MANIFESTATION
[ Festival de films francophones
sous-titrés en anglais ]
un texte de
Élie Castiel
Images LGBT(Q)
Oui, effectivement, LGBT, sans l’affiliation Q en plus car les quatre films programmés dans la sélection de cette année reflétaient une époque pré-queer. Pour ma part, appellation péjorative puisqu’en français, queer veut dire étrange, bizarre – mot revendiqué par une partie de la communauté gaie, particulièrement académique, issue des campus américains et mimé dans le Canada anglais dans le but d’affirmer la différence, et plus que tout, se situer transgressivement dans la mouvance sociale. Dans un sens, confronter en forme de lutte l’establishment, plutôt que de l’amadouer. Mais bon, tout ça, c’est une autre histoire. Pour ma part, je m’en tiens à la vraie définition du mot queer et préfère ne pas adhérer à cette fausse mainmise politico-sociale.

Deux
Deux (The Two of Us), premier long métrage de fiction de Filippo Meneghetti, permet à ce réalisateur d’entrer par la grande porte. Deux comédiennes remarquables, Barbara Sukowa et Martine Chevallier. Une promesse de tous les instants aussi, Muriel Bénazéraf, du casting dans Une intime conviction (2018) d’Antoine Raimbault et, ici, d’une diablerie extraordinaire. Une comédienne à surveiller de près. Un thème principal, l’homosexualité féminine. Comment la vivre, l’assumer, la consommer, la situer dans une société encore, malgré les avancées, conservatrice. Car dans ce débat, les amours homosexuelles sont, dans la plupart des pays (occidentaux) légales et acceptées dans le papier, mais que se cache dans les mots qu’on murmure à l’intérieur des chaumières, en privé. Et le film est simplement un bijou de mise en scène sobre, subtile, d’une émotion palpable, celle des mots, des silences et des choses qui traversent notre esprit.
La caméra d’Aurélien Marra (plusieurs courts) filme l’intime, l’extroverti, épousant aussi des choix chromatiques et d’ambiance ouvrant sur le brun. Comme s’il fallait cacher des choses aux yeux du monde. Et un drame qui finit par… Meneghetti suggère plus qu’il ne montre même si la continuité du récit est on ne peut plus linéaire. Un dialogue amoureux des mots, des suggestions palpables, des non-dits qui veulent tout dire, texte écrit par Meneghetti et Malysome Bovorasmy, avec la collaboration de Florence Vignon, tous trois complices d’un récit sur la sexualité qu’on finit par assumer, à coups d’hésitations, certes, mais surtout, sans trop faire de bruit, avec délicatesse, en fonçant adroitement les portes de la rectitude, sans rien casser.Suite