Jonathan Agassi Saved My Life

SUCCINCTEMENT
Il pense avoir le meilleur travail au monde. Jonathan Agassi, l’une des plus grandes stars du porno gay. Outre ses nombreux tournages, il apparaît aussi dans des shows télévisés et propose ses services en tant qu’escort. Le réalisateur Tomer Heymann l’a suivi pendant huit ans entre Berlin et Israël.

CRITIQUE.
[ INÉDIT ]

★★★★

un texte de
      Élie Castiel

Tomer Heymann, lorsqu’il réalise, surprend par son humanisme empreint de distanciation face au sujet. Non pas que sa proposition soit dénuée d’émotion, mais il y a, dans sa mise en scène, quelque chose qui nous échappe, intentionnellement, comme si l’homme de cinéma cherchait à posséder son objet cinématographique, la caméra, dans un langage simple, sans le concéder au sujet. Recul qui, paradoxalement, octroie à l’objet filmé une certaine grandeur, une réappropriation de son propre territoire.

Dans ce bel exemple de « mise à nu », au sens propre comme au figuré, sans concessions, situant le protagoniste en question devant un miroir sans tain, se révélant au grand jour, n’hésitant pas une seconde à se comporter le si naturellement du monde, quitte à choquer les cœurs (trop) sensibles et les esprits, notre regard, quelle que soit notre orientation sexuelle, succombe aux désirs de la caméra. Et lorsque le principal intéressé est issu de cette contrée biblique qui doit, de par son passé, donner l’exemple moral en matière de comportement sexuel, le constat est d’autant plus  transgressif.

Portrait du jeune

            homme à nu

Mais ceux qui connaissent Tomer Heymann savent très bien que son cinéma refusent les lois de l’establishment, les fondements reçus par une quelconque loi divine. Sans pour autant se montrer provocateur, loin de là, usant sciemment du matériel cinématographique et notamment illustratif non pas pour choquer, mais au contraire, situer ce qu’il film le plus objectivement du monde, sans nécessairement penser aux résultats.

Un cinéma de l’intime, de l’intrusion, de l’indiscrétion sublimée, d’une certaine rhétorique de la pensée. Le sujet en question, un jeune homme (dans ce métier, non plus aujourd’hui) de l’industrie du porno gai d’Israël, essentiellement gérée de l’extérieur par l’acteur et producteur d’origine russe, maintenant américain, Michael Lucas, sorte de Jean-Daniel Cadinot d’illustre mémoire, à l’américano-israélienne pour qui, aborder le genre, ne refuse pas pour autant une certain respect de la mise en scène et, soyons prudents, une direction d’acteurs-performants. Sans oublier que le souci du détail se transforme en véritable mise en scène du désir.

Ici, l’intention du titre donne au principal protagoniste son choix de vie. Issu d’une famille dont le père a laissé la mère, seule avec deux fils, dont « Yonatan », et une fille. Enfance, adolescence et début de la maturité, étapes marquées par une liberté totale de mouvement, de comportement, d’incertitudes. Assumant son homosexualité, en apparence, jamais questionnée par sa mère. Important personnage dans ce film. Devant la caméra, elle se montre une comédienne d’une grande intensité. Son parcours psychologique se soumet à une écriture scénaristique entre le récit mélodramatique et la captation du quotidien, de l’inattendu. Pour voir comment elle réagit à telle ou telle situation, sans qu’elle le sache à l’avance.

Et une fin qu’on ne raconte pas, par respect, signant à grosses lettres le message de Tomer Heymann, utilisant son médium pour réhabiliter son personnage, sans jugement, sans morale, équitablement. Le faisant, malgré les apparences du carton final, citoyen du monde.

Pour Agassi, une vie de sexe, de porno, de plaisir, de drogues, de notoriété dans un certain milieu où les excès (drogues, tatouages, risques et autres panacées) sont de rigueur. Sans souci du lendemain.

De la part de Heymann, aucun jugement, nul besoin de crier au scandale. En revanche, un regard saisissant plein de bruit et de fureur, bien que sereinement, sur l’industrie du porn au masculin, sur la famille, sur les revendications qu’on se fait à soi-même. Sur la vie qu’on choisit ou son contraire. Et aussi sur le fait qu’en matière d’homosexualité, on assiste à une mondialisation de la question. Les homosexualités du monde se sont totalement assimilées au système américain : mêmes principes de drague, mêmes comportements, vices, vertus, luttes, revendications.

Jonathan Agassi, un bel étalon aux yeux dévastateurs qui aurait pu percer dans l’industrie standard du cinéma. Car dans ses pornos (qui sont encore en ligne), on sent une certaine caresse à jouir du moment et son tout l’exprime avec une certaine concupiscence intelligemment manifestée.  Au même titre, pourrait-on dire, que ses compatriotes Guy Ronen, Nimrod Gonen, Matan Shalev et du longtemps indétrônable Avi Dar.

Et une fin qu’on ne raconte pas, par respect, signant à grosses lettres le message de Tomer Heymann, utilisant son médium pour réhabiliter son personnage, sans jugement, sans morale, équitablement. Le faisant, malgré les apparences du carton final, citoyen du monde.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Tomer Heymann

Scénario
Tom
er Heymann

Images
Tomer Heymann
Addi Reiss

Origine(s)
Israël / Allemagne
Grande-Bretagne

Année : 2018 – Durée : 1 h 46 min

Langue(s)
V.o. : hébreu, anglais, allemand; s.-t.a.
Yonatan Agassi hetzil et kha’yai

Dist. @
[ Heymann Brothers Films, Israël ]

Diffusion @
DVD &
En ligne sur différentes plateformes

Classement (suggéré)
Interdit aux moins de 18 ans

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]