CINEMANIA 2021.
Deuxième partie
ÉVÉNEMENT.
[ FESTIVAL de films francophones ]
texte
Élie Castiel
Sur des FEMMES et des hommes
Depuis le départ de Maidy Teitelbaum qui, en passant, peut dormir sur ses lauriers, accumulant des récompenses honorifiques, plusieurs changements qu’on observe au sein de cet événement inusité.
Une prise en main de la programmation plus axée sur la francophonie, en général, même si l’Hexagone demeure la principale source d’approvisionnement. Mais savoir et voir que d’autres pays tournent aussi en français, c’est constater que cette langue n’est pas aussi menacée qu’on le pense. CINEMANIA est donc devenu Festival de Films Francophones, ce qui n’est pas une si mauvaise idée.
Elles se sentent parfois
au bord de la crise de nerfs
L’actualité nous a poussé à parler des Femmes et des Hommes séparément (voir Troisième partie de notre couverture pour ces messieurs). Les deux entités interagissent, cohabitent, s’entendent ou pas, essaient de régler les problèmes qui assaillent les nouvelles sociétés et, mine de rien, se créent, chacun de son côté, des univers particuliers.
Cinq films tournant autour d’elles nous ont paru efficaces, évitant autant le pathos que la diatribe, s’en tenant à des particularités autres que la simple revendication politique ou autres guerres sans but.
Dans Bonne mère, par exemple, Nora, la cinquantaine, femme de ménage, prend soin de sa petite famille dans une cité des quartiers nord de Marseille. Son fils Ellyes est mêlé à une affaire de braquage. Elle fera tout en son pouvoir pour l’aider dans son procès, après quelques mois qu’il passe en prison. Hafsia Herzi, dont nous avions souligné ses qualités de comédienne dans La graine et le mulet, d’Abdellatif Kechiche, signe ici un deuxième long métrage, après le mitigé Tu mérites un amour (2019) ; le cinéma de ceux et celles issus de la diversité maghrébine persistent et signent des films au diapason de leurs expériences communes, du moins c’est ce qu’il nous semble. La plupart sont né(es) en France, quitte à ce que leur culture familiale, leur ADN identitaire ne peut être rejeté ou dévalorisé dans leurs œuvres. Herzi est consciente de cet attribut et nous ne pouvons que mieux nous réjouir.
Avec Cigare au miel (nom du pâtisserie maghrébine, d’ailleurs succulente), Kamir Aïnouz concentre sa caméra sur le personnage de Selma, 17 ans, issue d’une famille bourgeoise maghrébine. Tensions entre elle et ses parents dû à la liberté qu’elle prend avec son comportement. Aïnouz ira un peu loin… et c’est tant mieux. La réalité en France des nouvelles générations de filles issues de la diversité, notamment les Musulmanes, semblent promise à une restructuration de la pensée individuelle. Jusqu’à quel point vont aller les parents de Selma. De par leur(s) réaction(s), le film montre les difficultés qui se créent entre modernité et tradition, entre bourgeoisie et ouverture d’esprit ; ces chemins de traverse peuvent parfois mener au désastre.
Il y a, bien entendu, la Française de souche, comme celle de L’événement, le très beau film d’Audrey Diwan ; la réalisatrice va jusqu’au fond des choses en racontant ce drame intime – France, 1963. Anne, étudiante prometteuse, tombe enceinte. Que fera-t-elle. Malgré la liberté de mouvements et d’esprit qu’elles semblent dégager, ses amies ne sont pas aussi ouvertes que cela. Un début des années 60, dans l’Hexagone qui, petit à petit, annonçait le Mai 68, cinq ans plus tard. Diwan décide de son propre gré de montrer ce qui choque, ce qui dérange, mais sans sensationnalisme, ni vulgarité. C’est ce qui fait la force de ce drame qui aurait pu tourner au mélo. Il sortira bientôt à Montréal. Nous y reviendrons.
De Thomas Kuito, Les promesses donne à Isabelle Huppert l’occasion de confirmer son éternelle jeunesse, de corps et d’esprit. Une histoire sociale où Maire d’une ville du 93e , elle (Clémence) livre avec Yazid (très efficace Reda Kateb) son directeur de cabinet, une bataille acharnée pour sauver le quartier des Bernardins, une cité minée par l’insalubrité. Si Kruithof filme tout ce qui tourne autour de ce problème, il donne par la même occasion à son personnage féminin l’opportunité de parfaire son rôle quitte à ce que le dénouement…
Et de Raphaël Balboni et Ann Sirot, Une vie démente qui compte surtout sur la présence des comédiens devant s’ajuster à un scénario sur la maladie d’Alzheimer, fiévreusement structuré, frôlant parfois les fausses pistes, oscillant entre le drame et la comédie, mais offrant à Jo Deseure, stupéfiante dans différents registres, un de ses plus beaux rôles.
Celles qui se couvrent, celles qui s’affichent, celles qui luttent, celles qui résistent… En fin de compte, elles ne font que souligner qu’elles font partie de la moitié de la race humaine. Conclusion : vous savez mieux que moi.