SUCCINCTEMENT Srebrenica, juillet 1995. Modeste professeure d’anglais, Aida vient d’être réquisitionnée comme interprète auprès des Casques Bleus, stationnés aux abords de la ville.
CRITIQUE.
★★★★
texte Élie Castiel
Bosnie-Herzégovine
… mon amour
En 2006, Sarajevo, mon amour(Grbavica), nous laissait une impression d’accomplissement dans la mise en scène de Jasmila Žbanić, cinéaste bosniaque que nous découvrions par la même occasion.
Retour quinze années plus tard à Srebrenica pour parler du conflit en Bosnie-Herzégovine, commencé en 1992, pour se terminer en 1995. Les Chrétiens, les Musulmans. Un conflit entre deux peuples, mais bien plus entre deux religions, entre deux croyances. Et une femme, une battante, qui tente d’épargner la vie de son mari et de ses deux fils. Égoïsme sans doute, surtout quand des jeunes enfants sont impliqués.
Drame de guerre, drame intime, condamnation des conflits armés, d’une certaine dictature militaire, mais en même temps, l’obéissance à des lois qui mettent l’humain littéralement en danger de mort, au nom des codes, des lois et des comportements de toutes armées du monde.
Une chose est certaine, Jasmila Žbanić demeure éperdument amoureuse de son pays. Et la religion n’a rien à avoir avec cette excitation de plénitude identitaire.
Les forces de l’ONU sont ici réprimandées, remises en question devant un conflit ignoré du monde, du moins par la majorité. Et qui a dit que les guerres n’existent plus depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
L’humain finit par se résoudre à la dictature du destin.
Conflits périphériques un peu partout à travers le monde. Qu’il s’agisse de l’Afrique, du Moyen-Orient ou encore du conflit bosniaque. La mise en scène de Žbanić favorise les moments forts, non pas par pur exhibitionnisme graphique, mais pour alerter, mettant en évidence une certaine façon de faire dans les cinémas des Balkans. Les mouvements de foules, magistralement maîtrisés donnent au film cette sensation d’invasion où l’humain doit se résoudre à la dictature du destin.
Et pourtant, une tentative, chez tous ces oubliés de la terre, de sauver sa peau, au nom de la survie, comme une victoire face à l’ennemi. Kusturica n’est pas loin, mais dans un esprit plus dramatique, la cinéaste demeurant constamment en proie à son sujet.
Un contraste entre la clarté du jour et les drames quotidiens nous rappellent jusqu’à quel point les conflits armées et les invasions barbares ne reculent devant rien pour assiéger. Comme cette scène où les « hommes » adultes, seulement les hommes sont rassemblés dans une sorte de hangar. Et puis… Image bouleversante, obscène, dérangeante, qui nous ne cesse de nous importuner, nous hanter, éveillant en nous les plus intimes sensations face à la mort, à la brutalité et à l’indifférence.
Et à la fin, une libération de l’esprit, une résilience face à l’ancien ennemi. Réapprendre à vivre en revenant à une vie antérieure : enseigner aux jeunes enfants. Bouleversant, d’une tristesse infinie. Le titre, en latin, interroge sans cesse cette héroïne qui ne se résout pas à la fatalité.
Une chose est certaine, Jasmila Žbanić demeure éperdument amoureuse de son pays. Et la religion n’a rien à avoir avec cette excitation de plénitude identitaire.
SUCCINCTEMENT En 1926, dans la ville de New York, Willy Wolters aspire à devenir chef d’orchestre.
CRITIQUE.
★★½
texte Luc Chaput
Portrait bancal
Une jeune femme, à la suite d’un conflit avec sa mère adoptive, décide de découvrir ses véritables origines.
La montée en nombre des cheffes d’orchestre s’est produite au moins depuis le début de ce nouveau siècle. Il apparaît donc normal que la recherche et la démonstration de pionnières ou de personnes occultées dans ce domaine comme dans d’autres, Marie Curie ou Artemisia Gentileschi pour ne citer qu’elles, passe par le biais de la biographie filmique romancée. Une productrice et réalisatrice néerlandaise s’est donc attelée ici à cette tâche avec plusieurs raccourcis scénaristiques qui grèvent l’ensemble. Wilhelmina Wolthuis devient donc Willy Wolters et son enfance californienne est escamotée au profit d’un long séjour de jeune femme à New York où elle a d’ailleurs eu comme professeur le pianiste et compositeur polonais Zygmunt Stojowski.
Cette relation de mentorat est remplacée ici par une rencontre probable avec Willem Mengelberg. Cela permet à la production d’effectuer une filiation artistique ténue entre Antonia et ce grand chef d’orchestre hollandais et de l’amener vers son départ pour l’Europe où elle retrouve ses racines et acquiert les moyens d’atteindre à une gloire certaine mais épisodique.
Antonia… donne à Christanne de Bruijn, l’interprète, d’autres lieux pour moduler son jeu d’ailleurs rehaussé de phrases bien senties.
À ce portrait incomplet sur une femme douée, frustrée de n’avoir plus souvent joué de son instrument, diriger un orchestre professionnel, on peut rajouter le visionnement du moyen métrage, Antonia: A Portrait of the Woman de Jill Godmillow et Judy Collins, la musicienne qui fut son élève au Colorado. Ce portrait visible dans les archives Internet, permet de la voir au travail au début des années 1970 et d’apprécier sa passion intacte.
La mise en scène assurée permet de naviguer dans une recréation partielle du New York des années autour de la Seconde Guerre mondiale où le passage entre les cabarets et les salles de concert étaient le lot de plusieurs musiciens et de mélomanes fortunés ou non. La romance entre un fils de bonne famille et Antonia apparaît plus comme une accroche et donne à Christanne de Bruijn, l’interprète d’Antonia, d’autres lieux pour moduler son jeu d’ailleurs rehaussé de phrases bien senties. Dans le rôle de Robin, le meilleur ami de la cheffe, Scott Turner Schofield (aussi participant dans No Ordinary Man) décline subtilement de nombreuses teintes chromatiques.
À ce portrait incomplet sur une femme douée, frustrée de n’avoir plus souvent joué de son instrument, diriger un orchestre professionnel, on peut rajouter le visionnement du moyen métrage, Antonia: A Portrait of the Woman de Jill Godmillow et Judy Collins, la musicienne qui fut son élève au Colorado. Ce portrait visible dans les archives Internet, permet de la voir au travail au début des années 1970 et d’apprécier sa passion intacte.
FICHE TECHNIQUE PARTIELLE Réalisation Maria Peters
Scénario : Maria Peters
Images : Rolf Dekens
Montage : Robin de Jong
Musique Quinten Schram Bob Zimmerman
La vraie Antonia Brico.
Genre(s) Drame biographique
Origine(s) Pays-Bas Belgique
Année : 2018 – Durée : 2 h 17 min
Langue(s) V.o. : anglais, néerlandais; s.-t.a. / s.-t.f. La chef d’orchestre De Dirigent Die Dirigentin