Laurent Cantet,
le sens du collectif

RECENSION.
[ Cinéma ]

★★★★

texte
Élie Castiel

Le discours

de « sa » méthode

Il n’appartient qu’à lui, c’est son propre procédé de travail. Laurant Cantet ou le cinéma des apparences et de tout ce que ces simulacres cachent comme accents de vérité. Comme le souligne intelligemment Marilou Duponchel dans son essai d’introduction à Laurent Cantet, le sens du collectif, « Dans Arthur Rambo, qui fait écho à l’affaire Mehdi Meklat, le jeune Karim D. … est à l’image d’une France qui se rêve en nation réconciliée, égalitaire, affectionnant les histoires d’ascension social, les itinéraires miraculeux de fils d’immigrés, banlieusards devenus fiertés de la nation, ou comme ici petit génie de la littérature. » (p. 13) Et pourtant, un portrait qui se brise en mille morceaux à la suite de messages sur Twitter qui puent la misogynie, l’antisémitisme et l’homophobie. Et, j’ajouterais, qu’actualité oblige (présidentielles en France), le discours ne demeure que plus fascinant.

   Belle leçon de réflexion qui pousse le spectateur le moindrement émotif à se questionner non seulement sur les libertés (extrêmes) acquises dans l’utilisation des réseaux sociaux, mais bien plus, à remettre en cause le politique et le social. L’essai de Duponchel magnifie avec brio l’ossature narrative complexe de Cantet.

Laurent Cantet valide un cinéma qui ne ressemble à aucun autre. L’insigne « auteur » confirme toute son exubérante et complexe modernité.

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Vidéocaméléon

 RECENSION.
[ Vidéo ]

★★★

texte
Pierre Pageau

Pour décrire la situation de la vidéo d’art au Québec, Jean Gagnon pose un regard à la fois historique et stylistique. Le sous-titre, « Chroniques de l’art vidéo au Québec, de Vidéo Véhicule à Prim Vidéo, 1972-1992 » énonce bien l’aspect historique. Et, comme ce titre l’indique, ce regard rétrospectif se concentre sur deux événements majeurs dans l’histoire de la vidéo d’art au Québec : le premier étant l’incorporation de Véhicule Art, le 24 août 1972. En deuxième temps, celui de la création de PRIM, qui s’installe sur la rue Ontario en janvier 1982 (avec Jean Tourangeau comme premier Directeur général). PRIM, comme son premier concurrent, le Vidéographe, veut aussi bien produire que diffuser; ainsi, en 1983-1984, PRIM propose 68 titres partagés entre 52 artistes. Mais, dès le début de l’ouvrage, Jean Gagnon sait bien reconnaitre le rôle séminal, dès 1971, et un peu mythique, du Vidéographe (situé rue St-Denis, avec Robert Forget comme premier grand timonier). Cependant, le vécu et les connaissances de Gagnon l’amènent à mieux éclairer l’importance de Véhicule Art, puis de PRIM (toujours en existence).

Pour une histoire de

la vidéo d’art au Québec

  Il va de soi que l’auteur ne peut pas prétendre parler de tout ce qui s’est fait en vidéo au Québec.  Mais il a une expérience concrète du phénomène, en particulier durant les années 80-90.  Dans les faits, Jean Gagnon est certainement l’auteur le plus qualifié pour rédiger cette partie de l’histoire de l’« art vidéographique » (comme il le dit lui-même) au Québec. Ainsi, il a été directeur des collections de la Cinémathèque québécoise. Puis, on le retrouve au Conseil des Arts du Canada, et au Musée des Beaux-Arts du Canada où il est le Conservateur des arts médiatiques; à ce titre, il va programmer de la vidéo d’art (avec très souvent des programmes papier), le tout entre 1988 et 1998. Jean Gagnon poursuit son travail en étant, actuellement, le Président du conseil d’administration de la revue Ciel variable tout en travaillant au Centre d’accès et de distribution d’art vidéo V/Tape.    Cette connaissance du terrain va donc lui permettre de nous donner une grande quantité d’informations sur l’histoire générale de cette discipline artistique.Suite

Les ponts de Prague

RECENSION.
[ Littérature ]

★★★★

texte
Élie Castiel

La première personne du singulier, un « je » assumé, identifie la narratrice de ces nouvelles éprises des pas supposément empruntés à Prague par l’incontournable Franz Kafka, auteur incontournable de la littérature mondiale et du drame existentiel.

  Ces chemins de traverse, parfois ensoleillés ou, selon le cas, mâtinés de tonalités moroses s’appuient principalement sur l’approche des corps, ou mieux dit, sur son absence, sa tentative de pouvoir y accéder, non seulement (ou peut-être pas!) de façon charnelle, mais encore plus, viscéralement, tête et âme, sans qu’on se rende compte. Par instinct naturel.

« Et moi, je traverse un pont… Encore. » (p. 133) L’auteure ne peut échapper à sa condition. Autre, femme avant tout, créatrice, amoureuse des mots.

  Il y a, dans Les ponts de Prague, titre hautement significatif, ces passages vers l’ailleurs, vers l’autre, vers soi-même, quelque chose d’élégiaque… « On entre dans cette librairie de Prague un peu comme en entre dans une église. On progresse à l’intérieur d’un souterrain rempli de livres qui sont laissés à l’abandon. » (p. 13) Double métaphore. D’une part, l’univers kafkaïen se dresse admirablement à travers ces contours sinueux et poussiéreux, propres à ses écrits; de l’autre, la narratrice (l’auteure?) assume sa condition de femme et surtout de créatrice littéraire, entourée d’idées, de réflexions, de possibilités de s’exprimer par l’écriture. Rien d’autre.Suite

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