Passage

PRIMEUR
Sortie
Vendredi 19 mars 2021

SUCCINCTEMENT
Yoan et Gabrielle, 18 ans, se préparent à quitter la région du Témiscamingue où ils ont vécu leur enfance et leur adolescence. Ils devront choisir le chemin à prendre.

LE FILM
de la semaine.

★★★★

texte
Élie Castiel

Déjà, avec le court Là où je vis (2017), en filmant les mots, les gestes discrets et les paysages d’une contrée nordique des Premières Nations, Sarah Baril Gaudet revendiquait le monologue intérieur sur ce qu’on peut sentir dans un Québec, en quelque sorte, à plusieurs solitudes. Car cette histoire de langues, finalement, n’est-elle pas plurielle et non régie uniquement par les deux, en fin de compte, conquérantes?

Mais pour la jeune cinéaste de Ville-Marie, en plein Témiscamingue, les images en mouvement s’affirment comme une révélation, un blason qu’on porte pour affirmer ses origines, sa fierté, mais en même temps laissant derrière soi un doute, une hésitation à vouloir partir pour l’ailleurs, la civilisation tant vantée.

Attendre ou… partir

Et dans son court suivant, Avant l’automne, en 2019, elle laisser voir son nouveau discours, celui du passage d’un endroit à l’autre. Changer de lieu, changer de vie, comme renaître ou mieux encore recommencer à zéro. Pour mieux se connaître? Afin d’espérer quelque chose qui fasse que l’existence soit une étape importante dans la vie?

Avec Passage, mot unique d’un titre qui veut tout dire et en même temps laisse un point d’interrogation et s’acharne à établir le moment, la proposition est claire. C’est en même temps, le moment où les deux protagonistes du film, mine de rien, comme par un tour de l’instinct, se comportent admirablement bien comme des comédiens autour d’une fiction. Jamais documentaire n’aura été tourné comme une prise imaginaire sur le réel. Chez Baril Gaudet, c’est un choix, un discours intellectuel tout à fait intentionnel.

Une prise imaginaire sur le réel.

Passage est d’une grande tendresse, d’une mélancolie occultée et diaphane, les faux pas peuvent se compter, les écueils auxquels on s’attend dans un premier long métrage assumés. La cinéaste en est consciente.

D’où un dialogue qui pourrait paraître banal, alors que dans une atmosphère où tout semble aller bien, sans soucis, il n’y a plus rien que de vivre le moment. Particulièrement lorsqu’on est en période estivale. Aller se baigner, des rencontres à deux ou à plusieurs.

Ou des idées de partir que se partagent Yoann, le jeune homosexuel qui ne le crie pas dans les toits, mais assume totalement son orientation sexuelle, et Gabrielle, entière, libre, d’une maturité étonnante. Les deux vivent de petits boulots qu’on abandonnera, en attendant de partir. Ils sont au courant des nouvelles technologies, et les utilisent. Possibilités de communiquer avec tous les ailleurs.

La grande ville pour Yoann, c’est Québec. Pour Gabrielle, c’est sans doute Montréal. Qu’importe où le vent les mène, car derrière l’argumentaire du film, se cache l’esprit d’une jeunesse québécoise amorcé sans doute dans la génération issue dans le nouveau millénaire. Des jeunes qui se prennent en main, ou essaient du moins, tant et si bien que leurs parents ne leur indiquent pas nécessairement la route à suivre. Sarah Baril Gaudet parle de ce qu’elle connaît.

Son film n’est pas exempt de cette nouvelle tendance du siècle, cette inclination vers l’individualisme, sans mauvaises intentions, mais issu sans doute des codes apportés par la mondialisation. Réussir même si pour cela il faut partir. Sur ce point, le rituel de départ de Gabrielle est une séquence mémorable tournée comme une fiction dramatique. Sans trop de mots, tout en silence, prendre son amoureux entre les bras, le visage des parents, leur tristesse intérieure, quelques larmes qu’on devine. Tous ces ingrédients ne sont que la lutte que se livrent l’ancien monde et le nouveau. Celui qu’on ne veut pas changer, par peur, par habitude, et celui où on se dirige, quitte à affronter les dangers, les tourments et, en fin de compte, jouir des opportunités qu’il procure.

Passage est d’une grande tendresse, d’une mélancolie occultée et diaphane, les faux pas peuvent se compter, les écueils auxquels on s’attend dans un premier long métrage assumés. La cinéaste en est consciente.

Et dans cette perspective, ce questionnement de soi en tant que cinéaste est, plus que tout, une façon d’aborder les images en mouvement avec tous leurs codes, leurs signes, obstacles, leurs fers de lance qui restent à découvrir et ne sont que les outils nécessaires à une carrière fort prometteuse

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Sarah Baril Gaudet

Scénario : Sarah Baril Gaudet

Images : Sarah Baril Gaudet

Montage : Justine Gauthier

Musique
Viviane Audet
Robin-Joël Cool
Alexis Martin

Sarah Baril Gaudet en tournage.

Genre(s) : Documentaire

Origine(s) : Canada [Québec]

Année : 2020 – Durée : 1 h 21 min

Langue(s)
V.o. : français ; s.-t.a.

Passage

Dist. @
Les Films du 3 mars

Classement
Tous publics

En salle(s) @
Cinéma du Musée
Cinémathèque québécoise

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

ÉTOILES

Terrible Jungle

PRIMEUR
Sortie
Vendredi 19 mars 2021

SUCCINCTEMENT
Pour échapper à l’emprise de sa mère, Eliott, jeune chercheur naïf, part étudier les Otopis, un peuple mystérieux d’Amazonie.

SANS
COMMENTAIRES.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Hugo Benamozig
David Caviglioli

Scénario
Hugo Benamozig
David Caviglioli

Images : Yann Maritaud

Montage : Audrey Simonaud

Musique : Ulysse Klotz

Genre(s)
Avemtures
Comédie

Origine(s) : France

Année : 2020 – Durée : 1 h 31 min

Langue(s)
V.o. : français, chinois, portugais; s.-t.f.

Terrible Jungle

Dist. @
Maison 4tiers

Classement
En attente

En salle(s) @
Cineplex

 

The Father

PRIMEUR
Sortie
Vendredi 19 mars 2021

SUCCINCTEMENT
La trajectoire intérieure d’Anthony, un homme de 81 ans, dont la réalité se brise peu à peu sous nos yeux.

CRITIQUE.

★★★ ½

texte
Élie Castiel

Pour le jeu

habité des comédiens

L’écrivain et dramaturge Français Florian Zeller signe ici un premier long métrage qui lui a valu tous les honneurs pour finalement recevoir six nominations aux Oscars, dont celle du Meilleur film. Quel que soit le résultat, c’est bel et bien d’une consécration qu’il s’agit.

Bénéficiant de la présence d’une pléiade d’acteurs et d’actrices formidables, le cinéaste dans la jeune quarantaine relève le défi de jongler avec un genre parfois casse-gueule, le drame. Et lorsque confronté à une situation de vie délicate, comme la maladie d’Alzheimer, la mise en scène peut être sujette à maints obstacles, comme l’utilisation de clichés, la présence de séquences larmoyantes, une exagération dans le jeu des acteurs. Zeller évite ces impasses.

Tout est contrôlé dans The Father, adaptation de sa propre pièce de théâtre. Le traitement clinique n’empêche pas que l’atmosphère lourde de l’ensemble procure néanmoins une certaine chaleur due fort probablement à la direction photo de Ben Smithard – du très élégant Downton Abbey (2019), de Michael Engler – subtile, non aliénante, soucieuse des différents lieux de tournage, notamment dans les intérieurs, car il s’agit dans la vie d’un homme qui, jadis, a vécu une vie professionnelle et intime satisfaisantes et qui se retrouve, aujourd’hui, dans les silences d’un huis clos.

Savoir distinguer le vrai du faux.

Et pourtant, The Father est un film de paroles, surtout émanant du personnage de cet homme, Anthony, qui ne se retrouve plus. L’intrigant dans ce récit, c’est de pousser le spectateur à distinguer le vrai du faux, la vérité du mensonge, les facultés qui déclinent et les moments de clarté, les personnages interchangés. Ou est-ce vraiment le cas? Dans son travail d’édition, le Grec Yorgos Lamprinos – du très subtile film LGBT Xenia (2014), de Panos H. Koutras – se distingue par cette tendance à manipuler les espaces et les situations dans toute leur dissociation.

Il y a aussi les autres, ceux et celles entourant Anthony, sa fille Anne (merveilleuse Olivia Coleman), le reste de la famille et le personnel hospitalier. Un va-et-vient constant entre fantasme et réalité dans ce film tout à fait singulier, à comparer à d’autres productions traitant du même sujet.

Et puis, Anthony Hopkins, jeune octogénaire, qui n’a pas perdu un pouce de son panache, de sa verve, de sa détermination face à son métier d’acteur; et plus que tout à un rapport avec la caméra qui ne se dément pas. Un des comédiens des plus puissants de sa génération. Ici, on ajoutera, il s’ajuste avec un sens déontologique aux origines théâtrales de la production.

Mais également, peut-être bien que tous ses nombreux talents le pousse à une surenchère de gestes, de mouvements et d’expressions, parfois, pour certains, agaçants. Mais n’empêche qu’il serait imprudent de lui trouver des défauts.

Et puis, Anthony Hopkins, jeune octogénaire, qui n’a pas perdu un pouce de son panache, de sa verve, de sa détermination face à son métier d’acteur; et plus que tout à un rapport avec la caméra qui ne se dément pas. Un des comédiens des plus puissants de sa génération. Ici, on ajoutera, il s’ajuste avec un sens déontologique aux origines théâtrales de la production.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Florian Zeller

Scénario
Christopher Hampton
Florian Zeller, d’après sa propre pièce

Images : Ben Smithard

Montage : Yorgos Lamprinos

Musique
Ludovico Einaudi

Maria Callas
Casta Diva (de l’opéra « Norma »)
Carole-Anne Roussel
Comme autrefois (de l’opéra « Les pêcheurs de perles »)

Un moment de pause pendant le tournage.

Genre(s) : Drame

Origine(s)
Grande-Bretagne
France

Année : 2020 – Durée : 1 h 37 min

Langue(s)
V.o. : anglais

The Father
[ Le père ]

Dist. @
Entract Films

Classement
Tous publics

En salle(s) @
Cinéma du Parc
Cineplex

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

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