Le diable n’existe pas

P R I M E U R
Sortie
Vendredi 28 mai 2021

SUCCINCTEMENT.
Iran, de nos jours. Quatre récits inexorablement liés l’un à l’autre. Dans un régime despotique où la peine de mort existe encore, des hommes et des femmes se battent pour affirmer leur liberté.

LE FILM
de la semaine

CRITIQUE.

★★★★

texte
Élie Castiel

Chacune des quatre parties qui constituent le récent film de l’Iranien Mohammad Rasoulof est une prise de conscience, une tentative de libération, de soi, de ses attachements envers autrui et encore plus instinctivement, de l’emprise d’un régime politique qui ne laisse aucun espoir à la réconciliation de la pensée libre.

Et pourtant, rien dans le comportement des personnages ne laisse deviner une telle emprise, une si forte répression morale et psychologique. Car chez Rasoulof, homme de peu de films, c’est la mise en scène qui exerce le principal vecteur de critique, d’analyse et de possibles argumentation.

Un des protagonistes se sentira opprimé, l’histoire d’amour entre deux jeunes gens, elle autant que lui, fournira des preuves entre le possible et l’irréalisable. Qu’importe puisque dans chaque partie, la réalisation mise surtout sur les visages, les expressions, des mouvements, des gestes, des particularités du mouvement physique quasi impressionniste. Tout est dans les intentions, les aveux d’une caméra qui, à travers son objectif, remet en causes les principes mêmes du cinéma.

Entre résistance et soumission 

Rasoulof est un intellectuel des images en mouvement, ce qui n’empêche pas ses films, comme ce dernier, d’évoluer dans une réalité de toutes classes sociales. Mais on réfléchit aussi dans ses films. Et on parle, on dialogue, on émet souvent des perles de savoir du commun des mortels, comme du sage.

Le plan comme moyen de formaliser le discours.

La liberté est absente dans cette magnifique proposition cinématographique, une initiative hautement réfléchie, dont les deux premières parties sont un coup de poing aux spectateurs, sombres, efficacement menées par une caméra aussi indiscrète que curieuse et un sens du rythme qui ne dément jamais.

Une caractéristique de tout le cinéma iranien moderne. Et comme il se doit, l’émotion, l’affect, la vitalité de l’âme deviennent ici des éléments narratifs convertis du coup en espaces formels, comme la fabrication de certains cadres, plans, transitions. Le plan comme moyen de formaliser le discours.

Tout le monde a parlé des problèmes de censure avec l’Iran et de l’incarcération du cinéaste. Un régime étouffant. Et pourtant, des hommes de cinéma comme Rasoulof se débrouillent pour tourner, pour témoigner d’une situation inimaginable pour les créateurs. Entre le drame et la tragédie, les quatre parties forment un tout cohérent même si chacune d’elle forme un univers à part, touchant à des thèmes différents.

En somme, l’incomparable Mohammad Rasoulof revient, peut-être pas en très grande force comme dans ses films précédents, mais toujours aussi entêté que jamais par sa dénonciation indirecte d’un régime qui annihile. Dans Le diable n’existe pas, des récits sur la solitude, la famille, le renoncement, le rapprochement physique, la volonté innée de survivre corps et surtout âme dans un pays qui ne le permet pas totalement, montrent des personnages cherchant à se libérer, à respirer selon leur propre rythme.

La liberté est absente dans cette magnifique proposition cinématographique, une initiative hautement réfléchie, dont les deux premières parties sont un coup de poing aux spectateurs, sombres, efficacement menées par une caméra aussi indiscrète que curieuse et un sens du rythme qui ne dément jamais.  La grande ville, la prison, la campagne, autant de lieux filmés qui correspondent à l’agitation ou à la passivité des gens, malgré eux, prisonniers d’un système ingrat et qui, contre toute attente, ou pas, malgré le passage du temps et un 21e siècle entamé depuis plus de deux décennies, ne cesse de se régénérer. Obéir, se laisser mourir.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Mohammad Rasoulof

Scénario
Mohammad Rasoulof

Direction photo
Ashkan Ashkani

Montage
Mohammadreza Muini

Mohammad Rasoulof.

Musique
Amir Molookpour

Genre(s)
Drame à sketches

Origine(s)
Iran
Allemagne
République tchèque

Année : 2020 – Durée : 2 h 31 min

Langue(s)
V.o. : farsi, allemand; s.-t.f. / s.-t.a.
There Is No Evil
Sheytan Vojud Nadarad

Dist. [ Contact ] @
Acéphale

Classement
Tous publics
[ Déconseillé aux jeunes enfants ]

En salle(s) @
Cinémathèque québécoise
Cinéma Moderne
Avis : Salle à possible horaire irrégulier ]

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]