Le bleu du caftan

P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 10 février 2023

SUCCINCTEMENT.
Halim est marié depuis longtemps à Mina, avec qui il tient un magasin traditionnel de caftans dans la médina de Salé, au Maroc. Le couple vit depuis toujours avec le secret d’Halim, qu’il a appris à taire.

 

Le FILM
de la semaine.

CRITIQUE.

★★★★

texte
Élie Castiel

 

Le regard d’Halim

 

La coproduction avec la France, la Belgique et le Danemark a sans doute facilité la réalisation du deuxième long métrage de la marocaine Maryam Touzani; sujet risqué que celui, entre autres, de l’homosexualité dans un pays où elle est réprimandée par la grande partie de la population et, sûrement, les institutions.

Nul doute que pour la plupart des spectateurs, simplement un film d’amour dans toutes ses expressions, toujours articulées avec une finesse exemplaire (les rencontres au hammam où il suffit de faire quelques pas vers un ailleurs voluptueux pour s’adonner au plaisir des sens – jamais montrés). Titre des plus éloquent que Le bleu du caftan, entre ce bleu masculin que même les femmes peuvent porter, cette tenue vestimentaire aux mille tentations et son parcours social, le film de la réalisatrice tangéroise, de l’inédit Adam (2019), signe avec, entre les mains, des intentions louables, là où l’élégance du cadre, la subtilité de l’intime, la pertinence des non-dits, les gestes et les expressions qui en disent long, les gros plans qui facilitent le dialogue entre l’esthétique et le narratif, la rapproche, mais avec un temps magnifiquement féminin, du cinéma de Nabil Ayouch, autre cinéaste marocain qui a toujours opté pour des réalisations audacieuses, notamment dans les affaires de la sexualité,

Le fait que le film se passe à Salé et non pas dans un grand centre urbain, comme Casablanca, est déjà un défi. Justement, un endroit où les gestes de la non-promiscuité consentie sont plus difficiles à gérer et donc, pris comme des victoires lorsqu’on arrive à se prêter au jeu de ses propres penchants.

Une attention évasive, mais non pour le moins introspective.

Au Maroc, comme dans les pays avoisinants, la pratique homosexuelle se passe dans la plus stricte confidentialité et existe beaucoup plus qu’on ne le pense, dans toutes les couches sociales et malgré les apparences. Le mot d’ordre : « ne te laisse pas pincer », à défaut de quoi…

Mais Le bleu du caftan, c’est aussi une fable amoureuse. Le mâalem (couturier expert en caftans) a passé son savoir-faire à Halim, son fils, et époux de Mina. Et puis, l’intrus, Youssef, un apprenti qui, par la force des choses, bouleverse la vie du couple. Il est question de transmission – est-ce nécessaire qu’elle se manifeste par la présence des enfants, de la tradition qu’on tient à préserver lorsqu’elle insuffle intelligemment le cœur, et l’amour lorsqu’il peut renaître au départ annoncé d’un être aimé, même s’il s’agit plus d’affection.

Saleh Bakri, fils de l’acteur arabe israélien Mohammed Bakri, immense interprète, incarne avec une pudeur sans nom Halim, dont la venue d’un nouveau stagiaire, Youssef (Ayoub Missioui – surprenant par la pudeur qu’il exprime dans les sentiments, les risques pris lorsque séduit par l’engrenage du désir.

Puis, Mina (excellente Lubna Azabal, toute de grâce et de retenue); par amour, tendresse, comme prise d’un élan d’humanité incontrôlable, elle lègue ce sentiment qu’on appelle attachement, affection ou tendresse dans un nouveau cadre amoureux qui se profile à l’horizon, quel que soit l’appartenance sexuel qu’il représente astucieusement.

Fidèle à une certaine marocanité, le film de Touzani fait us de symboles, métaphores, sous-entendus, forces vernaculaires d’un pays aux mille et une traditions qui se perdent dans la nuit des temps. Gros plans sur des doigts qui pratiquent la couture. Sensualité des tissus choisis. Dans les caftans, des formes presque byzantines alliées à celle de l’Orient. À voir de près, un héritage marocain ou influences musulmanes et juives se manifestent sans états émotifs. Il suffit d’un mouvement de la main, d’une touche donnée à la couture, d’un rapport entre le tissu choisi, sa couleur et le produit accompli.

Dans tout ce brouhaha de jeux pudiques, Halim est celui qui, par ses silences, ses incertitudes et ses bouleversements existentiels arrive, justement, à imposer un regard lumineux.

Puis, Mina (excellente Lubna Azabal, toute de grâce et de retenue); par amour, tendresse, comme prise d’un élan d’humanité incontrôlable, elle lègue ce sentiment qu’on appelle attachement, affection ou tendresse dans un nouveau cadre amoureux qui se profile à l’horizon, quel que soit l’appartenance sexuel qu’il représente astucieusement.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Maryam Touzani

Scénario
Maryam Touzani
Nabil Ayouch
Direction photo
Virginie Surdej

Montage
Nicolas Rumpi
Musique
Kristian Eidnes Andersen

Maryam Touzani.
Oser aborder certains sujets.

Genre(s)
Drame

Origine(s)
France / Maroc

Belgique / Danemark
Année : 2022 – Durée : 1 h 58 min
Langue(s)
V.o. : arabe, français; s.-t.f. ou s.-t.a.

The Blue Caftan
Alqftan al’azraq

Dist. [ Contact ] @
Cinéma du Parc
[ Strand Releasing ]

Diffusion @
Cinéma du Musée

Classement (suggéré)
Interdit aux moins de 13 ans

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon.★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]