Le traître
PRIMEUR
Semaine 06
du Ven 07 au Jeu 13 fév 2020
SUCCINCTEMENT
Au début des années 1980, la guerre entre les parrains de la mafia sicilienne est à son comble. Tommaso Buscetta, membre de Cosa Nostra, fuit son pays pour se cacher au Brésil. Pendant ce temps, en Italie, les règlements de comptes s’enchaînent.
Réalisation
Marco Bellocchio
INCONTOURNABLE
de la semaine
Luc Chaput
★★★★
Deux jeunes hommes aux visages ensanglantés courent dans un avion commercial en vol. Personne ne réagit. Un homme a une crise d’hyperventilation causée par ce cauchemar. Tommaso Buscetta est en voyage d’extradition judiciaire du Brésil vers l’Italie.
L’Omerta fracassée
Les maxi-procès contre la Mafia en Italie en 1986-87 ont connu un tonitruant battage médiatique. Le réalisateur italien Marco Bellocchio, plusieurs années après son Vincere sur un épisode de la vie de Mussolini, prend à bas le corps ce sujet et en livre une chronique complexe dont on est étonné qu’elle n’ait rien remporté au dernier festival de Cannes. Le protagoniste principal était un membre important de la Cosa Nostra comme ses membres nomment la Mafia. Il était réfugié au Brésil où il s’était forgé une nouvelle identité, avait créé une autre famille et s’était enrichi de diverses manières. Ramené en Italie, il entame, après une période d’approche, de nombreuses discussions avec le juge anti-banditisme Giovanni Falcone qui poursuit le travail du général des carabiniers Carlo Alberto Dalla Chiesa assassiné en 1982.
Le scénario de Bellocchio et de ses collaborateurs Ludovica Rampoldi, Valia Santella et Francesco Piccolo décrit entre autres un épisode fondamental où Buschetta ne tire pas sur un collègue qu’il doit abattre parce que celui-ci est avec son jeune fils. Pour Masino et d’autres confrères, le code d’honneur de la Cosa interdit de frapper mortellement les autres membres de la famille d’un condamné. Le montage de Francesca Calvelli interrompt l’épisode de cet assassinat programmé pour le conclure bien plus tard. La prise de contrôle du marché de l’héroïne par cette mafia sicilienne avait changé la donne et boursouflé les revenus. Le clan des Corleondesi dirigé par Salvatore « Toto » Riina, pour mettre la main sur ce pactole, avait ensuite fracassé cet article du code en pratiquant des massacres familiaux, de femmes, d’enfants et de parentèles jusqu’au énième degré, horreurs qui suscitaient la plupart du temps des vagues d’indignation bien vite retombées.
Une grande fête d’été où la liesse due à d’immenses rentrées d’argent couvre les prolégomènes de règlements de compte sert d’introduction à ce voyage spatio-temporel. La mise en scène alterne des tentatives réussies de meurtres employant divers moyens avec d’autres séquences montrant la vie calme et les échanges de ces criminels. Un épisode étonnant dans une prison établit l’étendue de l’emprise du milieu criminel dans ces endroits.
L’épisode central de ce long métrage est la reconstitution du maxi-procès dans le bunker où il s’est déroulé. La faconde, les effets de manche, les regards assassins et les gestes de mépris sont conjugués superbement par le réalisateur dans un immense théâtre judiciaire dont l’acteur principal est Buscetta. Pierfrancesco Favino qui a montré tout au long le côté charismatique de son personnage trouve là ses meilleurs moments. Caché tout d’abord derrière ses lunettes noires, dans un costume bien coupé, il jouit de son rôle central de témoin, brisant l‘Omerta. Il répond à ses détracteurs et ourdit ainsi une vengeance tout aussi directe mais par d’autres moyens. Fabrizio Ferracane en Pippo Calò, son frère ennemi et Luigi Lo Cascio dans le rôle plus tragi-comique de Totuccio Contorno sont ses principaux collègues dans ce ballet procédural.
L’épisode central de ce long métrage est la reconstitution du maxi-procès dans le bunker où il s’est déroulé. La faconde, les effets de manche, les regards assassins et les gestes de mépris sont conjugués superbement par le réalisateur dans un immense théâtre judiciaire dont l’acteur principal est Buscetta. Pierfrancesco Favino qui a montré tout au long le côté charismatique de son personnage trouve là ses meilleurs moments.
Malgré cette victoire judiciaire, le combat contre la Cosa Nostra est toujours de très longue haleine. L’utilisation de l’hymne choral Va pensiero du Nabucco de Verdi dans lequel les esclaves juifs espèrent un monde meilleur souligne la persistance de cette situation inique. La mort de Giovanni Falcone et de son équipe et les réjouissances subséquentes des membres de la Mafia sont filmées ensuite par la caméra de Vladan Radovic de manières opposées mais éminemment complémentaires.
Bellocchio, bien après Les poings dans les poches (I pugni in tasca) et avec l’aide de producteurs de divers pays soudés vers un même objectif, montre qu’à 79 ans, il n’a pas perdu de sa force créatrice. Cette dernière œuvre magistrale s’inscrit avec celles de Francesco Rosi (Salvatore Giuliano et Lucky Luciano) et de Matteo Garrone (Gomorra) en haut de la longue série de films nationaux sur cette pieuvre où figurent aussi certains de Pasquale Squitieri (L’affaire Mori / Il prefetto di ferro) et Giuseppe Ferrara (Cent jours à Palerme / Cento Giorni a Palermo).
FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Sortie
Ven 07 fév 2020
Genre(s)
Drame biographique
Origine(s)
Italie / France
Brésil
Année : 2019 – Durée : 2 h 30 min
Langue(s)
V.o. : italien; s.-t.a. ou s.-t.f.
The Traitor
Il traditore
Dist. @
Métrople Fimls
Classement
Interdit aux moins de 13 ans
[ Violence ]
En salle(s) @
Cinéma du Parc
[ Cinémathèque québécoise ]
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]