La mortalité des fleurs

ÉVÉNEMENT.
[ Captures d’audace  ]

★★★★

texte
Élie Castiel

Tangomanies

Dernière proposition de l’année pour les incontournable « Captures d’audace », dont on retiendra la particule « audace », déconstruisant les formes rigides du classicisme pour en créer quelque chose de libre, d’inexprimé auparavant en matière de mise en scène et d’imagination.

La musique et le contexte. Les juxtaposer en des univers créés de toutes pièces pour mettre en valeur ce qui tourne autour ou devant les musiciens. Pour la musique, le maître-d’œuvre, un Charles Papasoff atteint de diverses disciplines musicales, comme le Jazz, déjà couvert dans d’autres captations; et dans la présentation dont il est question, le tango. Choix difficile, risqué, aux multiples trappes puisqu’il s’agit autant d’une musique que d’une danse (également composé, selon les circonstances, de chansons).

Pour ma part, adepte de la forme pure de toutes les disciplines artistiques, souvent mal à l’aise devant les déconstructions, je dois m’avouer vaincu devant le résultat de cette Mortalité des fleurs qui pourrait bien s’intituler « La métamorphose des fleurs » puisque ces organes dits de plantes supérieures résistent à la finitude, ressuscitent quand il le faut et selon les gestes posés et la musique entamée, prennent d’autres formes.

Sept morceaux choisis, tous selon le regard de cette création du pays de la Pampa. Une Argentine où les arrivées migrantes du début du XXe siècles apportent avec elles toutes les angoisses et les espoirs du monde, inventant une musique, une danses, des mélopées, selon l’état d’esprit des créateurs.

Le groupe musical Rewild reproduit avec une volonté de fer pour situer ce genre particulier au goût du jour, tout en respectant les racines les plus profondes. Astor Piazzola, le géant, n’avait-il pas réinventer la forme? On se souviendra de son célèbre Libertango, où les lettres qui se suivent ‘liber’ reproduisent justement cette volonté de se libérer du joug des anciennes habitudes pour en créer de nouvelles. La liberté avant tout autre chose.

Epic Tango (Tango épique) où chaque chose a un début, comme une sorte de mise en perspective de ce qui suivra. Comme c’est le cas de ce Bien cuadrado (‘bien carré’ ou mieux dit, « mieux entouré »), un style qui s’inspire de vieux airs en les actualisant.

Sureña.
Comme redonner un nouveau sens à la vie.

Vient ensuite La mariposa es siempre azul (Le papillon est toujours bleu), donnant à Nancy Leduc, danseuse éprise d’une totale liberté, à l’aise autant dans le classique que dans le moderne, cette lucidité à donner au mouvement une étincelle qui s’ouvre à la vie, comme cet écartement des bras qui ressemblent aux ailes du papillon. On retiendra la virtuosité de la violoniste Nayiri Piloyan, inspirée et totalement concentrée.

Faire l’amour est un moment qui réfléchit sur la définition de cet engagement. Jugez selon votre propre regard sur la question.

Et Rewild, également nom de l’Orchestre. Pour les besoins, un texte écrit et proposé par la voix de son instigatrice, Zoé Dumais. La langue québécoise s’enrichit de jeux de mots inspirants qui parle de la défait spirituelle des faux vainqueurs de ce monde, de la résignation, de l’indifférence face au rêve d’un lieu (territoire géographique) à soi, rêvé, mais sans doute trop. La révolte aussi est dans ce texte en forme de poésie engagée, sans trop de militantisme, mais quand même poussé par un vent de changement. Et finalement la grande question. À quand le « grand respir » (intentionnellement, sans « e »).

On retiendra la partition musicale de Sebastian Verdugo dans le générique de fin, vibrante, sensuelle, contribuant à faire de cette Mortalité des fleurs une aventure printanière, bien vivante.

C’est ensuite Pa’que dejes de fumar (Pour que tu cesses de fumer). Ici, c’est la partition musicale qui domine, laissant champ libre, ou presque, aux musiciens, tous exemplaires.

Dans ce dernier volet de la saison, Marie-Hélène Panisset s’implique, caméra aux mains, intentionnellement, renouant avec l’art de la mise en scène, prouvant jusqu’à quel point elle peut envahir le corps et l’esprit.

Finalement, Sureña (Du sud). Les fleurs réapparaissent dans toutes leurs splendeurs pour s’évaporer dans le sol à la fin. Une finale qui n’a pas dit cependant son dernier mot car Nancy Leduc, dans son geste presque de cygne, rétablit métaphoriquement cet étrange rapprochement ou complicité entre la création et la vie. Leduc, qu’on retrouve souvent, réinventant le geste selon les circonstances de la création, travaux individuels autant que d’équipe.

On retiendra la partition musicale de Sebastian Verdugo dans le générique de fin, vibrante, sensuelle, contribuant à faire de cette Mortalité des fleurs une aventure printanière, bien vivante.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation / Direction photo
Montage
/ Décors
Marie-Hélène Panisset

Chorégraphe & Danseuse
Nancy Leduc

Direction artistique
Charles Papasoff

Caméras
Marie-Hélène Panisset

Josiane Farand
Gaëlle Graton
Alex P. Bergeron

Lumières
Guy Chevrier

Musiciens
Amijai Ben Shalev (bandonéon)

Charles Papasoff (Clarinette basse)
Pablo Boacina (guitare)
Pablo Seib (contrebasse)
Zoé Dumais (violon, voix)
Nayiri Piloyan (violon)
Catherine Chabot (flûte)

Production
Les Films de L’Hydre
c. 2022

Diffusion  @
Lundi 18 avril 2022
17 h 30
Suivi d’un Q&A avec les artistes
Les Films de l’Hydre

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]