcosa a tuo fratello»

20 De gauche à droite, il s’agit de Enrico Morsella, Umberto Morsella, Frank Leslie et Don Galloway.

21 Version américaine : «And Frank?». Version originale italienne : « E Frank?»

22 V. A. : «Frank sent us!»  V.O.I. : «Frank non è venuto!».

23 V. A. : «Did you bring a horse for me?» V. O. I. : «C’è un cavallo per me?»

24 V. A.. : «Aww, now looks like we… look like shy one horse!» V. O. I. : Ehi, ragazzi!…è vero…, ci siamo proprio dimenticanti un cavallo…»

25 V. A. : You brought two too many!»  V. O. I. : «Ce ne sono due di troppo».

26  Tire en fanning. «Le tireur à le bras tenant l’arme semi-tendue, dans l’angle du corps, face à lui à la hauteur de l’abdomen. Il tient son arme d’une manière ferme, le doigt en pression sur la détente et manœuvre le chien de l’autre main en un geste brusque. Le chien ne pouvant s’accrocher à la tête de la gâchette puisqu’elle est effacée, revient en avant et percute la cartouche. L’opération répétée plusieurs fois constitue le tir en fanning. Garanti sans aucune précision!». «Notes sur l’authenticité» par Jacques Zimmer, Image et son, nº 258, mars 1972, p. 13, note 7. John Ford peut bien indiquer que «personne ne dégainait très vite dans l’Ouest. Ça, c’est un truc pour les cowboys pédés de la télévision. On sortait son arme et on marchait vers l’ennemi. On le laissait tirer d’abord, puis on tâchait de placer mieux sa balle.» Jean-Louis Leutrat, Le western, Paris, Armand Colin, 1973, p. 123.

27 Bertolucci, op. cit., p. 30.

28 Jacques Mathieu. La Nouvelle-France, les français en Amérique du Nord, XVI-XVIIIe siècles, Québec, P.U.L., Éditions Bélin, 1991, p 114.