An Approximation of Their Barbarous Manners

Pour vous faire une idée en mouvement
sur Christian Serritiello

SUCCINCTEMENT.
Lors du tournage d’un film en hommage à un vétéran du cinéma hollywoodien, le personnage principal disparaît du plateau.

CRITIQUE.
[ Court métrage ]

★★★ ½

texte
Élie Castiel

Christian Serritiello.

Qui est donc Bruce? Pourquoi est-il parti du plateau de tournage d’un film qui lui était consacré? Quel est le mystère autour de cette disparition? Pour Christian Serritiello, acteur dans une quarantaine de productions, y compris dans ses quelques courts métrages, cette soudaine absence n’est sans doute que la difficulté, voir impossibilité de filmer ce qui ne se doit pas. Et lorsque le sujet du film est l’artisan même de cet affront, nul doute que le cinéma devient une cible facile.

D’où la mise en scène de Serritiello, survoltée, totalement folle, s’en prenant à cet espace restreint de ce qui ressemble à une chambre d’hôtel, à Tanger, un terrain de toutes les folies, un champ d’improvisation où la direction d’acteurs a disparu.

Tout comme Bruce Glover, le sujet principal du film; acteur dans une pléthore de films; remarqué dans, entre autres, Chinatown (1974), de Roman Polanski, 87 ans, deux de moins que Glover, aujourd’hui. Étrange mise en abyme qui rejoint le jeune cinéaste, cinéphile invétéré, comédien de scène aussi, tentant par tous les moyens de filmer un hommage à l’acteur.

Le vétéran d’une autre époque d’un cinéma qui se réinvente, ces années 1970 de la « Nouvelle Vague made in U.S.A., rejoint les participants pendant quelques minutes et semble agité, comme perdu dans un monde cinématographique qu’il ne reconnaît plus. Pourquoi le filmer aujourd’hui? Pour quelles raisons le substituer au temps qui passe? Il comprend très vite l’astuce de l’équipe de production, techniciens, vedettes, producteur, tout ce monde qui s’affole et qui, dans un temps lointain, faisait partie, dans une autre vie, de sa vie. Pour lui, le constat est dramatique.

Et Tanger, cette ville du nord marocain, dans toute cela, même si vue de l’intérieur d’une pièce chic de relais en forme de huis clos, elle se transforme en endroit mythique où toutes les éventualités ne cessent d’exister.

Thorsten Fleisch, le directeur photo demeure néanmoins dans son élément. Il est derrière cet espace des possibles et des irréalisables. Il n’a rien à voir avec les événements. Son but ultime : capter tout ce que l’objectif peut se le permettre. Et pourquoi ne pas profiter pour rendre hommage au cinéma de l’époque du « noir et blanc »? Pour une raison qui nous échappe, mais qu’on sent tendrement, affectueusement, Samuel Fuller, celui surtout de l’immaculé The Naked Kiss (1964) s’acharne à se montrer en dehors du cadre. On pourrait même penser à Jules Dassin, version-Amérique et à The Naked City / La cité sans voiles (1948). Le blanc lumineux transperce le noir, celui des ombres et des inquiétudes. Quelques brèves secondes, mais suffisantes pour montrer que Christian Serritiello sait faire du cinéma, même si, dans le film en question, de façon fugitive.

Comme à l’âge d’or du Noir et Blanc.

C’est bordélique, intentionnellement camp et par impulsion commettant des erreurs qui en font son originalité et encore, mine de rien, s’achève par une sorte de bacchanale, quoique subtile, mais  légiférant ses propres règles, se juxtaposant à la mise en scène pour lui octroyer une signification. C’est une question de montage. Ne conserver que l’essentiel. Serritiello s’en charge, ne comptant que sur son instinct.

Le court métrage s’assume ainsi, octroyant à ce format dans la durée, de nos jours, de moins en moins orphelin, ses lettres de noblesse.  Christian Serritiello, c’est le cinéma de l’inconscient, mais dans le même temps, l’effacement du sujet, nonobstant que cet évanouissement du personnage principal acquiert en lui la transparence et la nécessité de tout acte cinématographique. Finalement, il aura fallu que Bruce disparaisse.

Et Tanger, cette ville du nord marocain, dans toute cela, même si vue de l’intérieur d’une pièce chic de relais en forme de huis clos, elle se transforme en endroit mythique où toutes les éventualités ne cessent d’exister. Comme Bruce, légende en prenant de l’âge. Et comme le titre du film dont la signification ouvre bien les portes des possibles.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Christian Serritiello

Bruce Glover.

Scénario
Christian Serritiello

Direction photo
Thorsten Fleisch
[ N & B – Format 16/9 ]

Montage
Christian Serritiello

Musique
Jack Patching

Son
Raphael Tschernuth
Louise Hamelmann

Genre(s)
Essai-Fiction

Origine(s)
Allemagne

Année : 2020 – Durée : 12 min

Langue(s)
V.o. : anglais
An Approximation of
Their Barbarous Manners

Dist. [ Contact ] @
[ Reality Double Films ]

Classement (suggéré)
Interdit aux moins de 13 ans

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]