SUCCINCTEMENT Une crise pandémique. Elle frappe tout le monde. Mais entre les colocs Gabrielle et Léanne, la résistance se fait par l’échange virtuel. Jusqu’au jour où…
DÉCOUVERTE
texte Élie Castiel
★★★★½
V… pour Victoire
Il est jeune, d’origine française. On lui doit plusieurs courts sujets « Made in Québec », dont Night Prowler (2017, avec KINO) et Dépression saisonnière (2019). Est-il nécessaire d’expliquer notre choix de ces deux titres parmi tant d’autres?Suite
Une femme, dans une grande pièce vide à Madrid, travaille et regarde un écran. Des images d’archives, des films de famille illustrent ainsi la vie de son grand-père qu’elle a connu sous le surnom du dernier archer. Alberto Manrique, membre du groupe LADAC (Les Archers de l’art contemporain), peintre, illustrateur a passé l’essentiel de sa vie aux Canaries avec son épouse Dolores dite Yéya et leurs enfants. Un secret de famille rôde car ses grands-parents l’ont élevée. Descente dans la mémoire d’un vieux couple, dans la société espagnole sous Franco et dans la movida, The Last Archer (El último arquero) est imbu d’une grande tendresse pour la plupart des personnes croisées au fil de la découverte des illustrations et peintures de cet artiste qui n’a pas connu la renommée à laquelle il aurait pu s’attendre. La réalisatrice Dácil Manrique de Lara rajoute, par des effets numériques, certains motifs s’apparentant à ceux d’Escher et au réalisme magique qui sous-tendent le travail pictural de son abuelo chéri.Suite
À l’instar de plusieurs manifestations cinématographiques, le HotDocs de Toronto ont bien lieu, mais « en ligne », dû à la pandémie. Il faut espérer que malgré tous les présages pris en considération avec la meilleure volonté du monde, ça ne devienne pas une nouvelle tendance. Mais que peut-on contre un ennemi invisible?
L’altérité en ces
lieux incertains
Nous vous proposons ainsi une brochette de films choisis parmi les nombreux que nous avons pu visionner, question de vous donner une idée sur l’état des choses de nos sociétés, bien entendu à une époque pré-pandémique… pas si lointaine. Des films qui illustrent jusqu’à quel point la vie n’est pas du tout un long fleuve tranquille; des propositions émanant d’un peu partout, parlant de l’activité humaine comme si la vie s’était arrêtée pour, finalement, nous aider à réfléchir sur un nouveau monde. Des leçons d’éthique en quelque sorte.
A Colombian Family
Née à Séoul (Corée du Sud), la Danoise Tanja Wol Sørensen, la trentaine, donne indéniablement au documentaire ses lettres de noblesse. Avec A Colombian Family (En revolutionær familie), les rapports qu’entretiennent une jeune femme et sa mère, la première exilée à Cuba, l’autre restée pays et combattant de l’intérieur, sont des exemples majestueux de l’éthique du plan. Même après la paix, dans un sens, factice, entre le gouvernement et les FARC, les choses n’ont pas changé en Colombie. Le dialogue mère-fille s’inscrit à l’intérieur d’une série de séquences où le champ/contrechamp se transforme en précieux discours sur l’engagement politique. Mais le film est surtout une réflexion sur la vraie nature de l’idéologie. Entre les convictions sociales et la famille, le choix est souvent déchirant. Sur ce point, le film de Sørensen aborde également les thèmes du collectif et de l’intime avec une générosité bouleversante.
Finding Sally
Le politique fait aussi partie du discours dans Finding Sally, de la Canadienne d’origine éthiopienne Tamara Mariam Dawit; par le biais des images en mouvement, elle cherche à percer le mystère entourant le vécu d’une ses tantes qu’elle n’a jamais connue. À mesure que l’étau se resserre de moins en moins grâce à un cycle d’interventions familiales aussi pudiques que controversées, la vérité se fait nue, donnant l’occasion à la cinéaste de traiter d’un genre quasi nouveau, la fiction de la vérité documentaire, avec un sens inouï et dans le même temps poétique de la litote visuelle. L’Éthiopie est alors perçue comme un pays aux multiples facettes, une Histoire de régimes aussi contestés que fabuleux, une terre ancestrale des temps bibliques qui respirent indiciblement dans ce film abouti.
Losing Vietnam
Encore de la politique, mais à travers le prisme de l’immigration. Un couple d’origine vietnamienne dans la soixantaine vit en Allemagne depuis trente ans. Ils bossent, autant elle que lui, comme nettoyeurs de bureau. Le reste du temps, il utilisent Internet pour correspondre avec leur famille au Vietnam. Histoires banales, récits de petits drames, la mort d’un proche lointain, la vie qui passe. Et surtout, un refus de retour au pays. Comme si dans l’exil, même lointain, les promesses du rapatriement s’effaçaient petit à petit et que, peut-être, le manque ou le refus d’appartenance idéologique, ou l’âge aussi, devenaient des facteurs compromettants. Avec Losing Vietnam (Mein Vietnam), Tim Ellrich et Thi Hien Mai propose un tendre ode au phénomène migratoire des dernières décennies du XXe siècle. À la fois subtile, enjoué et prenant ses distances avec le sensationnalisme et le pathos gratuit.
In Your Eyes, I See My Country
Encore un fois, l’exil dans In Your Eyes, I See My Country (Dans tes yeux, je vois mon pays/ Fi eaynak, ‘araa Baladi); le Marocain Kamal Achkar, à qui l’on doit le très beau Tinghir Jérusalem : Les échos du Mellah (Tinghir Jeruzalem: Jeka iz Mellaha), poursuit sa quête entre Israël et cette petit territoire des montagnes marocaines où il est né. Néta et Amit forment un couple. Ils sont Juifs. Ils vivent à Jérusalem, mais tous les deux partagent leurs origines marocaines. Elle est chanteuse, il est musicien. Un documentaire fascinant sur les origines, sur la présence millénaire des Juifs au Maroc, sur leurs us et coutumes, leur intégration totale à cette terre de tolérance et de respect de l’autre. Néta et Amit ont décidé de continuer à donner vie à leur héritage par le biais de la musique et de la chanson. Ils irons à Tinghir, l’endroit où leurs parents respectifs sont nés. Le documentaire devient alors une élégie au temps qui passe et qui laisse malgré tout des traces indélébiles au passage, prouvant jusqu’à quel point les sources du passé demeurent à jamais inscrites dans la mémoire. Les séquences d’archives ont quelque chose de magique, comme si les images en mouvement rapportaient des témoignages millénaires.
Les années qui passent. Thème également abordé dans Lessons of Love (Lakcja Miłości) des Polonaises Malgorzata Golisewska et Kasia Mateja. Presque 70 ans, Jola est maquillée comme une blonde platine hollywoodienne. À l’instar de la majorité des femmes de sa génération, elle doit composer avec religion catholique et féminité. Femme d’une autre époque qui croit encore aux codes lointains de la séduction et ramènent le spectateur à un temps, malgré les turpitudes néfastes de l’Histoire, plus doux, ou du moins dans la conscience collective. Les deux documentaristes posent un regard sur l’éternel féminin, sans concessions. Et l’homme, un peu plus âgé est montré dans la solitude du vieil âge, beaucoup plus fragile que la femme, espérant trouver soit le bonheur perdu ou mieux encore cette délicate sensation de partage amoureux qui souvent se défile sans crier gare.
Lessons of Love
La femme, encore la femme, pour parler d’avortement en Irlande, dans The 8th, faisant référence au 8e amendement de la Constitution irlandaise limitant les droits à l’avortement. Contre vents et marées, des femmes tentent de renverser cette réforme rétrograde. Sans particulièrement innover le genre, Aideen Kane, Maeve O’Boyle et Lucy Kennedy célèbre une noble cause, se dresse contre l’hégémonie phallocrate dominante dans la culture conservatrice et montrent des femmes de tous les milieux qui se battent pour défendre leurs corps. C’est filmé selon une approche qui loin du militantisme outrancier, défend la démarche jubilatoire de réappropriation. Essentiel.
The 8th
Et puis, un film-cinéma d’Alexandre O. Philippe (entre autres, Memory: The Origin of Alien), Leap of Faith: William Friedkin on The Exorcist où le réalisateur, entre autres, de Cruising, le film-scandale, souligne, parfois à gros traits, les idées philosophique entourant ce film d’horreur mythique. Des questions sur la religion, les superstitions, les codes cinématographiques du genre et sur autant la direction d’acteurs et l’approche des comédiens dans une catégorie de films qui défie le plus souvent les normes. On soulignera l’aisance dans la parole de Friedkin, s’abandonnant altièrement comme s’il s’agissait d’une « classe de maître ». Hasard peut-être, toujours est-il que les films que nous avons choisis se conjuguent souvent au féminin.