19:00

SUCCINCTEMENT
Une rivalité s’installe entre une actrice et un acteur souhaitant obtenir le même rôle. Leur antagonisme se transforme en une incursion au cœur d’un monde dérangeant et brutal.

CRITIQUE.
[ court métrage ]

texte
Élie Castiel

★★★ ½

Il faisait partie de la distribution d’Au gré du vent le court métrage d’Elie Jean Tahchi, d’origine libanaise, dirigeant du EJTstudio, sa propre boîte de production. Marc-André Casavant, comédien de la scène et, pour la circonstance, acteur dans le film, déployait un talent fou. Il a décidé de céder à la tentation de la réalisation sans pour autant laisser de côté son amour pour le jeu dramatique.

Le brillant exercice de style de Tahchi l’a sans doute également motivé à cosigner, avec Jonathan Goyette, son propre film, un court sujet, six minutes, laissant apparaître quelque chose qui a à voir avec la création et qui ne peut s’expliquer, sauf parler des influences, des risques encourus, des imperfections qui sont le dû de tout premier film. Ça donne 19:00.

L’excès jubilatoire

dans tous ses états

Bref, se jeter dans la gueule du loup, instinctivement, mettant à la porte la réalité, s’inventant un quotidien autre, le temps du tournage, exhibant intentionnellement un charisme indiscutable, confirmant que le jeu d’acteur ou de comédien n’a rien à voir avec la routine de tous les jours, que cet exercice relève de la performance et dépasse de loin la banalité d’une quotidienneté souvent abusive.  Au diapason de notre époque, cruelle, certes, miséricordieuse des fois,  lui rappelant que le métier hasardeux de comédien sert finalement à quelque chose, c’est-à-dire à mettre en exergue le miroir de l’autre, même si c’est de soi qu’il est question.

Chez Casavant, le comédien, un discours intérieur avec sa propre image, son identité, dans la ville et dans la « création », et malgré ce désir quasi égocentrique, nécessaire, essentiel pour réussir, une symbiose avec l’actrice, Alexia Gourd, prise dans une espèce de « trip » (parcours pour les puristes) entre rêve et réalité recomposée/reconstruite. Son regard face à Casavant, pris en gros plan par la caméra de Juan Andres Rueda est électrisant. Sa beauté est un mélange, pour la circonstance, d’ange et de démon. Richard Gagnon étonne aussi. Dans sa démarche, son look, ses pauses, on voit l’influence des tous ces films d’épouvante de ces dernières années qu’il a fort probablement vus. Maquillage à l’appui de Tammy-Lou Pate, elle aussi convaincue de sa démarche.

Avec 19:00, titre générique qui sans doute veut tout dire, le duo de réalisateurs-cinéastes entre par la grande porte, tous deux sûrs d’eux-mêmes, conscients qu’ils ont réalisé un film à leur image. Excessivement jubilatoire, court et diablement surprenant.

Car ce qui prime d’abord dans ce 19:00, sur fond rouge vénéneux, mise à part la chimie entre l’esthétique et l’interprétation, c’est bel et bien le plan et sa verticalité en longueur, rappelant non seulement Lynch, celui prénommé David, le célèbre, et pourquoi pas, le Kubrick, prénommé Stanley, célèbre pour ses interminables couloirs presque nus où tout peut arriver (vous savez très bien de quel film il est question).

Surprenant, c’est le cas de le dire en ce qui a trait à 19:00, à la fois drame psychologique, récit d’atmosphère, film de genre, entre le circassien à la Fellini et le camp nouvelle-vague, quelque chose d’indéfinissable, mais excitant.

Et il y la réalisation, un dialogue créatif à deux, selon un goût extrême pour le cinéma. Mais dans ce cas-ci, avec cet instinct qui consiste à prendre des risques quitte à se casser la gueule, avec le sourire, un certain sarcasme nécessaire pour ceux qui osent, sans quoi le résultat ne peut s’avérer que catastrophique.

Et justement, Casavant et Goyette évitent le dangereux paradigme de la défaite, préférant la victoire à tout prix. Et, faut-il ajouter, la durée du film a quelque chose à voir avec cette réussite. Sa courte durée tient à l’essentiel et, par magie, par-là même, fait partie du scénario.

Avec 19:00, titre générique qui sans doute veut tout dire, le duo de réalisateurs-cinéastes entre par la grande porte, tous deux sûrs d’eux-mêmes, conscients qu’ils ont réalisé un film à leur image. Excessivement jubilatoire, court et diablement surprenant.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Marc-André Casavant
Jonathan Goyette

Scénario
Marc-André Casavant

Jonathan Goyette

Images
Juan Andrés Rueda

Montage
Siham Mrimi

Interprète(s)
Marc-André Casavant
Alexia Gourd
Richard Gagnon

Origine(s)
Canada [ Québec ]

Année : 2020 – Durée : 06 min

Langue(s)
V.o. : français; s.-t.a.
19:00

Dist. @
[ Les Productions Lion Casavant ]

Diffusion @
Présentement à Image+Nation jusqu’au 06 décembre 2020
 (voir ici.)

Classement (suggéré)
Interdit aux moins de 13 ans

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]