Festival du nouveau
cinéma de montréal 2022
Histoires
de
familles
ÉVÉNEMENT.
[ cinéma ]
texte
Luc Chaput
Sur la Côte d’Opale, dans le Nord de la France,
une famille se réunissait à Ambleteuse. Ce
groupe au patronyme original d’Expedit est
aussi celui d’André Bonzel, coréalisateur de
C’est arrivé près de chez vous. L’importance de
tous les types de famille était l’un des thèmes
porteurs de la 51e édition du Festival du
nouveau cinéma (FNC pour les habitués).
Dans Et j’aime à la fureur, André revient sur l’histoire complexe des deux branches de sa famille, de ces personnes qui ont changé de vie par amour ou qui ont gardé un œil sur les industries qui en ont fait la fortune. Des bobines reçues en héritage s’imbriquent dans celles trouvées à la brocante ou ailleurs pour former, avec les courts tournés par le réalisateur en herbe puis confirmé, une autobiographie familiale dans laquelle des pistes sont laissées en plan alors que d’autres moments plus intimes sont privilégiés. La musique de Benjamin Biolay participe au charme de cette plongée dans des existences souvent pas si éloignées des nôtres.
Dans la même région, à Boulogne-sur-Mer, dans la cité Picasso, une équipe de cinéma débarque avec à sa tête Gabriel, un réalisateur belge qui y effectue un casting sauvage. Des habitants du coin considèrent qu’il a choisi les plus mauvais exemples de ces jeunes du quartier. Les deux réalisatrices Lise Akoka et Romane Gueret nomment ainsi Les pires, cette mise en abyme d’un tournage par une production qui arrive avec ses gros sabots d’à priori. Les deux cinéastes réussissent à louvoyer avec grâce entre fiction et documentaire aidés en cela par l’interprétation naturelle et pleine de nuances de ces jeunes qui passent de leur vie quotidienne aux rôles qu’ils endossent. Après son succès dans la section Un Certain Regard à Cannes, ce film s’est mérité une mention pour tous ses jeunes comédiens dans la compétition internationale.
Au Conservatoire de musique, une jeune femme, placée près du mur à côté d’une porte entrouverte, reconnaît un professeur qu’elle admire et en écoute ses directives à quelques jeunes musiciens. Le professeur Tchaïkovski referme la porte et Nina s’en va. Le cinéaste et metteur en scène reconnu de théâtre et d’opéra russe Kirill Serebrennikov résume par cette courte séquence l’écart qui existait entre ces deux êtres si différents et qui ont connu un mariage effectif si court. La caméra de Vladislav Opelyants suit, en de nombreux plans séquences aux couleurs mordorées, ces deux personnalités dans les riches demeures de l’aristocratie et les places devant les églises où pullulent les mendiants.
Des effets de montage rapprochent en quelques secondes des événements plus ou moins distants dans le temps. Les frères et amis du compositeur se placent en rangs serrés autour de lui alors qu’Antonina Milioukova voit sa parentèle se désintéresser de ses malheurs. L’actrice Aliona Mikhaïlova aurait pu mériter le prix d’interprétation à Cannes pour sa prise de risques de tous les instants dans cette descente dans les enfers de l’exclusion vers la déchéance puis la folie qu’est La femme de Tchaïkovski (Jena Tchaïkovskogo).
Comme pour Falcon Lake, Decision to Leave et Aftersun, grand gagnant de la compétition et sortant cette semaine, nous reviendrons sur d’autres films présentés dans ce cadre et qui mériteront un texte critique plus long lors de leurs sorties que ce soit par exemple No Bears (Khers Nist) de Jafar Panahi, Tori et Lokita des frères Dardenne et Women Talking de Sarah Polley.