La Corriveau.
La soif des corbeaux
@ Monument National
CRITIQUE
[ Scène ]
★★★★ ½
texte
Élie Castiel
Une distribution exceptionnelle. Des voix hors-pair. Des chansons enlevantes et d’autres dramatiquement inspirées, touchantes, bouleversantes. Du théâtre chanté-et-parlé québécois à sa plus haute expression.
Cela
se passe
à
Saint-Vallier
La création de Jade Bruneau sort des sentiers battus, notamment dans sa transposition du texte et des paroles de Geneviève Beaudet et Félix Léveillé. Soulignons aussi la musique de l’également parolière Audrey Thériault. Des mots qui inspirent, racontent, soulèvent autant l’émotion que la réflexion.
Un groupe de créateurs et de créatrices pour raconter ce Québec d’autrefois, ce territoire « conquis ». À la cour, il faut jurer par le Roi, celui des Anglais. C’est par le biais d’un « procès » retentissant que le spectacle tient ses promesses. Mythe? Légende? Vérité? Pour les spectateurs d’aujourd’hui, peu importe. La répartie politique retient son agressivité, la repousse même en lui octroyant, au contraire, un air de respectabilité; par son approche où divertissement total et discours sur les choses de l’état s’harmonisent comme par miracle.
Ce désir est constant dans La Corriveau : La soif des corbeaux. Cette ardeur d’aspirer à un « chez nous » irrévocable. Et pendant ce temps, à Saint-Vallier, on accuse une certaine Marie-Josephte Corriveau d’avoir tué son second époux. Coupable? Innocente, même si coupable? – pour des raisons qui dépassent la morale de la Justice et des Humains. Sans doute, inconsciemment, femme libre bien avant son temps.
Lorsqu’au deuxième acte, la cage de métal suspendue de la Corrivaux (autre façon de l’épeler) est « conduite » sur scène, nous avons la chair de poule. L’histoire affronte l’aujourd’hui. Le théâtre n’est plus une illusion. Le réel l’emporte.
Le texte de Beaudet et Léveillé joue sur les paradoxes, les contradictions, les choses qu’on ne dit pas et qui éclate soudainement au grand jour. Sur l’ignorance, impossible à nier, dans les petits villages d’autrefois. Les racontars, les commérages de toutes sortes. La passion amoureuse aussi qui se traduit en jalousie.
Et un décor surprenant d’Adam Provencher qui, par sa forme, reflète autant l’histoire d’un autre siècle que les vertus de l’illustration photographique, amplement appuyée par l’apport vidéographique de Marc-André Breton. Des visages diaphanes captés qui arrêtent le temps, alors qu’il s’agit des comédiennes et des comédiens du spectacle en cours.
J’assume mon chauvinisme en soulignons que les artistes de la scène québécoise sont les plus habiles dans le monde de la francophonie. Ce mélange de latinité et de nord-américanité, tout en soulignant l’influence autochtone et pourquoi pas, des nouveaux-venus d’ailleurs, leur octroie ce quelque chose d’universel qui impose sa candeur et son intégrité.
Lorsqu’au deuxième acte, la cage de métal suspendue de la Corrivaux (autre façon de l’épeler) est « conduite » sur scène, nous avons la chair de poule. L’histoire affronte l’aujourd’hui. Le théâtre n’est plus une illusion. Le réel l’emporte.
Une des plus belles surprises de la saison théâtrale 2023. La légende persiste.
ÉQUIPE PARTIELLE DE CRÉATION
Texte
Geneviève Beaudet
Félix Léveillé
Mise en scène
& Création
Jade Bruneau
Interprètes
Renaud Paradis, Hélène Major
José Dufour, Frédérique Mousseau
Karine Lagueux, Simon Labelle-Ouimet
Jade Bruneau, Simon Fréchette-Daoust
Scénographie & Costumes
Adam Provencher
Éclairages
Maude Serrurier
Vidéo
Marc-André Breton
Durée
2 h 20 min
[ Incluant entracte ]
Auditoire (recommandé)
Tout public
Diffusion & Billets @
Monument National
Jusqu’au 17 juin 2023
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon.★★★ Bon.
★★ Moyen.★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]