Saint-Narcisse

P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 24 septembre 2021

SUCCINCTEMENT.
Au décès de sa grand-mère, qui l’avait élevé, Dominic trouve des lettres qui lui confirment que sa mère, Béatrice, qu’il croyait morte en couches, est toujours de ce monde. Il décide de la chercher.

CRITIQUE.
[ Sphère LGBT ]

★★★★

texte
Élie Castiel

   Le titre du film trahit en quelque sorte la proposition, à moins, comme c’est bien le cas, que le cinéaste culte Bruce La Bruce ne cherche qu’à provoquer la bien-pensance contemporaine, une époque où le politiquement correct semble dominer le discours social et l’Occident se tourne de plus en plus vers la droite, ne succombant pas aux effets chocs de certaines publicités, aux ébats de toutes sortes d’Internet et à certains films qui osent affronter la pudibonderie en matière de sexe.

En fait, si l’on réfléchit comme il faut et on observe de prêt, la guerre des sexes est devenue en quelque sorte la « guerre contre le sexe ». La société, telle qu’elle est conçue dans les pays de l’Occident libre, n’osera jamais se l’avouer. Toujours est-il que La Bruce déconstruit les codes de conduite et par pure stratégie, se dédouane en situant le récit dans les années (19)70, ère, comme tout le monde le sait, d’expérimentations massives en ce qui a trait à la sexualité et dont on soulignera les mouvements féministe et gai.

Saint-Narcisse, c’est avant tout le lieu où Dominic, l’anti-héros en question, se rend suite à le découverte de mystérieuses lettres après la mort de sa grand-mère. Point central : la mère du jeune homme ne serait pas morte en couches, mais elle est bien vivante et s’est terrée à Saint-Narcisse, quelque part au Québec.

Près de cet endroit, une institution de (jeunes) séminaristes qui jouissent, au sens propre comme au figuré, des lieux et que le Père Andrew dirige selon des méthodes, parfois, pour ne pas dire souvent, peu orthodoxes. Pour le cinéaste hétéroclite, qui aime bien transformer, voire mener ses récits dans des voies biscornues, où l’homoérotisme règne maître, une façon comme une autre d’affirmer sa condition, la sienne et celle d’une culture qui lui est propre.

Impudique miroir aux alouettes

Un homoérotisme assumé qui ne répond de rien.

Justement, ne faut-il pas rappeler qu’à mesure que la dynamique LGBT (re)prend ses droits sociaux, comme par hasard, ou l’est-ce vraiment ?, la mouvance majoritaire, donc l’hétérosexuelle, se confirme de plus en plus, très souvent de façon appuyée et évidente. Une nouvelle guerre des sexualités en quelque sorte.

Pour le film, une histoire abracadabrante lorsqu’on découvre que les habitants de la petite localité ont toujours pensé que la mère de Dominic est une sorcière. On ne dira pas plus. Rencontre donc avec sa génitrice et point important, une période de notre histoire où les nouvelles technologies n’existent pas et par conséquent, le discours passe par l’écrit, l’instinct, les relations sociales, la collectivité, la pensée, le conscient et l’inconscient. L’engouement pour la psychanalyse se fait maître.

Et pour rendre le récit encore plus miroitant, la découverte de Daniel, qui vit dans le couvent et qui est le propre frère de Dominic. Freud prend rendez-vous dans ce scénario intentionnellement alambiqué où la famille se présente comme un sanctuaire pouvant, et je dis bien « pouvant » engendrer des tensions d’ordre sexuel.

Une chose est certaine : Andreas Apergis campe ici un rôle inusité, exigeant, l’intéressé plus connu dans le milieu du théâtre anglophone en tant que metteur en scène (et comédien). Ses origines helléniques lui confèrent probablement cet engouement dans le jeu qui consiste à se donner corps (surtout) et âme, en proie à des aspirations homoérotiques qu’il a du mal à assumer, et à contrôler, succombant néanmoins aux appels de la chair. Quelque chose que Bruce La Bruce ne rencontre absolument aucune difficulté à endosser.

Le scénario, co-signé avec Martin Girard – Angle mort de Dominic James (2011) – pèse lourdement sur les épaules autant du cinéaste que sur celles des spectateurs, la narration oscillant entre le drame familial, la « fausse » sorcellerie qu’on nous annonce et nous ne voyons jamais venir, sans compter la forme volontairement bancale de l’ensemble. Seules les séquences avec les séminaristes nous paraissent sorties d’un film du Canadien John Greyson (Lilies / Les feluettes – 1996), un homme de cinéma intègre, fidèle à ses idéaux cinématographiques, homme de gauche, voyant dans son métier une sorte d’effet-miroir de la sexualité, comme d’un discours politique de la représentation. Manifeste dans ses atmosphères, la caméra de notre Michel La Veaux national se veut aussi intègre ; certains plans intérieurs, particulièrement dans le couvent, impressionnent par leur côté volontaire surréalistes, brefs, mais inoubliables. L’aspect chromatique étant aussi pour quelque chose d’estimable.

Bien entendu, Bruce La Bruce favorise ici le camp dans son esthétique la plus élégante, affirme quasi politiquement son cinéma LGBT, est conscient qu’il ne s’adresse qu’à un certain type de spectateurs – même s’il aurait voulu que son auditoire soit plus vaste – et, mine de rien, impose sa signature même si son film joue avec les notions de temporalité, d’effets dramatiques discutables, de refus de contemporanéité et plus que tout, adressant un je-m’en-foutisme délirant, comme un miroir aux alouettes déformant, dévergondé.

Bien entendu, Bruce La Bruce favorise ici le camp dans son esthétique la plus élégante, affirme quasi politiquement son cinéma LGBT, est conscient qu’il ne s’adresse qu’à un certain type de spectateurs – même s’il aurait voulu que son auditoire soit plus vaste – et, mine de rien, impose sa signature même si son film joue avec les notions de temporalité, d’effets dramatiques discutables, de refus de contemporanéité et plus que tout, adressant un je-m’en-foutisme délirant, comme un miroir aux alouettes déformant, dévergondé.

On soulignera la présence de la comédienne gréco-québécoise Tania Kontayani (très efficace) que l’on voit très peu souvent au théâtre ou au cinéma d’ici. Mais bon, ça c’est une autre histoire.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Bruce La Bruce

Scénario
Martin Girard

Bruce La Bruce

Direction photo
Michel La Veaux

Montage
Hubert Hayaud

Musique
Christophe Lamarche-Ledoux

En avant-plan, Bruce La Bruce, extrémité droite.

Genre(s)
Fantaisie de mœurs

Origine(s)
Canada [Québec]

Année : 2020 – Durée : 1 h 41 min

Langue(s)
V.o. : anglais; s.-t.f.

Saint-Narcisse

Dist. [ Contact ]
A-Z Films

Classement
Interdit aux moins de 13 ans
[ Érotisme ]

En salle(s) @
Cinéma du Parc
Cineplex

[ Salles VIP : Interdit aux moins de 18 ans ]

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]