Le réalisme magique du cinéma chinois

RECENSION.
[ Essai-Cinéma ]

★★★ ½

texte
Élie Castiel

Sinologue non seulement par choix, mais à en juger par le livre de Hendy Bicaise, critique de cinéma et cofondateur du site Accreds.fr et coauteur du livre Contes de l’au-delà, le cinéma de M. Night Shyamalan (Vendémiaire, 2015), un intérêt particulier pour le cinéma de ce pays, longtemps voué aux interventions occidentales le plus souvent modestes, puis suivies d’un soudain éclat dans le milieu festivalier, pour finalement devenir un cinéma cinéphile au sens large du terme.

Films d’auteurs, films de genre, fictions autant que documentaires; à travers cette panoplie d’identités cinématographiques, le regard étranger cherche à comprendre l’isolement physique et culturel d’une nation qui offre le plus souvent une cinématographie axée sur une réflexion profonde autour de la condition humaine.

Je dois avouer ne pas être un inconditionnel du cinéma chinois. N’ayant pas trouvé preneur pour la recension du Réalisme magique du cinéma chinois, je me suis imposé le défi de le lire, bien sûr, et d’en tirer mes conclusions. Je suis surpris!

D’une part, de la part de Bicaise, un enthousiasme délirant, une perspective d’écriture touchant diverses facettes de l’aventure cinématographique de cet endroit du monde. Comprendre les aspects d’une civilisation pas si « autre » que la nôtre. Savoir conjuguer les différentes voies émanant d’un groupe de cinéastes engagés, politiquement, socialement, par la voie de la métaphore, conscients de la censure étatique, visant même à inventer des concepts narratifs et visuels pour contrecarrer les obstacles, aussi nombreux que paradoxalement édifiants.

Ceux qui non pas vu les films dont il est question ne pourront pas être complices de tous ces nombreux détails exprimés sur chacun d’eux, l’analyse étoffée de certaines séquences. On constate surtout l’engouement de l’auteur à percer le ou les mystère(s) de cette cinématographie nationale qui l’ont animé et ont servi de base à son travail. Parmi les dix films constituant la charpente de l’ouvrage, le magnifique Still Life (2005) de Jia Zhang-ke (San xia hao ren, et que les Français auraient pu intituler Nature morte), et aussi, sans nommer tous les films dont il est question, le magnifique Un grand voyage vers la nuit (2019) de Bi Gan (Diqiu zuihou de yewan; cette fois-ci un effort a été fait par les représentants de l’Hexagone pour lui donner un titre français).

Bicaise ausculte chacune de ces propositions en plus de huit autres pour en déduire les aspects les plus édifiants, notamment ceux entourant la culture chinoise, l’art de la représentation et surtout, restant fidèle au titre de l’ouvrage, décelant cet univers magique où l’image n’est plus une simple illustration d’un quelconque récit, mais transcende le réalisme jusqu’à lui octroyer quelque chose qui a à voir avec ce qu’il appelle le rapport « entre l’ombre et la lumière ». Bicaise avoue néanmoins que certains des cinéastes chinois dont il est question se sont inspirés de maîtres du cinéma occidentaux, voyant en eux des instigateurs de cet art unique de la représentation.

Intéressant ce chapitre 5 sur « La part animale » dans le cinéma chinois; une culture ancestrale, proche de la nature, ne faisant qu’une entité entre les individus et les animaux, des créatures terrestres.

On peut conclure en citant Bicaise « Manifestement, même quand un récit refuse de laisser le fantastique infuser, comme c’est ici le cas avec ce polar contemplatif de Cai Shangiun [ People Mountain People Sea / Ren shan ren hai, 2011), l’incroyable parvient encore à s’immiscer. Le réalisme magique trouve toujours son chemin. (p. 117) » La thèse de Henry Bicaise ne s’en trouve que plus essentielle, tournant autour de cinéastes engagés dans leur parcours, tels de vrais combattants, des acteurs culturels et politiques.

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]