Mont Foster

PRIMEUR @ 11
Sortie
Ven 13 mars 2020

SUCCINCTEMENT
Illustratrice de livres de poésie, Chloé Lespérance se réfugie avec son mari dans un chalet isolé situé en montagne. Dès son arrivée, alors sous médication pour lutter contre un état dépressif dû à un traumatisme passé, elle adopte des comportements erratiques et inquiétants.

CRITIQUE

texte
Élie Castiel

★★★★ 

L’écriture du scénario de Coda (2019), le film du Québécois Claude Lalonde, permet à Louis Godbout de réaliser son premier long métrage, une idée qui sans doute germait dans sa tête; du moins c’est ce qui nous apparaît comme une évidence à en voir le résultat. Un constat, les affiches des deux films ont quelque chose en commun, même si subrepticement; dans le cas de Mont Foster, d’imposantes fenêtres peintes de grands X empêchent que les oiseaux aillent s’y frapper pour mourir, évoquant le film de Lalonde montrant le clavier d’un piano, confirmant ainsi la verticalité partagée. Autre similarité, les deux films aborde le thème de la crise d’inspiration d’un artiste : Coda, celle d’un pianiste en fin de carrière et le second, la crise identitaire d’une illustratrice de livres de poésie par suite d’un événement tragique.

Terrains glissants

Directement, sans vraiment forcer dans la symbolique ou la métaphore, Godbout a recours au Roi des aulnes, traduction du célèbre poème Erlkönig de Goethe – le cinéaste allemand Volker Schlöndorff avait mis en scène une brillante, mais hermétique adaptation sous le titre anglais The Ogre / Der Unhold (d’après le livre de Michel Tournier, une libre relecture du Roi des aulnes, balade de Goethe qui commence ainsi : « Qui chevauche si tard dans la nuit et le vent? C’est le père avec son enfant. Il serre le jeune garçon dans ses bras. Il le tient au chaud, il le protège… ». Comme si un sublime hasard conspiratif alimentait les deux films.

Les huis clos ou peut-être mieux l’enfermement dans cette maison de campagne (ou plutôt de forêt tentaculaire malgré la magnificence du paysage) ne fait qu’augmenter la cadence du drame que nous vous invitons à découvrir.

Une histoire d’amour imparfait où on n’est plus certain de qui fait du mal à qui; et puis un indice sans équivoque pointant du doigt le personnage en question. Ou l’est-ce vraiment?

 

Mais pour ce couple en rupture, le voyage insolite hors de grande ville n’est-il pas après tout une sorte de thérapie hallucinée et pour le cinéaste, la continuation d’un scénario qui ne cesse de se reconstruire, toujours en gestation. Sauf, bien sûr, lors du dernier plan du film, magnifique.

Si Lars, le légendaire von Treer a inspiré Godbout,  c’est dans l’incarnation charnelle et organique de ces sensations que sont le doute, la suspicion, la jalousie et plus particulièrement le processus créatif, source de douleurs, de souffrance et de plaisir inavoué issu de l’imaginaire. Les nombreuses citations au poème de Goethe sont aussi des signes qui se juxtaposent inexorablement aux comportements des personnages – la tête de l’enfant dans le livre illustré, évoquant la tragédie passée.

Patrick Hivon et Laurence Leboeuf excellent dans ce puzzle pervers oscillant entre la réalité, la séduction, l’attrait et le rejet. Un film freudien farouchement cinématographique qui, pour quelques instants, fait penser à du Alain Jessua (pour les néophytes, chercher dans IMDb ou Google), plus particulièrement celui de Jeu de massacre (1967). Un début plus que prometteur.

Louis Godbout gravite entre le film d’horreur et le drame psychologique poussé à l’extrême. Ce qui est évident, ce que Mont Foster contribue largement à cautionner non seulement un nouveau genre positivement hybride dans le cinéma québécois, mais plus que tout offre aux comédiens de nouvelles façons d’exprimer leur jeu.

Étrange, beau, poétiquement glauque, Mont Foster est une vraie réussite, actuel, intemporel, jouant sur la notion filmique d’espace-temps en laissant les personnages s’enfoncer dans les sables mouvants de la conscience.

Patrick Hivon et Laurence Leboeuf excellent dans ce puzzle pervers oscillant entre la réalité, la séduction, l’attrait et le rejet. Un film freudien farouchement cinématographique qui, pour quelques instants, fait penser à du Alain Jessua (pour les néophytes, chercher dans IMDb ou Google), plus particulièrement celui de Jeu de massacre (1967). Un début plus que prometteur.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Louis Godbout

Genre(s)
Suspense psychologique

Origine(s)
Canada [ Québec ]

Année : 2019 – Durée : 1 h 38 min
Langue(s)
V.o. : français

Mont Foster

Dist. @
K-Films Amérique

Classement
Interdit aux moins de 13 ans

En salle(s) @
Cinéma Beaubien
Cineplex

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

My Spy

PRIMEUR @ 11
Sortie
Ven 13 mars 2020

SUCCINCTEMENT
Après avoir mis en péril une importante mission, JJ, un agent de la CIA, apprend qu’il est rétrogradé. Il est aussitôt envoyé à Chicago avec une collègue spécialiste en informatique afin d’établir un poste de filature dans un modeste immeuble à logements multiples. Mais il ne sait pas que par un concours de circonstances, il devra compter sur l’aide d’une gamine, plutôt futée.

SANS
COMMENTAIRES

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Peter Segal

Genre(s)
Comédie policière

Origine(s)
États-Unis

Année : 2019 – Durée : 1 h 39 min
Langue(s)
V.o. : anglais & Version française

Mon espion

Dist. @
Entract Films

Classement
Tous publics

En salle(s) @
Cineplex

Rojo

PRIMEUR @ 11
Sortie
Ven 13 mars 2020

SUCCINCTEMENT
Argentine, 1975. Claudio, avocat réputé et notable, accepte de fermer les yeux sur les pratiques du régime en place. Lors d’un dîner, il est violemment pris à parti par un inconnu et l’altercation vire au drame.

COUP DE CŒUR
de la semaine

texte
Élie Castiel

★★★★

Sans directement la raconter, en quelque sorte, en retraite comme si le fait divers évoqué contenait en lui une période grise de l’Histoire d’un pays; en filigrane, dans la pensée de ceux et celles qui l’ont vécue ou ont, du moins, suivi les évènements en s’y intéressant aux nouvelles locales et aux tristes faits quotidiens.

Ces enfants de la « Guerra sucia » (guerre sale), en fait des Hommes et des Femmes contestataires, arrêtés et séquestrés par la dictature argentine mise en place entre 1976 et 1983, et royalement soutenue par les États-Unis. Comme dans le Chili de Pinochet, qui ouvre les portes de la dictature le 11 septembre 1973. Le mot d’ordre : « fermer sa gueule et laisser faire le gouvernement ». Ainsi, on pourra vivre en paix.

Une histoire d’Argentine

C’est dans cette atmosphère de fausse quiétude dans un restaurant de Mar del Plata que commence cette brillante thèse sur le pouvoir et la résignation. L’altercation entre deux hommes devient la métaphore de deux visions politiques : le premier, avocat, suivant les règles du gouvernement à venir, et le second, qui nous semble violent, critiquant avec véhémence le pouvoir en place en la personne de l’avocat. À partir de cet incident, mis en scène avec un doigté exemplaire dans sa continuité, le dialogue encouru et les conséquences néfastes (qu’on évitera de vous raconter).

Un suspense s’ensuit donc, rappelant le côté cinéphile de Naishtat, amoureux semble-t-il du polar, d’un certain film noir à la Melville, mâtiné de Gavras par la simplicité du récit et son recours à l’intime. Et comment ne pas souligner ces rencontres dans le bureau du procureur où les accommodements les plus déraisonnables ont droit de cité. Comme quoi, l’amitié, en période de crise, peut parfois devenir une arme à double tranchant.

La dissidence n’appartient qu’à un petit groupe, tous et toutes issu(es) de toutes les classes sociales, l’ouvrier autant que l’intellectuel, des enfants bercés par des familles communistes ou aux fortes croyances socialistes d’une certaine époque. Ces idées politiques ne sont pas présentes concrètement dans le film, mais elle s’expriment en filigrane, par des gestes, dans des situations.

Avec une incroyable économie de moyens, le jeune cinéaste s’approprie du médium cinéma, de son importance démocratique, pour mettre en scène un essai politique (ou, comme dans a plupart des cinématographies engagées latino-américaines, puisent également sur les vies intimes) d’une portée sociale extraordinaire.

La simplicité du propos, sa rigueur dans le contenu, la vision politique du réalisateur, son recours à l’Histoire, sont autant d’atout confirmant la présence du cinéma d’une époque. Ce retour à 1975, orchestré en 2018, est un pas en avant alors que les sociétés ont changé lâchement la notion de démocratie en des préaux de l’individualisme, car souvent cachés.

Avec une incroyable économie de moyens, le jeune cinéaste s’approprie du médium cinéma, de son importance démocratique, pour mettre en scène un essai politique… d’une portée sociale extraordinaire.

Rojo (Red, dans la langue de Shakespeare, Rouge dans celle de Molière) comporte autant de significations idéologiques que de métaphores thématique. Essayer, pour le spectateur, d’en trouver le sens selon sa propre perception de la vie et de la politique est déjà un acte de résistance et de complicité, qu’importe de quel côté on se place.

Benjamin Naishtat a brillamment accompli un film grand public à la fois intellectuel, utilisant les codes du suspense politique et plus que tout, poussant le spectateur-témoin, quelle que soit sa classe sociale, à réfléchir sur la question.

Construit selon les techniques éthiques  et de style des années 1970, notamment dans les films latino-américains, Rojo est aussi un vibrant hommage à un cinéma qui fut. Deux comédiens se surpassent dans cette œuvre engagée, Darío Grandinetti (entre autres, dans Julieta, 2016, de Pedro Almodóvar) et le Chilien, surprenant Alfredo Castro, remarqué il y a peu de temps dans Museo, du Mexicain Alonso Ruizpalacios. Indiscutablement essentiel.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Benjamin Naishtat

Genre(s)
Drame social

Origine(s)
Argentine / Belgique

Brésil / Allemagne
France / Pays-Bas

Année : 2018 – Durée : 1 h 49 min
Langue(s)
V.o. : espagnol; s.-t.a.

[ Red ]

Dist. @
Acéphale

Classement
ND
[ En attente ]

En salle(s) @
Cinéma Moderne
(Affiche des horaires irréguliers)
Cinémathèque québécoise

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

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