André Cayatte : 
Cinéaste engagé

| Cinéma |

RECENSION
Élie Castiel

★★★ ½

Règlements

de

comptes

à

l’amiable

Le parti pris de Pascal Noblet est évident. Et j’adhère tout de go à sa proposition, c’est-à-dire réhabiliter un cinéaste quasi oublié, particulièrement par les tenants de la Nouvelle Vague qui ne croient plus cinéma « qualité française » des années 1940 et 1950, plus incidemment mené par des adeptes collabos.

Force est de souligner que Cayatte débute dans la réalisation à partir des années 40 travaille pour la Continental, que les Allemands opèrent, la quitte, poursuit son chemin, jusqu’en 1978, avec L’amour en question, annonçant pour ainsi dire son prochain passage au petit écran – il signera quatre téléfilms, en quelque sorte correspondant en grande partie à des thèmes abordés dans ses longs métrages-cinéma.

Noblet le considère comme un « cinéaste engagé ». Pour l’ensemble de son œuvre? Pour son enthousiasme à continuer de tourner, laissant sa carrière d’avocat et de journaliste? Un cinéaste qui, entre le premier film et le dernier, épouse cette partie du siècle, son Histoire, ses conflits, la société française qui ne cesse de muter, de se transformer.

Nous sommes tous des assassins

Il y a, dans tout cela, une sorte d’approche chronologique dans André Cayatte : Cinéaste engagé. Et si tous les films ne sont pas étudiés, il n’en demeure pas moins que Noblet s’attache à ceux qui l’ont marqué. Le « système judiciaire » convoque le principal intéressé, ses impasses, ses injustices, ses arrangements, ses faux pas, comme dans Justice est faite (1950); la Seconde Guerre du siècle à peine terminée – On retiendra du livre quelque chose qui fait encore écho de nos jours : « Théodore Andrieu (Noël Roquevert), lui, est un militaire à la retraite particulièrement borné, odieux et réactionnaire. Il ne fait aucun doute à ses yeux que ‘l’étrangère Elsa, pas catholique, est un gibier de potence… (p. 71). Elle est juive, une bolchevick… » (p. 71). Le thème de l’antisémitisme obstiné sera repris dans Avant le déluge (1954).

Justice est faite

La critique n’adhère pas dans la plupart des cas à son cinéma. Tavernier le défend, contre toute attente. C’est quand même pas mal. Mais peu importe puisque dans les années 1970, le public (le grand) le suit, s’intéresse aux débats sociaux concernant la justice – il faut dire qu’avec des comédiennes et comédiens comme Annie Girardot et Bernard Fresson, impossible de se tromper.

En ce qui nous concerne, Nous sommes tous des assassins (1951) et Le passage du Rhin (1960) demeurent des œuvres essentielles. La première pour son positionnement concernant la peine de mort, la deuxième pour le regard qu’elle porte sur la période de l’Occupation.

Le passage du Rhin

La thèse de Noblet est brillamment assumée, bien soutenue et s’enrichit d’une langue directe, évitant les excès intellectuels barbants, gratuits, les enchevêtrements parfois inextricables, ces armes fatales qui, par la rhétorique appuyée, ne sont que des techniques de manipulation.

André Cayatte ou le cinéaste, en plus d’engagé, celui d’une œuvre, certes pas toujours convaincante, avec ses hauts et ses bas, mais qui mérite d’être soutenue à un moment où l’Histoire du cinéma semble avoir négligé certains noms.

L’ouvrage de Pascal Noblet ne constitue-t’il pas une sorte d’arrêté à l’amiable avec, pour but, de situer le cinéaste là où il mérite.

 

Pascal Noblet
André Cayatte : Cinéaste engagé
(Coll. « Champs visuels »)

Paris : L’Harmattan, 2023
ISBN : 978-2-1404-9006-4
294 pages
[ Sans illustration ]
Prix suggéré : 29 €

ÉTOILES FILANTES
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½ [ Entre-deux-cotes ]