Oscars 2022. III

ÉVÉNEMENT.
[ Documentaires ]

texte
Luc Chaput

Des individus

et du groupe

L’importance grandissante de Netflix même dans le domaine des courts et moyens métrages est apparente cette année. Puisqu’en plus de sa participation à plusieurs films de fiction et d’animation en lice, trois des concurrents dans ce secteur reçoivent son soutien.

Un jeune noir malentendant est un rouage important de son équipe scolaire de football. La Maryland School for the Deaf est reconnue comme un établissement important. Tous les joueurs et entraîneurs sont donc considérés comme sourds-muets. Pourtant le bruit fait partie de leurs méthodes d’interaction et d’échange avec les autres en plus du langage des signes. Le réalisateur Matthew Ogens se concentre sur Amaree et son entourage pour rendre plus visible dans ce long court Audible ces vies souvent semblables qui se déroulent non loin de nos champs de vision et d’audition. ★★★ ½

Audible

Lead Me Home

De nombreux survols par drones de camps d’abris de fortune forment la structure visuelle de ce Lead Me Home, sur la situation des itinérants dans ces trois métropoles de la côte ouest des États-Unis que sont Los Angeles, San Francisco et Seattle est l’occasion pour Pedro Kos et Jon Shenk de donner la parole à quelques individus et intervenants sociaux. Leurs témoignages sont souvent plus qu’émouvants mais la présence de dirigeants publics ne fait que rajouter une couche superfétatoire à cet autre long court trop propret et enrobé pour susciter un véritable impact. Nous sommes loin de ce que le cinéma québécois ou canadien a accompli dans ce domaine depuis de nombreuses années avec par exemple Tant que j’ai du respir dans le corps de Steve Patry. ★★★

Un jeune Afghan, dans un camp de personnes déplacées, déclame des poèmes d’amour à sa jeune épouse Benazir. Le logement est en torchis et un dirigeable munis de caméras surveille cette agglomération. Shaista décide de se trouver un emploi mais en butte à la pression familiale, il doit choisir une autre occupation. Le couple de réalisateurs américano-afghans Elizabeth Mirzaei et Gulistan Mirzaei nous plongent avec Three Songs for Benazir dans un quotidien difficultueux. Une ellipse de quatre ans conduit à une conclusion bouleversante. Celle-ci fait écho à leur long métrage Laila at the Bridge vu aux RIDM 2018 sur l’implication constante de Laila Haidari. Nous sommes ainsi bien loin de l’espoir inhérent de Learning to Skateboard in a Warzone (If You’re a Girl) de Carol Dysinger, récipiendaire de l’Oscar. il y a seulement deux ans. ★★★ ½

Un gros plan sur le visage d’une femme âgée commence ce portrait. Liusa Harris est volubile et nous raconte avec une ironique humilité les diverses étapes de sa vie sportive. Elle, noire, est née dans un état sudiste et remporta une médaille d’argent par équipe aux Jeux Olympiques de Montréal en 1976. Le réalisateur canadien Ben Proudfoot redonne ainsi avec aplomb la place de The Queen of Basketball qui revenait à cette athlète mise sur les bas-côtés de l’histoire puisqu’une ligne féminine professionnelle de son sport n’existait pas quand elle était au sommet de sa forme. ★★★ ½

Three Songs for Benazir

The Queen of Basket-Ball

Un groupe d’écoliers s’acharne en cercle contre un autre dans la cour d’une école publique du quartier de Sheepshead Bay à Brooklyn, dans la ville de New York. Cet incident a eu lieu dans le cas qui préoccupe le réalisateur Jay Rosenblatt en 1964 pendant sa 5e année de primaire. Une image d’un de ses autres courts métrages a servi d’étincelle à l’irruption de cette mémoire et a enclenché l’enquête qui a mené à When We Were Bullies. Le cinéaste de la région de San Francisco est aussi professeur de cinéma. Des séquences animées d’une facture très simple employant des photos de ces écoliers alternent avec des entrevues. Des échanges par Internet avec des adultes aux souvenirs divers sur l’école et ce fameux incident participent à ce chemin sinueux. La mise en scène originale de Rosenblatt amplifie le propos du film sur la responsabilité collective et l’éducation. Cette nomination aux Oscars constitue déjà une belle introduction à sa notable filmographie trop marginalisée. ★★★★

When We Were Bullies

En plus de la présence importante de la plateforme Netflix déjà notée, la longueur de plusieurs de ces courts flirtait dangereusement avec le maximum de 42 minutes qui est le temps-butoir pour les courts selon l’Académie (qui ne semble pas respecter les différence entre les courts et les moyens métrages). L’éventail des formes rapprochait encore et toujours l’interrogation centrale de la condition humaine, celle de la relation entre les individus et le groupe.