Mank

PRIMEUR
Sortie
[ Netflix ]

Vendredi 4 décembre 2020

SUCCINCTEMENT
Hollywood des années 30. Alcoolique invétéré au tempérament imprévisible, le scénariste Herman J. Mankiewicz tente de boucler à temps le script de Citizen Kane d’Orson Welles. 

 

CRITIQUE.

texte
Élie Castiel

★★★ ½

Pour les cinéphiles initiés, serait-ce là une entreprise de réhabilitation du scénariste hollywoodien Herman J. Mankiewicz, célèbre pour la controverse entourant le scénario de Citizen Kane, premier « vrai » long métrage d’Orson Welles qui, à la lecture, aurait apporté de si nombreuses modifications qu’il aurait réclamé que le scénario n’est que de lui. Guerre de mots, querelles d’idées, luttes d’égocentrisme. Toujours est-il que David Fincher, dont le précédent long métrage, Gone Girl / Les apparences, remonte à 2014, adapte (librement?) ici le scénario éponyme de son père, Jack Fincher, décédé en 2003.

Un certain Citoyen M.

Tentative donc de remettre les pendules à l’heure sur un épisode hollywoodien, et non le moindre, la gestation de Citizen Kane, qui manque cependant d’illustration claire. Mais Mank repose surtout sur une mise en scène impitoyable, d’un cynisme qui fera la joie des spécialistes de l’histoire de cet endroit du monde, le Hollywood des grands studios; en quelque sorte, un petit pays en soi qui a forgé ses propres lois, ses propres codes d’(in)conduite.

La droite s’impose, le capitalisme règne souverain. Et Mank illustre quoique maladroitement cette caractéristique propre à l’Amérique. Comme remède, le noir et blanc, parfois diaphane, souvent d’une luminosité remarquable, revendique sa présence avec un certain délire.\. Les séquences intérieures et extérieures se prêtent bien au travail de la caméra d’Erik Messerschmidt – assistant à la caméra sur plusieurs productions – signant ici son travail solo de long métrage. La contre-plongée à la Welles saura l’inspirer dans un plan magnifique qu’on retiendra longtemps, vers la fin. Le montage de Kirk Baxter (également de Gone Girl) est docile à tous ces parallèles et va-et-vient incessant de retours en arrière. Mais cela contribue négativement au regard du spectateur, à moins que l’on soit adepte aux tergiversations d’un scénario intentionnellement alambiqué, une façon comme une autre de débattre sur le fait que tout cinéaste, au moment voulu, peut se permettre de jongler avec son médium, quitte à ne plaire qu’à un cercle restreint.

Et plus que tout, le film tente de donner au métier de scénariste son droit de cité, ses lettres de noblesse dans un milieu qui, encore aujourd’hui, célèbre davantage les réalisateurs et les vedettes. Pour notre grand plaisir, d’une certaine façon, sans pas assez d’égratignures, le Hollywood des producteurs/studios est écorché, mis à nu. Portrait d’un monde qui ne pouvait que disparaître, du moins dans sa forme originelle.

Quelques vedettes abondent dans Mank. Qu’il s’agisse de Gary Oldman (comme d’habitude, se jetant dans la gueule du loup avec une prestance remarquable), de Charles Dance (William R. Hearst), qui n’a besoin que de sa présence et de quelques mots ici par-là, ou encore de Lily Collins, aux séquences brèves, mais intenses et surtout Amanda Seyfried (dont on oublie ses prestations à l’eau de rose des deux Mamma Mia!. Ici, elle renouvelle son jeu en conservant néanmoins son air candide et adorable.

Chose intéressante, Mank sert aussi d’objet didactique dans la mesure où il pousse sans doute les cinéphiles avertis à faire des recherches sur la gestation de Citizen Kane (et qui manque sans doute ici). Les vrais combats, les erreurs commises et surtout pour prendre conscience de la mentalité qui régnait jadis dans ce Hollywood des studios.

Et d’Orson Welles, la prise de conscience d’un égo gigantesque, un raconteur indiscutable, un grand metteur en scène et une prestance à la scène comme à l’écran qui ne peut s’affirmer qu’avec un rapport narcissique de soi à soi, sans quoi la magie cesse d’opérer.

Et plus que tout, le film tente de donner au métier de scénariste son droit de cité, ses lettres de noblesse dans un milieu qui, encore aujourd’hui, célèbre davantage les réalisateurs et les vedettes. Pour notre grand plaisir, d’une certaine façon, sans pas assez d’égratignures, le Hollywood des producteurs/studios est écorché, mis à nu. Portrait d’un monde qui ne pouvait que disparaître, du moins dans sa forme originelle.

Pour David Fincher, indéniablement, son film le plus inusité. Pour inconditionnels.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
David Fincher

Scénario
Jack Fincher

Images
Erik Messerschmidt

Montage
Kirk Baxter

Genre(s)
Drame biographique

Origine(s)
États-Unis

Année : 2020 – Durée : 2 h 11 min

Langue(s)
V.o. : anglais, allemand, latin, s.-t.f. et autres
Mank

Dist. @
Netflix

Diffusion @
Netflix

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]