SUCCINCTEMENT Quitté par son amoureux, le cinéaste déménage à Chicago et utilise des applications de rencontre pour inviter de nouveaux amants dans un projet de film que sa mère rejette.
CRITIQUE. [ Sphères LGBT ]
texte Élie Castiel
★★★ ½
Isidore Bethel joue ici son propre rôle. Objectivement, ce n’est pas tout à fait vrai. Il se donne un rôle qu’il nomme, comme lui, Isidore Bethel, comme dans la vraie vie. Cette mise en abyme peut être vue comme un exercice narcissique, que sa mère, qu’on ne verra jamais, seulement par voix téléphonique, critique sans cesse. Une mère, soyons francs, ouverte d’esprit et tolérante même si au fond, elle trouve de parois le moyen de critiquer le style de vie d’Isidore.Suite
Je suis allé voir le film The French Dispatch – titre curieusement traduit au Québec en French Dispatch du Liberty, Kansas Evening Sun, dont personne ne se souviendra – dans sa version doublée en France. Les merveilleuses voix françaises donnent une plus-value artistique au film original de Wes Anderson.
Certes, les personnages anglo-saxons se mettent tous à parler français, mais ceux qui auraient dû normalement parler cette langue dans la version originale (Timothée Chalamet et Léa Seydoux, notamment) et non l’anglais – l’action se situant quand même en France –, se retrouvent en revanche dans la version doublée à parler leur langue maternelle. Incongruités pour incongruités, je préfère celles générées par la version doublée, car, libérés que nous sommes de l’obligation de lire les sous-titres (qui doivent être interminables, vue l’ampleur du texte parlé), elle nous permet d’apprécier pleinement le jeu multiple des comédiens, la beauté des images – tantôt en couleurs, tantôt en noir et blanc –, des décors et des costumes, sans oublier la virtuosité du montage. Ce qui aurait été désastreux, par contre, c’est que le doublage se fasse au Québec.Suite
SUCCINCTEMENT. À Bucarest, de nos jours, Cristi doit composer avec son travail dans une gendarmerie et sa vie privée, marquée entre autres, par son orientation sexuelle.
CRITIQUE. [ Sphère LGBT ]
★★★★
texte Élie Castiel
Un premier long métrage violemment puissant, d’une liberté de ton inaccoutumée, sensorielle, posant un regard sans concessions sur la réalité homophobe d’une Roumanie prisonnière de son conservatisme hérité des pays de l’Europe de l’Est et des Balkans. Un machisme patriarcal, mais en même temps totalement assimilé par les femmes, un comportement qu’elles défendent.
Comme l’illustre impétueusement ce long plan-séquence majestueux dans une salle de cinéma de la capitale où on tente de projeter un film à thématique LGBT. Un groupe de citoyens d’extrême droite arrête le début de la projection, brandissant des étendards patriotiques et des icônes religieuses, provoquant une certaine violence avec l’assistance. Craintifs, la plupart des spectateurs ont simplement quitté.
Cristi est parmi les forces de l’ordre. La caméra le capte avec une distanciation des plus discrètes, tout en se permettant un 360º subliminal qui se faufile à travers les rangées et se glisse sans qu’on se rende compte dans le hall d’entrée du cinéma ou les prises de bec ont lieu entre parties opposées et la gendarmerie. Le film est au service du plan-séquence, choix esthétique qui se plie amoureusement au récit, d’une simplicité sociale et politique époustouflante. Le discours se juxtapose ainsi avec une précision bouleversante à la narration, ici, comme si la fiction se transformait en reportage documentaire. Jebeleanu, ouvertement gai, sait exactement ce qu’il veut montrer. Sa parole est d’une émotion palpable. Elle ressemble à un cri que viennent accentuer les paroles incertaines de quelques spectateurs, surtout spectatrices, qui se trouvaient dans la salle et capté(es) par la caméra. Aucun champ/contrechamp, mais une chorégraphie plan-séquentielle qui doit sa maturité autant au cinéaste qu’au directeur photo.