As One

CRITIQUE.
[ ART LYRIQUE ]

un texte de
     Élie Castiel

★★★ ½

Oublions la pandémie et parlons des arts de la représentation, la « culture », comme si de rien n’était, une façon comme une autre de ne pas nous éloigner de cette part de notre existence qui purifie notre être et notre esprit.

Comme dans

                                un miroir sans tain

As One, opéra de chambre qu’on attendait avec, en tête, nos doutes, nos espoirs, notre hâte de voir comment serait traité un sujet, malgré les avancées actuelles, aussi controversé que la réalité trans. Et puis, une livret de la multidisciplinaire Kimberly Reed, elle aussi ayant subit une transition. Un dialogue avec une langue terre-à-terre, qui résonne comme un plaidoyer, sans militantisme gratuit, un revendication, sans exacerbation. Répétitive parfois, comme il se doit, rythmée et au diapason des deux chanteurs, ou le contraire. Qu’importe puisque le résulat est là, une symbiose sublimée autant par la musique que par l’élocution.

Je ne sais pour quelles raisons, mais As One m’a fait pensé à Persona (1966) et à Face à face / Ansikte mot ansikte (1976), les deux films du grand maître Ingmar Bergman. Non pas qu’il y ait dans l’opus de Reed des ressemblances narratives, mais on constate que dans la mise en scène d’Eda Holmes (la grande dame à la tête du Centaur), à l’instar des films cités, existe des parallélismes en forme de miroir à deux faces qui se complètent, s’entremêlent, parfois se déchirent, s’entrechoquent pour se retrouver de nouveau. Comme un processus de transformation qui finit par voir le jour.

L’Orchestre classique de Montréal (OCM) propose une œuvre féconde, inspirante, douée de raison et, par les temps qui courent, offrant un message d’autant plus conciliateur qu’il remet en question les fondements parfois austères de notre civilisation occidentale. Un miroir sans tain déformant.

PHOTO : @ Annette B. Woloshen

Mouvements psychologiques qui deviennent d’autant plus stridents que les musiciens sont sur scène, comme des personnages à part entière, tout autant que la chef d’orchestre Geneviève Leclair, qu’on aurait voulu présente dans la discussion après le spectacle. Plus qu’opéra de chambre qui réunit tous les éléments de la représentation (mise en scène, interprétation, voix, orchestre, décor… ), c’est à « opéra de poche » qu’on assiste, démocratisant cet art en lui imposant des conditions proches de l’individu. Ce qui n’empêche pas que nous préférons une salle, pour aussi sentir les réactions du public et nous rapprocher socialement de lui, comme dans un rituel.

Quelques mots sur la musique, d’un post-modernisme qui risque de tracer les voies des opéras modernes, de plus en plus en vogue en ce 21e siècle éclatée qui n’a pas encore trouvé sa voix. Les puristes auront des réserves, mais force est de souligner que de nouveaux créateurs (et créatrices) ne cessent d’inventer un nouveau son, proche de leur époque, temps faits de tonalités éparses, parfois difficiles à percer, répandues dans un espace qui nous échappe, mais qui finit, en fin de compte, à nous libérer, même s’il s’agit d’une délivrance provisoire. Quant à la réalité trans, elle est, dans As One, traitée avec humanisme, respect, donnant à la diversité sexuelle les lettres de noblesse dont elle avait tant besoin. Phillip Addis et Sarah Bissonnette gratifient leur(s) personnage(s) d’une aura d’authenticité aussi puissante que touchante.

L’Orchestre classique de Montréal (OCM) propose une œuvre féconde, inspirante, douée de raison et, par les temps qui courent, offrant un message d’autant plus conciliateur qu’il remet en question les fondements parfois austères de notre civilisation occidentale. Un miroir sans tain déformant.

NB : Dommage que la discussion après le spectacle, fort intéressante, n’ait pas été traduite en français. Un effort aurait été de mise.

ÉQUIPE DE CRÉATION
Musique
Laura Kaminsky

Livret
Kimberly Reed

Mark Campbell

Pupitre
Geneviève Leclair

Mise en scène
Eda Holmes

Éclairages
Anne-Catherine Simard-Deraspe

Distribution
Phillip Addis, bariton (Hannah avant)
Sarah Bissonnette, mezzo-soprano (Hannah après)

Production
Orchestre classique de Montréal

Durée
Environ 2 h

[ Sans entracte & incluant discussion suite au spectacle ]

Diffusion @
https://orchestre.ca/event/as-one/

Représentations
En ligne seulement

Jusqu’au 04 décembre 2020
19 h 30

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]