A Hero

P R I M E U R
[ Numérique]
Sortie
Vendredi 21 janvier 2022

SUCCINCTEMENT.
En prison à cause d’une dette qu’il n’a pas pu rembourser, Rahim reçoit une permission de deux jours pour tenter de convaincre son créancier de retirer sa plainte contre le versement d’une partie de la somme. Néanmoins, les choses ne se passent pas comme prévu.

CRITIQUE.

★★★★ ½

texte
Élie Castiel

Des caractéristiques intrinsèques qui font l’originalité du cinéma iranien des quelques dernières décennies : le refus du silence, la prise en charge de la parole, une révolte qui grogne et s’exprime par les relations autant familiales que sociales. Et ces récentes années, l’implication de la femme pour parvenir à remédier les problèmes existentiels, souvent graves, en dépit d’un patriarcat étatique. En somme, le verbe émanant de la collectivité, du groupe, comme si le {dés)ordre social provoqué par les différents régimes prenait en charge les affaires de la justice.

Effectivement, geste politique, conscient ou inconscient pour cacher, malgré les apparences, les multiples dérives d’un pouvoir étatique pérenne géré par les fondements parfois iniques de la religion.

Rahim, c’est la droiture, la morale, l’éthique, le bon sens. Il n’a pas pu payer sa dette, il est derrière les barreaux. Sa permission de sortie temporaire lui permet de s’entendre, en vain, avec son créancier. A Hero devient le laboratoire quasi scientifique d’une société prise dans ses propres obsessions de liberté, sa vision de la morale;  on pourrait même dire de ce désir inavoué vers l’occidentalisation, malgré les nombreuses dérives morales que celle-ci occasionne.

Le portable, comme faisant partie de sa physionomie, les réseaux sociaux, la parole qui déclenche la justice du peuple comme s’il s’agissait d’une révolution sociétale face à l’individu. Un modèle que Asghar Farhadi décortique à partir d’un scénario intentionnellement ambigu, déjouant les pistes comme s’il fallait provoquer le spectateur, l’obliger à prendre position, lui permettre de jeter son regard participatif.

La morale du plan s’impose, mais pas cette éthique de style créée par un cinéma occidental souvent prisonnier ses obsessions formelles; au contraire, une probité dans le contenu de l’image, dans son concept de base. Comme si le plan devenait personnage à part entière et non seulement critère esthétique.

La permission

Le constant regard de la rigueur morale.

Téhéran, ville-piège, est remplacée ici par Shiraz, tout aussi tentaculaire à voir les péripéties de Rahim, héros malgré lui d’une histoire de dette. Qui a tort? Qui a raison? La raison du plus fort peut-elle toujours s’en sortir? Farhadi questionne les fondements mêmes de « l’éthologie » autant médiatique que du droit.

Il y a aussi un acteur, Amir Jadidi, donnant du fil à retordre à la caméra de d’Ali Ghazi et d’Arash Ramezani. Il prend en charge son personnage dans ses moindres circonvolutions, ses aspérités, ses changements de ton, de perspective. Jadidi est charismatique, devant l’objectif, comme une seconde nature, dévoilant ses facettes les plus inattendues.

Personnage aussi intrigant que l’intrigue, parsemée d’embûches . Ce qui paraît solutionné ne l’est pas. Le contraire aussi. Et une finale inversée dont la morale laisse entrevoir une rédemption sociale non seulement souhaitée, mais plus que tout, jetant son dévolu sur les fondements du mal et de la vertu, de l’endoctrinement et de la droiture. Encore une fois, « la morale du plan » délaisse ses représentations parfois freudiennes pour s’intégrer dans l’âme du commun des mortels.

La femme iranienne. Un rôle social essentiel.

Asghar Farhadi fait un retour aux sources fracassant en prenant soin de ramasser les morceaux.

Un héros, Rahim. Fait roi ou son contraire par les réseaux sociaux. Le mythe s’invente en quelques secondes; par milliers de likes. La justice est celle du peuple qui ne croit plus en ses dirigeants. La « loi du Nombre » et non celle de la « justice établie ».

Pour le créancier, ce n’est pas une question de retirer sa plainte contre le versement d’une partie du prêt; là n’est pas la question; il s’agit en fait d’une confrontation entre deux façons de voir le monde, un rapport matériel avec ses propres convictions.

Un détenu sort de prison et va rejoindre sa mère qui l’attend dehors, finalement réconcilié avec la vie. Celle-ci lui remet un plateau de sucreries qu’il ira remettre aux préposés à l’entrée. Le prisonnier n’est pas Rahim. L’émotion n’a jamais été aussi pure.

Avec A Hero, Asghar Farhadi fait un retour aux sources fracassant en prenant soin de ramasser les morceaux.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Asghar Farhadi

Scénario
Asghar Farhadi

Direction photo
Ali Ghazi
Arash Ramezani

Montage
Hayedeh Safiyari

Asghar Farhadi. L’œil de lynx.

Genre(s)
Drame

Origine(s)
Iran
France

Année :  2021 – Durée : 2 h 08 min

Langue(s)
V.o. : persan ; s.-t.a.
Ghahreman
Un héros

Dist. (Contact) @
[ Amazon Studios ]

Classement (suggéré)
Interdit aux moins de 13 ans

Diffusion @
Amazon Prime

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]