Exile (Exoría)

SUCCINCTEMENT
Se sentant étranger dans son propre pays, Aris, un Grec, lutte pour sa survie en tant qu’individu et citoyen.

HORS-CHAMP

texte
Élie Castiel

★★★ ½

Nous avons pensé le plus grand bien de Lines (Grammés), 2017, un essai vitriolique sur la tragédie d’un pays laissé à l’abandon et ne favorisant que les quelques nantis, des prototypes de dictateurs qui n’ont rien à cirer du peuple.

Même engagement dans Exile (Exoría), 2019, mais contrairement à Lines, avec une nette légèreté de ton qui, au fond, cache la tragédie (impossible de l’éviter dans la psyché des artistes grecs) du propos. Ici, Vassilis Mazomemos joue à cache-cache avec le spectateur, le conduisant dans des univers qui souvent frôlent le grand-guignolesque, le sérieux, le dramatique, l’incompréhensible, lui administrant parfois des doses d’humour camp que certains se plairont à savourer. L’homoérotisme est très présent. Une des scènes montre l’anti-héros (une sorte de « Guerrier spartiate » ou encore de Robinson Crusoé jules-vernien – on constatera que Verne admirait Daniel Defoe), nu, nous faisant dos. Sorte d’hommage aux statues grecques de la période hellénique que le comédien Stefanos Kakavoulis arbore avec le plus grand soin au détail.

Expatriation en la demeure

C’est d’ailleurs vers cet esprit de retour à une ère élégiaque que le cinéaste semble se diriger dans ce film sur l’exil physique et intérieur. Il y a d’ailleurs un parti pris totalement assumé dans la mise en scène. Éclairée, diurne (à l’opposé de Lines, grise, nocturne, sombre), menée sous un soleil de plomb ou de lieux internes où la lumière ne cache aucun élément, ne laissant rien au hasard. Pourrait-on parler de revendication de la part de Mazomenos? Revendication à sa propre Histoire, la réappropriation de l’Ancienne civilisation, un combat mené contre une contemporanéité politique plutôt désordonné – et peut-être, et je dis bien peut-être, à l’égard d’une orthodoxie chrétienne qui a tout changé au nom d’un monothéisme autocratique.

L’homoérotisme est très présent. Une des scènes montre l’anti-héros (une sorte de « Guerrier spartiate » ou encore de Robinson Crusoé jules-vernien – on constatera que Verne admirait Daniel Defoe), nu, nous faisant dos. Sorte d’hommage aux statues grecques de la période hellénique que le comédien Stefanos Kakavoulis arbore avec le plus grand soin au détail.

Si Lines était divisé en sept tableaux de durées approximativement égales, Exile suit le parcours d’un homme à travers les divers étapes de sa randonnée identitaire. La majeure partie du film est en anglais, avec des dialogues en arabe (farsi?) et quelques phrases en grec. Les nouveaux arrivants ont apporté leurs cultures et leurs coutumes (sans oublier leurs religions). Se sont-ils adaptés à une Grèce incapable d’assumer des réfugiés – crise économique oblige? Ce constat n’est pas très clair dans Exile, le cinéaste préférant s’en remettre à des idées vagues sur la question. Se veut-il rassurant, prudent ou n’ose simplement pas se lancer dans des diatribes?

Encore une fois, comme nous l’avions exprimé dans notre critique de Lines, Vassilis Mazomenos lutte de l’intérieur, mène un combat à plein poumon par le biais d’un cinéma hors-mainstream, là où la métaphore l’emporte sur le prêt-à-porter, quitte à déboussoler le spectateur, à l’indigner. D’où une intentionnelle et flagrante direction d’acteurs, laissés à eux-mêmes. L’improvisation est fréquente, comme s’il s’agissait d’un Happening théâtral mené par une équipe en délire. Délire de la scène (ici, des lieux), des possibilités qu’elle donne aux comédiens, transgression dans les mouvements, sexualité débridée (même si, sur ce point, d’autres cinématographies nationales vont quand même un peu plus loin) et plus que tout, une liberté aguerrie.

Belle collaboration entre une équipe artistique vachement inspirée : l’image de Fotis Nitsis occupe adéquatement la circonférence des espaces, même si le plan fixe domine et le dispositif de la caméra voyage peu ou pas du tout; le montage de Kostas Tataroglou permet à ce fourre-tout d’exprimer sa totale indépendance; quant à la direction artistique de Dimitra Panagiotopoulou, elle agence entre les tons pastel, le spectacle de foire et une nette prédilection pour l’absurde à la Ionesco. Les tonalités musicales de Mihalis Nivolianitis et d’Alexandros Christaras (idem dans Lines) procurent à l’ensemble une atmosphère de dépaysement, d’éloignement, voire même d’isolement.

Moins réussi que Lines, soyons honnêtes, mais tout aussi opportun.

  FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Vassilis Mazomenos

Scénario
Vassilis Mazomenos

Images
Fotis Mitsis

Montage
Kostas Tataroglou

Musique
Alexandros Christaras
Michalis Nivolianitis

Son
Costas Chrysogelos

Dir. art.
Dimitra Panagiotopoulou

Costumes
Magda Kaloriti

Production
Vassilis Mazomenos
Vassilis Alatas
Vassilis Konstadilieris

Genre(s)
Essai dramatique

Origine(s)
Grèce
Année : 2019 – Durée : 1 h 50 min
Langue(s)
V.o. : grec; s.-t.a.

Exoría

Dist. @
Vassilis Alatas TV Film
[ Grèce ]

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

Festival international du film sur l’art de Montréal 2020

ÉVÉNEMENT

texte
Luc Chaput

Un bouquet d’œuvres d’art pendant la crise

Après des épisodes difficiles dans les dernières années, le Festival du film sur l’art de Montréal ou FIFA pour les fidèles / https://www.artfifa.com/fr a réussi dans les circonstances exceptionnelles que nous vivons en ce moment à présenter de nombreuses œuvres diversifiées en visionnement sur Internet et a ainsi réussi à rejoindre un public dans de nombreux autres lieux. Nous vous proposons un florilège de ces films et vidéos.

Une jeune cinéaste américaine découvre dans les nombreuses boîtes d’archives de sa famille que son arrière-grand père né en Russie, Jacques Bogopolsky dit Boolsky, puis Bolsey, est l’inventeur de la Bolex, ciné-caméra majeure du XXe siècle. Wim Wenders et d’autres collègues parlent de sa facilité d’utilisation et en donnent des exemples. Le chemin qu’emprunte Alyssa Bolsey est plein de détours en Suisse et dans les conflits familiaux. Le portrait des derniers cent ans est à la fois distrayant et informatif par le choix des intervenants, historiens, amateurs et l’intégration des archives photographiques et d’animations qui permettent d’évaluer le parcours complexe de certaines personnes. Beyond The Bolex aurait mérité le prix d’histoire de l’art comme il devrait en exister un dans ce festival.Suite

Mektoub, My Love : Canto Uno

Préambule
Le film est projeté uniquement ce soir à 21 h au Cinéma Moderne. Le 14 mars, une seule représentation est prévue. Triste état des choses en matière de distribution et de diffusion de certains films à Montréal. Le film de Kechiche date de 2017, accusant déjà du retard. Quoi qu’il en soit, ou bien le public cinéphile s’est rétrécit comme peau de chagrin en ce qui a trait au Grand Écran, soit qu’il préfère le confort du foyer et les écrans 60 pouces, faussement vivifiants, avec toutes les interruptions que cela comporte. Sans compter, bien sûr, sur l’aspect socialisation qui ne semble plus avoir du sens de nos jours. En revanche, à KinoCulture Montréal.com, une Primeur n’est considérée comme telle que si elle est présentée tous les jours de la semaine, à raison d’au moins une (1) fois par jour. Ce qui explique que la critique se retrouve dans notre case « En lumière », par défaut, section privilégiée. Pour le cinéphile averti, néanmoins, programmer une semaine de cinéma devient de plus en plus compliqué.

SUCCINCTEMENT
Août 1994. Originaire de Sète, Amin délaisse temporairement Paris pour rendre visite à ses parents qui tiennent un restaurant tunisien sur la côte méditerranéenne. Il retrouve Tony et Ophélie, son cousin et son amie avec lesquels il mène une existence oisive en fréquentant les plages et les boîtes de nuit. Passionné de photographie, Amin profite de cette pause pour capturer quelques paysages et se payer aussi du bon temps.

HORS-CHAMP

texte
Élie Castiel

★★★ ½

Il n’est pas surprenant que le premier plan du film montre Amin (très bon et beau Shaïn Boumedine – premier rôle étincelant à l’écran) à bicyclette s’en allant voir son cousin Tony (efficace et cinégénique Salim Kechiouche – Grande École (2004) signé Robert Salis, de bonne mémoire). Il le surprend par la fenêtre en train de faire l’amour avec son amie. Scène de baise, joyeusement consentie qui, sans doute, explique le classement interdit aux moins de 16 ans.

Comme un été capricieux

Et puis, un autre film surgit comme par hasard. Cinq ans après le lumineux La vie d’Adèle,  Abdellatif Kechiche signe une œuvre complexe dû, justement, à sa construction. Un univers presque banal où ce qu’on se dit n’a d’ailleurs aucune importance. Bref, un film sur ce qu’on appelle si bien en anglais, nothingness – en français, je suppose le néant, le rien. Mais dans le langage cinématographique, le vide, donc l’espace, le lieu filmé.

Filmer le champ d’attraction, c’est de cela qu’il s’agit dans Mektoub, My Love : Canto Uno, comme un requiem à l’oisiveté, à l’obsession de redémarrer à vivre l’instant qui passe, les moments qui s’envolent en un tour de main.Suite

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