Mothering Sunday

P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 08 avril 2022

SUCCINCTEMENT.
Une jeune femme découvre d’autres voies de vivre pendant un dimanche à la campagne.

CRITIQUE.

★★★ ½

texte
Luc Chaput

Une jeune anglaise parcourt à vélo une route vers un rendez-vous inespéré.

Le titre du film et du court roman éponyme de Graham Swift évoque la pratique britannique selon laquelle les maîtres de maison donnaient un dimanche de libre au printemps à leurs bonnes afin qu’elles puissent aller voir leurs mères. Cet événement est antérieur à l’actuelle Fête des mères. Jane Fairchild est orpheline et a trouvé dans la lecture un moyen de s’évader du train-train quotidien. Elle entretient une relation cachée avec Paul, le fils et héritier d‘un manoir voisin. Un appel téléphonique lui donne donc des ailes et elle se rend par un avant-midi ensoleillé à ce rendez-vous galant dans ledit manoir.

Une relation tout aussi particulière.

Une journée

particulière

Le parcours de cette existence remplie est souligné par la présence iconique de la grande Glenda Jackson (Sunday Bloody Sunday) en Jane devenue écrivaine souventes fois acclamée.

La réalisatrice française Eva Husson du savoureux Bang Gang (une histoire d’amour moderne), 2015,  montre subtilement les différences de statut social qui perdurent entre ces deux amoureux. Une visite guidée des lieux précède l’accès à la chambre dans lesquels des préliminaires enjoués et des ébats fougueux filmés avec dextérité donnent ensuite lieu ensuite à des échanges plus égalitaires. L’actrice australienne Odessa Young et le Britannique Josh O’Connor incarnent avec acuité ces deux amants si peu endimanchés.

Nous sommes dans ces années 20 quand le traumatisme de la Première Guerre mondiale a eu des effets qui se sont répercutés dans divers domaines sociaux et culturels. La classe dirigeante régionale britannique a perdu de nombreux maris et fils dans ce conflit et une mélancolie certaine a infiltré le discours ambiant. Les patrons de Jane Interprétés avec une juste réserve par Colin Firth et avec une amertume guindée par Olivia Colman sont ces protagonistes secondaires qui tentent de retrouver dans la fête l’essence d’un passé disparu.

La scénariste Alice Birch (Lady Macbeth) adapte le style indirect du romancier Swift en des séquences superposées dans trois époques. Les souvenirs de cette journée et d’autres rencontres cruciales amènent cette femme à vouloir faire de la littérature une part importante de son univers. Certains moments de la vie de cette auteure sont un peu trop rapidement mis en scène dans un montage judicieusement fluide. Le parcours de cette existence remplie est souligné par la présence iconique de la grande Glenda Jackson (Sunday Bloody Sunday) en Jane devenue écrivaine souventes fois acclamée.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Eva Husson

Scénario
Alice Birch
D’après le roman de Graham Swift

Direction photo
Jamie Ramsay

Montage
Emilie Orsini

Musique
Morgan Kibby

Genre(s)
Chronique sentimentale

Origine(s)
Grande-Bretagne

Année : 2021 – Durée : 1 h 44 min

Langue(s)
V.o. : anglais
Mothering Sunday

Dist. [ Contact ] @
Métropole Films

Classement
Interdit aux moins de 13 ans

Diffusion @
Cineplex

[ Salles VIP : Interdit aux moins de 18 ans ]

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

Nitram

P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 08 avril 2022

SUCCINCTEMENT.
En Australie dans le milieu des années 90, Nitram vit chez ses parents, où le temps s’écoule entre solitude et frustration. Après la disparition d’un être cher, la colère et la solitude de Nitram ressurgissent. Commence alors une longue descente qui va le mener au pire.

COUP de ❤️
de la semaine.

CRITIQUE.

★★★★

texte
Élie Castiel

Déjà, avec son sombre et prodigieux Macbeth (2015), réunissant deux interprètes irréprochables, Michael Fassbender et Marion Cotillard, avec qui il renoue en 2016 dans Assassin’s Creed, l’Australien Justin Kurzel récidive avec les côtés sombres de l’humanité dans un des films les plus inusités de la saison.

D’une part parce que la proposition principale ne s’annonce concrètement que dans la dernière partie, même si auparavant, certains indices narratifs s’emploient à décortiquer l’âme meurtrie et les conséquences nocives d’un comportement anti-social. Mais rien de plus.

Une famille dont la mère (magnifique Judy Davis qu’on n’avait pas vue depuis fort longtemps dans un rôle qui défie les lois de la gravité) semble être le centre des décisions, un père (parfait Anthony LaPaglia, lui aussi absent ces dernières années) malheureux de ne pas avoir réussi dans sa vie, individu plutôt passif, et Nitram, le fils, dont une première séquence tourné en forme de home movie montre l’inadaptation sociale qui feront de lui un paria à l’école et en société.

Nitram, prénom qui résonne comme s’il s’agissait d’un explosif, une grenade à main prête à tout mettre en miettes. Et puis, l’âge venu où on n’habite plus avec ses parents, mais on continue quand même. Puis, une rencontre, avec Helen (versatile Essie Davis) avec il semble s’entendre puisqu’elle semble comprendre son aliénation sociale. Mais Nitram est parfois très imprudent…

Le calme apparent avant la tempête

Une famille presque normale.

Au départ, nous savons déjà quel sera le dénouement tragique de cette histoire tirée d’un fait vécu. Qu’importe puisque la mise en scène de Kurzel enchaîne surprises, déformations narratives, références à un certain cinéma de genre qui, souvent, se penche sur les dérives sociales de notre époque. Mais le film se distingue essentiellement pour le regard que pose le cinéaste sur la question. Sa vision des choses se situe dans un monde parallèle créé de toutes pièces, quasi fantomatique, ne craignant  guère les fausses pistes, les chemins de traverse, les pièges, les fausses perceptions.

C’est ce qui rend le film aussi lumineux, même dans sa part d’ombre prédominante, une représentation intimement dantesque de la vie. La cible la plus importante, la colère. L’intérieure, celle qui se manifeste sans crier gare, qui s’accumule au gré du temps, jour après jour, qui envahit notre être pour en tirer les pires réverbérations, excès, troubles psychiques, comportements excessifs. Mais dans le cas de Nitram, parfait (anti)héros, dans la froideur totale, dans l’indifférence face à la morale, absente dans son esprit. La direction photo et artistique participent à cet étrange jeu de correspondances, intimement, liées aux intentions du cinéaste.

Inquiétant, dérangeant, suscitant notre inconfort, Nitram est  incontestablement l’une des meilleures surprises de 2022. Vibrant. Essentiel.

On comprend avec raison le Prix d’interprétation masculine accordé à Caleb Landry Jones au Festival de Cannes 2021; une « véritable gueule » cinématographique, une bête lumineuse qui cache son mal d’être contemporain, mis en relief au cours des quelques dernières décennies.

Le coupable? Un Occident qui a perdu ses valeurs, son absence de repères fiables, la distance entre les êtres, le manque affectif. Quelque part au cours des années 80, peut-être même les 70, le choc de l’après-guerre a commencé à se dissiper pour laisser libre cours à d’autres malaises. Mais surtout, ce refus catégorique de la société face à l’Histoire, comme si son absence ne signifiait plus rien. Mais aussi, dans le cas de Nitram, une démence existentielle qui commence à l’adolescence.

Inquiétant, dérangeant, suscitant notre inconfort, Nitram est  incontestablement l’une des meilleures surprises de 2022. Vibrant. Essentiel.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Justin Kurzel

Scénario
Shaun Grant

Direction photo
Germain McMicking

Montage
Nick Fenton

Musique
Jed Kurzel

Justin Kurzel.
Réfléchir le plan, une question de morale.

Genre(s)
Drame social

Origine(s)
Australie

Année : 2021 – Durée : 1 h 52 min

Langue(s)
V.o. : anglais; s.-t.f.
Nitram

Dist. [ Contact ] @
Maison 4 :3

Classement
Interdit aux moins de 13 ans

Diffusion @
Cinéma du Parc

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

Twist à Bamako

P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 08 avril 2022

SUCCINCTEMENT.
1962. Le Mali goûte son indépendance fraîchement acquise et la jeunesse de Bamako danse des nuits entières sur le twist venu de France et d’Amérique. Samba vit corps et âme l’idéal révolutionnaire : il parcourt le pays pour expliquer aux paysans les vertus du socialisme.

CRITIQUE.

★★★★

texte
Élie Castiel

Avant

la

révolution

Après le Marseille de l’inédit Gloria Mundi (2019), rien à voir avec celui de Nikos Papatakis (1976), Robert Guédiguian pose une fois encore sa caméra ailleurs, le Bamako des années 60, tourné au Sénégal, pour des raisons politiques évidentes.

Pour le film, fin de la colonisation française, mais ayant laissant chez la jeunesse éduquée locale un goût pour la langue française, pour les idées progressistes de l’Est et une culture pop importée de l’Occident. Mélange assez adroit, on prend ce qu’il y a de mieux, soit de la droite ou de la gauche. D’où ce titre ironique faisant référence à la transition entre la colonisation extérieure et celle, intérieure, émanant des nouvelles forces gouvernementales, corrompues, elles ayant retenu les mauvaises habitudes de leurs anciens « patrons »,

Les vertus du socialisme, la justice et la paix sociale, l’émancipation des masses, de la femme, la fin de toutes les corruptions. L’utopie, notion qui se perd depuis le début des civilisations. Finalement, un pays libre où le peuple pourra jouir des avancées du socialisme. Avec l’Est, encore la Guerre froide. Mais peu importe. La jeunesse rêve au royaume de tous les possibles.

Pour oublier les dérives de la colonisation.

Et entre quelques pirouettes où on libère la parole, tomber amoureux de la plus jolie fille. Pour Guédiguian, changement de ton, une petite histoire d’amour qu’on ressent avec les élans du cœur. Lui, l’amoureux transis ; elle, qui a fui un mariage forcé dans une société encore conservatrice (et qui le restera). Entre l’amour et la politique, choisir les deux. Car il y a la caméra de Pierre Milon (de l’intrigant Arthur Rambo, 2021) qui filme le rapprochement des corps avec une sensualité débordante, quasi chorégraphique. Elle encadre le plan en quelque chose de magique. Pour ensuite redescendre sur terre et faire face aux intrigues qui se jouent.

Mais chez Robert Guédiguian, l’œil persévérant d’un autre cinéma qui se laisse petit à petit remplacer. Celui du regard nostalgique, sorte de rempart contre le temps qui passe, reconstituer l’avant non seulement pour « raconter » l’Histoire, mais peut-être sans doute pour témoigner qu’on « a également été ».

Cette ‘recherche du temps perdu’, on la voit sourdre dans Twist à Bamako, à chaque tournant, à chaque conversation, à chaque mouvement de foule. Et Guédiguian rend hommage à ces cinéastes africains de l’âge d’or en tournant comme eux.

C’est ce qu’on ressent chez certains cinéastes de la génération baby-boom, entretenant avec le passé une étrange affection incestueuse, comme si sa fin inévitable signifiait une sorte de trahison.

Cette ‘recherche du temps perdu’, on la voit sourdre dans Twist à Bamako, à chaque tournant, à chaque conversation, à chaque mouvement de foule. Et Guédiguian rend hommage à ces cinéastes africains de l’âge d’or en tournant comme eux.

Un respect aussi pour tous protagonistes du film, inscrits dans des personnages qu’ils et elles comprennent car il s’agit de leurs compatriotes.

Et un couple épatant : Lara – la nouvelle venue Alice Da Luz dans un premier rôle flirtant entre sensualité et engagement sociopolitique ; lui, Samba Touré – rôle tenu par un Stéphane Bak époustouflant, entre la saveur candide des nouvelles amours, rare chez les hommes de cette époque, et particulièrement dans le continent africain, et la ferveur de l’engagement politique qui ordonne des comportements dépassant la simple masculinité.

 

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Robert Guédiguian

Scénario
Robert Guédiguian
Gilles Taurand

Direction photo
Pierre Milon

Montage
Bernard Sasia

Musique
Olivier Alarie
Johannes Malfatti

Robert Guédiguian.
Est-il encore possible de faire du cinéma engagé?

Genre(s)
Chronique socio-politique

Origine(s)
France / Canada

Sénégal

Année : 2021 – Durée : 2 h 09 min

Langue(s)
V.o. : anglais; s.-t.a.
Dancing the Twist in Bamako

Mali Twist

Dist. [ Contact ] @
MK2 | Mile End

Classement
Visa GÉNÉRAL

Diffusion @
Cinéma du Musée
Cinémathèque québécoise

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

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