Festival international
du film sur l’art 2024

ÉVÈNEMENT
Cinéma|

texte
Luc Chaput

 

Entre absence et présence

 

Un jeune homme et une jeune femme jouent à un jeu de mains sans se toucher, un couple s’échange un sac, voilà deux des séquences de Irani Bag court et fourni film d’archives par lequel la réalisatrice  britannique Maryam Tafakory démontre comment la population iranienne contourne certains interdits religieux et sociaux. C’est entre autres par ces liens entre cinéma et société, entre absence et présence que le 42e Festival International du Film sur l’Art de Montréal a encore une fois montré sa pertinence.

Dans un grand parc d’une propriété près de Téhéran, un vieil homme se promène le soir avec sa petite-fille. La chouette de ce lieu est l’une de leurs intérêts. Mahmoud Dowlatabadi est un immense écrivain iranien célèbre entre autres pour Le colonel. Ses autres écrits critiques contre les régimes qui se sont succédé en Iran lui ont aussi valu moult avanies. Dans un très beau noir et blanc, Sara Dolatabadi, sa fille, également directrice photo, échafaude sur plusieurs années un portrait complexe de cet homme, de son temps et de ses lieux, rappelant au passage sa participation naguère comme acteur dans La Vache (Gāv) de Dariush Mehrjui. Pour sa présentation de cet homme âgé encore mû par ses convictions et aussi grand-parent gâteau, An Owl, a Garden and the Writer (Jagh, Bagh va Marde Nevisandeh) s’est mérité avec raison le prix du meilleur portrait.

The Owl, a Garden and the Writer

Une cinéaste israélienne tente de renouer avec son père peintre à l’occasion d’une exposition de ses autoportraits dans un musée. Le paternel qui est devenu plus religieux se défile à répétition devant les demandes de sa fille Margarita. Celle-ci, avec l’aide de son mari Yaniv, directeur photo, décide de réaliser un portrait en creux de ce géniteur en interviewant famille, amis et professeur d’histoire de l’art. Le processus prend des tournures inattendues que nous ne dévoilerons pas. Le résultat final de ce double autoportrait a permis à Margarita Linton de gagner le Prix du jury pour le moyen métrage The Artist’s Daughter, Oil on Canvas.

Ghosts of Baggotonia

Dans un quartier de Dublin dont le point nodal est le pont de la rue Baggot au-dessus du canal, une intense vie intellectuelle a naguère eu lieu dans les bars, les théâtres et les maisons où se rencontraient les Patrick Kavanagh, Brendan Behan et Samuel Beckett qui ont construit la renommée littéraire de la verte Érin. Aiguillé par les photos de Nevill Johnson, le cinéaste  irlandais Alan Gilsenan nous convie, dans une remarquable cinématographie en noir et blanc, à un voyage littéraire dans ces rues. Des textes de ces auteurs et d’autres sont lus, des entrevues sont rediffusées et ce déploiement d’œuvres nous incite à en connaître davantage sur cette époque. La magnificence de Ghosts of Baggotonia m’ont rappelé par ses qualités picturales et textuelles le long métrage I Could Read The Sky de Nicola Bruce sur les immigrants irlandais en Grande-Bretagne vu il y a une vingtaine d’années. Le prix du Meilleur essai a bien entendu été remis à Ghosts.

La ricerca

Un vieil homme marche sur les rives d’une rivière alpine et scrute les pierres qui s’y sont déposées. Luigi Lineri, infirmier maintenant  à la retraite, accumule depuis plus de cinquante ans ces galets, ces morceaux de silex dans une grange où il les catalogue, les sépare, les compare et livre sur elles et la nature un discours éclairant. Le cinéaste Giuseppe Petruzzellis  nous le présente simplement et sa caméra l’accompagne dans ses pérégrinations. Des films muets sur des mythes anciens servent de contrepoint à cette conférence animée sur l’âge de pierre, les représentations de l’humain et du divin, les outils aux multiples formes ou usages et la place du sans-grade dans l’évolution de notre planète. Le jury doit être félicité pour avoir décerné à La ricerca le Grand prix.

En conclusion au cours de l’année qui vient, le cas échéant, notre site aura peut-être l’occasion de reparler Geographies of DAR de Monique Leblanc, Skin of Glass de Denise Zmekhol et autres productions vues dans cette manifestation qui se transforme le reste de l’année dans un site rempli.