Oscars 2022. II

ÉVÉNEMENT.
[ Animations ]

texte
Luc Chaput

Souvent mus

par des visons plus sombres

Les candidats à l’Oscar du court métrage d’animation cette année, par leurs sujets et leurs traitements, sont destinés pour la plupart à un public plus averti, notamment dans le cas de deux d’entre eux.

Affairs of the Art

La cinéaste Joanna Quinn reprend dans Affairs of the Art (L’art dans le sang) son personnage de Beryl, créé il y a plus de trente ans. Cette ouvrière expansive continue de jeter un regard sur son environnement familial et cultive de plus en plus ses talents artistiques. Le scénario de Les Mills, également producteur, apporte des pointes plus satiriques sur la sœur de Beryl qui a creusé sa marque à Hollywood. Quinn joue sur les rondeurs avec un bel éventail de couleurs servant un feu roulant de gags et de bons mots. Une référence au Nu descendant l’escalier no. 2 de Duchamp est bien intégrée à quelques reprises dans cette courte chronique rappelant également une enfance faite d’expériences au ton plus sombre. La coproduction de l’ONF a fourni un fort appui technique et Quinn a gagné à Annecy l’an dernier un prix spécial pour la réalisation. ★★★ ½

Bestia

Bestia du Chilien Hugo Covarrubias détonne même par sa profondeur dans ce quintette. Une poupée en porcelaine, hommasse, vaque à ses occupations matinales avant de prendre avec son chien les transports en commun. Nous sommes dans les années de plomb de la dictature de Pinochet. L’animation en volume procède par ellipses pour ne suggérer que ces scènes horribles qui ont amené à donner le surnom de Bestia (bête) à la policière Ingrid Olderöck. Des séquences cauchemardesques et un voyage en avion peut-être vers l’au-delà creusent d’une autre manière ce portrait-charge aux répercussions plus larges et toujours si actuelles. ★★★★

Boxballet

Un grand et gros boxeur à l’allure de brute croise dans le métro une jeune ballerine. Leurs vies déjà tracées prennent ainsi de détours différents dans cette animation à l’aspect volontairement frustre. Des réminiscences du personnage de Rocky courent en filigrane dans Boxballet, historiette russe d’Anton Dyakov qui représente avec une chaleur certaine la vie des sans-grades de cette immense contrée. ★★★

The Windshield Wiper

Un homme attablé dans un café se souvient de choses vues sur les relations interpersonnelles. De micros-sujets sont ainsi mis en scènes séparées par des diagonales de couleurs vives rappelant cette action de la main appelée wipe en anglais et si commune dans la commande de nos appareils électroniques. Des rapprochements, des situations conflictuelles apparaissent ainsi dans l’écran mental du protagoniste et reviennent ou non scandés par l’équivalent visuel de ce mouvement qui a tant pris de place dans nos vies. Alberto Mielgo, collaborateur artistique majeur de Spider-Man: Into the Spider-Verse questionne ainsi dans The Windshield Wiper cette faculté du cerveau de cataloguer rapidement des impressions, des images ou des sons. ★★★ ½

Robin Robin

Dans Robin Robin, un œuf tombe de son nid dans un forêt. Un oisillon sort de sa coquille devant une famille de rats des champs ébahis. Nous sommes dans la campagne anglaise et l’animation en volume qui a fait la renommée de la maison de production Aardman (The Wrong Trousers) se déploie dans des décors multiples et très fournis. Les personnages, dont certains sont plus individualisés que d’autres, sont joués vocalement pour certains par des acteurs majeurs dont Richard E. Grant et Gillian Anderson. Une suite de chansons anime également la quête centrale de ce nouveau Conte de Noël. Cette proposition britannique réalisée par Dan Ojari et Mikey Please, est de plus imbue d’un beau discours sur la diversité et l’intégration. Produite par Netflix, elle charmera peut-être une majorité de votants dans cette catégorie qui a reconnu au fil du temps quelques maîtres de cet art dénigré par certains comme n’étant que cartoonesque. ★★★ ½

 

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]