Margie Gillies.
OLD (Âgée)
CRITIQUE.
[ Danse ]
★★★★★
texte
Élie CASTIEL
Suspendre
patiemment
le
temps
qui
passe
À l’aube de ses 70 printemps, l’incontournable Margie Gillies – au même titre que Marie Chouinard, quelques années de moins et du même circuit chorégraphique bien que tranchant l’une et l’autre dans la composition et la structure des gestes – nous offre un cadeau d’adieu, qui n’en est pas vraiment un puisqu’elle tient encore bon.
Le spectacle, OLD, on ne peut plus clair. Elle seule sur scène, un décor de meubles d’autrefois sortis de chez l’antiquaire il y a bien longtemps. Premier parallèle avec la danseuse-chorégraphe qui tient mordicus à cet arsenal illustre.
Dans un sens, une mise en abyme des plus senties, simulant le geste, le rendant cathartique, démystifiant le corps, se permettant, à ce moment de la vie, de jongler avec la mise en scène et la création.
S’approcher de la chaise, s’y asseoir, et lorsqu’un pied manque ou une partie est cassée, elle se l’accapare pour mieux se cramponner. Stratégie chorégraphique magistralement orchestrée pour maintenir constamment l’équilibre.
Une acte de bravoure, d’exigence face à ces décennies derrière elle. Mais surtout ne pas céder au passage du temps, à l’indicible destin auquel il nous entraîne. Comme moyens, la tête haute, la gestuelle impeccable, le visage serein, le sourire quand il le faut.
Et conserver, malgré tout, la sensualité d’être, d’exister, de contempler la vieillesse avec le plus de lucidité possible. Patiente et thérapeute dans le même temps. D’une certaine façon, OLD est un ode à la vie et pas seulement au vieil âge. Un moment de douceur, de tendresse, de petits signes qui nous font avancer.
Le « recul », pour Gillies, « connaît pas ». Avancer, s’approprier chaque seconde. Si le matériel se décompose avec le temps, le corps, lui, a le devoir d’assumer ses propres responsabilités. Le spectacle est fait de ces exigences qu’on s’impose. En tout cas, nous sommes au sommet de sa carrière, stupéfaits devant tant de grâce, de savoir-faire.
OLD, c’est l’exigence de soi, la certitude de tous les possibles. Elle chantera quelques mots, question de donner un aperçu de ses jeunes années, alors enfant (hommage ou réponse à sa mère). C’est un moment émouvant puisque, soudain, la danseuse rompt avec ce qu’elle a proposé précédemment.
[ … ] seule sur scène, Margie Gillies rend le spectacle aussi terrestre que possible, même si le spectateur sent cette étrange et envoûtante sensation d’apesanteur. Le mythe subsiste.
Le tour de force est magnifiquement réussi. L’influence de Isadora Duncan, la prêtresse de la danse contemporaine, est évidente. Elle se manifeste par ces envolées lyriques, ces formes des muses grecques des temps antiques, ces gestes quasi tragiques exprimés selon un rapport avec les Dieux.
Dans la première partie, Gillies est vêtue de noir, sans sa tristesse, au contraire son courage, sa nature indestructible. Et puis, elle habite le blanc, d’une blancheur éclatante. Jamais « la femme » ne fut aussi complète, unique, souveraine.
Comme si les deux parties se réunissait, s’enchevêtrait l’une dans l’autre, l’une vers l’autre, tel un oracle bienvenue.
Mais seule sur scène, Margie Gillies rend le spectacle aussi terrestre que possible, même si le spectateur sent cette étrange et envoûtante sensation d’apesanteur. Le mythe subsiste.
ÉQUIPE PARTIELLE DE CRÉATION
Chorégraphie
Margie Gillies
Interprète(s)
Margie Gillies
Costumes
Margie Gillies
Randal Newman
Sonya Bayer
Éclairages
Pierre Lavoie
Musique(s)
Pièces variées, dont celle de Schubert,
Bach, Sebastian Zawadski,
Jacques Brel (chanson Les vieux)
Vidéo
Samuel Thériault
Durée
1 h
[ Sans entracte ]
Discussion après le spectacle
Diffusion & Billets
@ L’Agora
(Salle Orange)
Jusqu’au 12 mars 2023*
*Affiche Complet
Essayer si « liste d’attente »
@ (514) 525-1500
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon.★★★ Bon.
★★ Moyen.★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]