Il était une fois dans l’Est

P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 23 juillet 2021

SUCCINCTEMENT.
Dans la petite localité de Troubchevsk, les absences répétées du camionneur Egor coïncident avec les voyages de sa voisine Anna. De quoi est-il question?

| LE FILM
de la semaine.

CRITIQUE.

★★★★ 

texte
Élie Castiel

         Et si ça se passe dans une petite localité russe d’environ 15 000 âmes, la dynamique prend des allures de transgression contre l’ordre établi. Pour Larissa Sadilova, il fallait que les protagonistes de ce récit ressemblent aux communs des mortels, mais elle autant que lui possède, chacun à sa façon, leurs propres attributs de séduction. Elle par son regard consensuel et lui, comme dans les temps anciens, pré-#MeToo, selon un concept de la masculinité virile qui consiste à être simplement soi-même, sans tambour ni trompettes. Enfin !

            Relation consentie qui conduit le spectateur dans un voyage à travers l’inconscient affectif et charnel de la vie en endroits reculés, loin des centres urbains. Mais de cette relation sexuelle – à peine montrée dans le film – l’inattendu, un attachement émotionnel, alors que les deux complices sont mariés… et voisins. Et ça se passe à travers les quatre saisons de l’année. Comme dans une certaine littérature soviétique classique.

            Le mari de l’une et la femme de l’autre. Entre ces personnages magnifiquement filmés, d’autres protagonistes viennent remplir adroitement le récit que constitue ce long métrage pourtant de courte durée, à peine 80 minutes. Car Sadilova ne tient qu’à l’essentiel. Rien de nouveau matière de thème principal – des films sur l’adultère, on en a vu des tas, de tous les coins du monde.

            Et pourtant, dans le regard de la cinéaste russe, un certain regard, une vision mûre de l’existence et des relations sentimentales. Elle sait de quoi elle parle, la Sadilova. Et ses comédiens, en particulier l’attachante et sensuelle Kristina Schneider (Anna) – effectivement, sensuelle en suivant sa propre physicalité, imparfaite, mais complète. Et Egor Barinov (Egor) qui, justement, sans s’appuyer sur les concepts de la beauté masculine – en anglais, le terme est plus précis – handsome, possède ce que quelques-uns (ou plutôt quelques-unes, mais bon) voudront appeler, osons l’expression «mocheté virile», tel un Venantino Venantini ou Eddy Constantine d’une autre époque, d’un temps révolu.

Comme une simple

histoire d’adultère

Partir sans vraiment savoir si revenir.

            Mais les Russes ont ceci de particulier, pas toujours, parfois pour ne pas dire souvent, quelque chose de vieux jeu qui séduit et hante notre esprit occidental sans que nous voulions en prendre conscience.

            Et celui et celle qui souffrent hors de cette relation adultère – et qui ont failli elle et lui entamer une relation – Yura, le mari d’Anna (excellent Yuri Kiselev) et Tamara, la femme d’Egor (attachante et séduisante Mariya Semyionova). Un récit à l’italienne, comme dans ces comédies transalpines magnifiquement filmées et interprétées des années 60, imbattables. Comment réussir un film de ce genre aujourd’hui ?

            Par la mise en scène magnifiquement elliptique de Larissa Sadilova, s’en prenant au strict minimum, évitant les scènes inutiles, incorporant celles qui paraissent redondantes ou inutiles mais qui donnent un appui dramatique au film, et plus que tout consolide le thème dont il est question, et aussi grâce à des dialogues savoureux – la mère du mari d’Anna, grandiose dans sa relation implacable avec sa belle-fille. Et aux enfants, la fille de l’une et le fils de l’autre. Ils vont grandir un jour. Quelle leçon en tirer ?

Et comment oublier cette leçon de vie de cette vieille dame ? Elle choquera certaines âmes sensibles, mais bon… Il était une fois dans l’Est… et pourquoi pas dans l’Ouest nous prouve que quelques sauts dans le vide sont des chemins qu’on a souvent envie d’emprunter quel que soit l’endroit où on se trouve sur terre.

            Justement que la réalisatrice, tout en traitant d’un sujet maintes fois répété, propose un nouveau souffle, ne posant aucun geste moralisateur ni jugement de valeurs. Ses personnages, elle les serre dans ses bras comme des êtres en manque d’affection, ou plutôt en panne de comment gérer la vie de couple. Un moment dans la vie où le désir l’emporte.

            Est-ce que tout rentre dans l’ordre ? Bien entendu, on ne dira rien. Sauf que la vie n’est pas un long fleuve tranquille, notamment en termes de rapports amoureux. Mais ceux charnels n’ont absolument besoin d’aucune recommandation. Chacun y va de son propre élan.

            Et comment oublier cette leçon de vie de cette vieille dame ? Elle choquera certaines âmes sensibles, mais bon… Il était une fois dans l’Est… et pourquoi pas dans l’Ouest nous prouve que quelques sauts dans le vide sont des chemins qu’on a souvent envie d’emprunter quel que soit l’endroit où on se trouve sur terre.

 

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Larissa Sadilova

Scénario
Larissa Sadilova

Direction photo
Anatoli Petriga

Montage
Gleb Dragayetsov

Larissa Sadilova

Musique
[ Mikhail Isakovskiy ]

Larissa Sadilova.

Genre(s)
Comédie dramatique

Origine(s)
Russie

Année : 2019 – Durée : 1 h 20 min

Langue(s)
V.o. : russe; s.-t.f.

Odnazhdy v Trubchyovska

Dist. [ Contact ] @
K-Films Amérique

Classement
Général

En salle(s) @
Cinéma Beaubien
Cineplex

[ Salles VIP : Interdit aux moins de 18 ans ]

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]