CINEMANIA 2021.
Troisième partie

Médecin de nuit

ÉVÉNEMENT.
[ FESTIVAL de films francophones ]

texte
Élie Castiel

Sur des HOMMES et des femmes

Si la deuxième partie de notre couverture CINEMANIA était consacrée au « femmes », cette troisième se penche sur les « hommes », plus vulnérables qu’ils ne paraissent, exposant leurs maux délibérément, ne comptant sur personne, exposant leurs limites dans un univers qui ne semblent plus croire en eux. Les cinéastes, hommes ou femmes, filment leurs angoisses, crises existentielles et autres phénomènes psychanalytiques. Bref, l’Homme, particulièrement l’hétéro, ne se retrouve plus.

Réparer

sciemment

les vivants

L’ennemi

Comme l’(anti)héros dans le film de Stephan Streker, dont l’accueil injustement mitigé réservé à Le monde nous appartient à Montréal m’avait décontenancé, alors que le film bénéficiait, entre autres, de la présence foudroyante d’un Vincent Rottiers en pleine forme, et qui mérite une plus grande attention d’écoute et de visibilité. Dans L’ennemi, un célèbre homme politique est accusé d’avoir tué son épouse retrouvée morte, une nuit, dans leur chambre d’hôtel. Est-il coupable ou innocent ? Fruit de son imagination ? Proposition scénaristique teintée de doutes, d’incertitudes, d’imagination débridée qui font partie de notre psyché actuelle, remettant nos rapports freudiens à l’heure du jour. Streker redouble d’attention en octroyant à la mise en scène une sorte de pesanteur qui ne décroit jamais. On reste déboussolé. Et c’est bien ainsi.

Les intranquilles

Même son de cloche pour Les intranquilles de Joachim Lafosse, j’ose dire un des Princes-réalisateurs de la francophonie, avec un Damien Bonnard hyperréaliste, poussant les limites du jeu jusqu’à l’improvisation, n’étant plus en mesure de suivre les directives du cinéaste. Ce dernier, dépassé par son jeu, reste muet, laissant tourner la caméra. On y reviendra lors de sa sortie à Montréal. Pour les impatients, Leila et Damien s’aiment d’un amour sincère. Malgré sa fragilité, Damien (portant le même prénom que le comédien, comme c’est le cas de Leila, incarné par Leila Behkti, régissant ainsi une affolante mise en abyme ) essaie de poursuivre sa vie avec elle sachant qu’il ne pourra peut-être jamais lui offrir ce qu’elle désire vraiment. À suivre sans retenue.

Le médecin de nuit dont il est question dans Médecin de nuit d’Élie Wajeman est campé par un Vincent Macaigne impérial dans sa modestie, mais en même temps jouissant du cabotinage exemplaire qu’il injecte à son personnage. Visites nocturnes illégales chez des patientes en quête de traitement ou d’écoute, chez les toxi avec un besoin de petits morceaux…Et comme tout film français qui se respecte, une femme, une maîtresse… et un petit quelque chose qui se traduit, ici, par un trafic de fausses ordonnances. De nouveau, à suivre. Personnel, édifiant.

Présidents

Premier tour, deuxième tour, Élections en 2022 dans l’Hexagone. On va suivre tout cela avec passion. Anne Fontaine en est consciente. Dans Présidents, Nicolas, un ancien Président de la République, n’est pas vraiment heureux dans sa nouvelle vie, plutôt oisive jusqu’à l’ennui.. Il trouve un allié en la personne de Nicolas, un autre ancien Président et le convainc d’allier leurs forces. Pour Fontaine, un combat entre deux géants de la nomenclature hexagonale, Jean Dujardin, comme toujours parfait, et surtout Grégory Gadebois qui, adroitement, lui vole la vedette. Mais il est si digne, si inconditionnel, sans mauvaise foi, que Dujardin est prêt sans doute à lui donner le bon Dieu sans confession.

Et puis, Villa Caprice, lieu de toutes les convoitises, de toutes les trahisons, les faux pas, les hypocrisies qui font partie du monde politique et autres… Et pour Bernard Stora, qui ne tourne pas tellement, semer la discorde, montrer des hommes, en apparence, d’une force d’adaptation aux mauvais coups exceptionnelle. Et soudain, alors qu’on s’y attend pas, le hasard fait mal les choses. Pour Patrick Bruel, un rôle de « méchant » qui lui va comme un gant, prouvant que la mécanique régissant les intérêts est plus importante que l’éthique et la morale. Et Niels Arestrup, l’avocat Luc Germon qui, malgré ses grand atouts rhétoriques se rend compte que les mots ne sont pas suffisants pour avoir gain de cause. Et pour les spectateurs, réaliser encore une fois que la vie est, le plus souvent, un long fleuve intranquille.

Villa Caprice

Et les femmes dans cet univers peuplé d’hommes ? Elles apparaissent, elles disparaissent. Elles aiment, elles n’aiment plus. Elles s’assument, succombent parfois aux attraits de l’autre sexe tout en dictant leurs propres règles, montrant jusqu’à quels points elles peuvent rendre les hommes (bien sûr, hétéros) vulnérables.