Hervé Koubi – Ce que le jour doit à la nuit

CRITIQUE.
danse ]

texte
Élie Castiel

★★★★

Il s’agit de la captation du spectacle Ce que le jour doit à la nuit lors d’une représentation au Festival Arabesques de 2018, Domaine d’O, à Montpellier. Hervé Koubi, c’est la prise de conscience un peu tardive, mais non pour le moins récupérable, de ses origines maghrébines, précisément algériennes, qui vient de sa mère, comme il l’explique dans un témoignage, faisant partie de ce spectacle en ligne.

L’analyse sémiotique du geste

Sa résidence en France lui fait prendre conscience, en tant que chorégraphe, artiste, des deux rives méditerranéennes que partagent l’Hexagone et l’Afrique du Nord. Oreille musicale aussi qui, dans le contexte du spectacle en question, unit allègrement sonorités orientales et musique classique, en l’occurrence Bach, dans son rituel, sa sacralité, moments importants de cette pièce sublimement hybride. La musique provoque le mouvement, le geste, motive le comportement. Et dans ce ballet d’une majestueuse inventivité, des moments de silence qui se présentent comme autant de défis pour les interprètes. Improvisation? Mise en chorégraphie articulée? Deux questions qui se posent aussi au regard des spectateurs.

Une mise en scène s’impose dans ce ballet pour « danseurs » uniquement. L’idée a germé dans l’esprit de Koubi en lisant le roman éponyme de Yasmina Khadra (nom de plume). Joindre les cultures, les unir comme un lien d’humanité partagée. Entre les mains du maître-chorégraphe, disciple de certains de ses contemporains de la modernité pour lesquels il a dansé, Thierry Smiths surtout, mais tout autant Claude Brumachon ou encore Karine Saporta, une pièce chorégraphique où on sent (et on voit) ces gestes répétitifs issus du Street Dance, du Break Dance qui eux, comptent sur l’improvisation. Ici, ces formes ne se dessinent pas, laissant au chorégraphe le soin de s’exprimer librement, non pas en les calquant, mais on s’y inspirant.

Et dans ce ballet d’une majestueuse inventivité, des moments de silence qui se présentent comme autant de défis pour les interprètes. Improvisation? Mise en chorégraphie articulée? Deux questions qui se posent aussi au regard des spectateurs.

@ Danse Danse

Et comment ne pas souligner l’homoérotisme qui se dégage de ces gestes, mouvements, visages qu’on peut saisir de près grâce au mouvement de la caméra. Non pas un homoérotisme tributaire d’une quelconque revendication sociale ou politique, mais celui de la prise de conscient d’une condition légitime, une réappropriation valide de son identité. Les torses sont nus, l’habillage consiste en des costumes qui évoquent bizarrement les Derviches tourneurs turcs, eux aussi naviguant dans l’ambiguïté.

Fayçal Hamlat, ancien danseur de la Compagnie Hervé Koubi, assiste, en compagnie de Guillaume Gabriel, lui aussi de la troupe, à cette mise en contexte qui questionne non seulement la notion de parcours identitaire, mais du coup, situe l’Algérie dans le sillon des possibles en matière des arts de la danse. La plupart des choristes sont Algériens et leur prestation, virile, il faut le dire, demeure en quelque sorte un antidote au machisme légendaire des pays du Maghreb. Un défi de grande taille.

Ce que le jour doit à la nuit, autant le roman de Khadra que la chorégraphie de Koubi, partagent cette idée de dualité conquérante, de similitudes évidentes entre les cultures, une histoire d’amour et de tensions entre deux peuples qui ne peuvent s’ignorer plus longtemps, quitte à toujours se rappeler des évènements douloureux d’une époque révolue, mais pas si lointaine. Hervé Koubi ouvre grand la porte au dialogue, aux paroles réciproques de réconciliation.

FICHE ARTISTIQUE PARTIELLE
Réalisation (film)
Patrick Lauze

Chorégraphie
Hervé Koubi

Assistants-chorégraphes
Fayçal Hamlat

Guillaume Gabriel

Création musicale
Maxime Bodson

Musique
Hamza El Din
Jean-Sébastien Bach
(musique) Soufi

Éclairages
Lionel Buzonie

Costumes
Guillaume Gabriel

Danseurs
Adil Bousbara, Mohammed Elhilali

Abdelghani Ferradji, Zakaria Ghezal
Oualid Guennoun, Bendehiba Maamar
Giovanni Martinat, Nadjib Meherheva
Mourad Messaoud, Houssni Mijem
Riad Mendjel, Ismail Oubbajaddi
El housssaini Zahid

Durée totale
1 h 28 min

Représentations
En ligne

[ Voir ici ]
 Jusqu’au 09 décembre 2020

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]