Nitram

P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 08 avril 2022

SUCCINCTEMENT.
En Australie dans le milieu des années 90, Nitram vit chez ses parents, où le temps s’écoule entre solitude et frustration. Après la disparition d’un être cher, la colère et la solitude de Nitram ressurgissent. Commence alors une longue descente qui va le mener au pire.

COUP de ❤️
de la semaine.

CRITIQUE.

★★★★

texte
Élie Castiel

Déjà, avec son sombre et prodigieux Macbeth (2015), réunissant deux interprètes irréprochables, Michael Fassbender et Marion Cotillard, avec qui il renoue en 2016 dans Assassin’s Creed, l’Australien Justin Kurzel récidive avec les côtés sombres de l’humanité dans un des films les plus inusités de la saison.

D’une part parce que la proposition principale ne s’annonce concrètement que dans la dernière partie, même si auparavant, certains indices narratifs s’emploient à décortiquer l’âme meurtrie et les conséquences nocives d’un comportement anti-social. Mais rien de plus.

Une famille dont la mère (magnifique Judy Davis qu’on n’avait pas vue depuis fort longtemps dans un rôle qui défie les lois de la gravité) semble être le centre des décisions, un père (parfait Anthony LaPaglia, lui aussi absent ces dernières années) malheureux de ne pas avoir réussi dans sa vie, individu plutôt passif, et Nitram, le fils, dont une première séquence tourné en forme de home movie montre l’inadaptation sociale qui feront de lui un paria à l’école et en société.

Nitram, prénom qui résonne comme s’il s’agissait d’un explosif, une grenade à main prête à tout mettre en miettes. Et puis, l’âge venu où on n’habite plus avec ses parents, mais on continue quand même. Puis, une rencontre, avec Helen (versatile Essie Davis) avec il semble s’entendre puisqu’elle semble comprendre son aliénation sociale. Mais Nitram est parfois très imprudent…

Le calme apparent avant la tempête

Une famille presque normale.

Au départ, nous savons déjà quel sera le dénouement tragique de cette histoire tirée d’un fait vécu. Qu’importe puisque la mise en scène de Kurzel enchaîne surprises, déformations narratives, références à un certain cinéma de genre qui, souvent, se penche sur les dérives sociales de notre époque. Mais le film se distingue essentiellement pour le regard que pose le cinéaste sur la question. Sa vision des choses se situe dans un monde parallèle créé de toutes pièces, quasi fantomatique, ne craignant  guère les fausses pistes, les chemins de traverse, les pièges, les fausses perceptions.

C’est ce qui rend le film aussi lumineux, même dans sa part d’ombre prédominante, une représentation intimement dantesque de la vie. La cible la plus importante, la colère. L’intérieure, celle qui se manifeste sans crier gare, qui s’accumule au gré du temps, jour après jour, qui envahit notre être pour en tirer les pires réverbérations, excès, troubles psychiques, comportements excessifs. Mais dans le cas de Nitram, parfait (anti)héros, dans la froideur totale, dans l’indifférence face à la morale, absente dans son esprit. La direction photo et artistique participent à cet étrange jeu de correspondances, intimement, liées aux intentions du cinéaste.

Inquiétant, dérangeant, suscitant notre inconfort, Nitram est  incontestablement l’une des meilleures surprises de 2022. Vibrant. Essentiel.

On comprend avec raison le Prix d’interprétation masculine accordé à Caleb Landry Jones au Festival de Cannes 2021; une « véritable gueule » cinématographique, une bête lumineuse qui cache son mal d’être contemporain, mis en relief au cours des quelques dernières décennies.

Le coupable? Un Occident qui a perdu ses valeurs, son absence de repères fiables, la distance entre les êtres, le manque affectif. Quelque part au cours des années 80, peut-être même les 70, le choc de l’après-guerre a commencé à se dissiper pour laisser libre cours à d’autres malaises. Mais surtout, ce refus catégorique de la société face à l’Histoire, comme si son absence ne signifiait plus rien. Mais aussi, dans le cas de Nitram, une démence existentielle qui commence à l’adolescence.

Inquiétant, dérangeant, suscitant notre inconfort, Nitram est  incontestablement l’une des meilleures surprises de 2022. Vibrant. Essentiel.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Justin Kurzel

Scénario
Shaun Grant

Direction photo
Germain McMicking

Montage
Nick Fenton

Musique
Jed Kurzel

Justin Kurzel.
Réfléchir le plan, une question de morale.

Genre(s)
Drame social

Origine(s)
Australie

Année : 2021 – Durée : 1 h 52 min

Langue(s)
V.o. : anglais; s.-t.f.
Nitram

Dist. [ Contact ] @
Maison 4 :3

Classement
Interdit aux moins de 13 ans

Diffusion @
Cinéma du Parc

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]