The Human Factor
PRIMEUR
Sortie
Vendredi 07 mai 2021
SUCCINCTEMENT
Grâce à la contribution des principaux négociateurs américains, ce film dévoile les coulisses de l’histoire des 25 dernières années de tractations diplomatiques autour du conflit israélo-palestinien.
CRITIQUE.
texte
Élie Castiel
★★★★
Dror Moreh est de cette lignée de cinéastes israéliens qui osent, se détachent de toute idéologies communautaires pour s’en tenir aux faits, à une intellectualisation de l’argumentation, comme s’il s’agissait d’une enquête non tributaire d’une quelconque foi ou attachement purement sentimental. En fait, s’encadrer d’un objectivisme féroce, quels que soient les risques encourus.
Il y a eu Amos Gitaï, à ses débuts ; il y a toujours Avi Mograbi, qui continue avec entêtement son sens de la provocation constructive. Mais revenons à Moreh.
Déjà, en 2012, avec The Gatekeepers (Shom’ray Ha’Saf), il signalait certains secrets du Shin Bet, le Service de sécurité intérieure israélien, avec comme résultat d’être nommé aux Oscars.
Propos d’une paix avortée
Un film d’une rare intelligence, un essai politique qui, tout en dénonçant une erreur de parcours fatale, renvoit à un présent incertain et, plus que tout, propose, si l’on tient solidement les rênes de la justice, l’équité pour la paix, des jours meilleurs dans l’avenir.
Si d’une part on peut lui reprocher d’attiser les dangers que ressentent autant le gouvernement que la population israéliens, force est de souligner qu’il s’agit ici de remettre les pendules à l’heure. D’une certaine façon, d’essayer de persuader les autorités d’agir autrement. Pourrait-on dire que ces cinéastes sont les apôtres de la paix coûte que coûte, quel que soit le prix à payer (perte de quelques territoires, dissolution des colonies et autres abandons… ). Mais soyons objectifs, les cinéastes, tout comme les journalistes (d’enquête) ont leur parti pris.
Voici que sept ans plus tard, il braque son objectif sur les accords de paix avortés entre le gouvernement de Yitzhak Rabin et l’Autorité palestinienne de Yasser Arafat. Un moment historique, une utopie finalement réalisable, un futur harmonieux pour les deux parties.
Et puis, la tragédie. C’est alors que The Human Factor se transforme en quelque chose de nouveau, le documentaire-thriller, non pas sur le plan du jeu des intervenants puisque ceux-ci sont filmés selon le code classique , mais toujours nécessaire, des têtes parlantes, mais utilisant les séquences d’archives avec un soin apporté aux détails.
Particulièrement dans les photos, astucieusement choisies, comme par exemple, ces champs/contrechamps figés entre Arafat ou un de ses acolytes et des hommes politiques israéliens, Rabin lui-même. Des visages qui se regardent, mais dans leurs yeux, une sorte de crainte, de doute, de peur d’avoir trop cru. D’avoir trop écouter les instances gouvernementales de Clinton, tenant à se débarrasser à tout prix de ce sempiternel conflit.
Et on peut le comprendre. Les années 1990 ou l’ère des impossibles car interrompues par des forces extérieures, cachées dans l’ombre à qui tous ces efforts pour la paix « ne font pas l’affaire ». Je me permets de reprend une phrase de mon texte sur le Festival du cinéma israélien de Montréal : « la politique est un plat qui se sert froid… ». À laquelle on pourrait ajouter qu’elle ne s’embarrasse guère du qu’en-dira-t-on.
Nous avons parlé d’objectivité de la part de Moreh, mais à bien y penser ne s’agit-il pas également de parti pris, de prise de conscience morale, éthique, valeur qu’il associe au plan, ce facteur formel dans tout tournage qui constitue à lui-seul une authentique pièce (ou piège peut-être) à conviction, un témoin à charge féroce et surtout oculaire à plusieurs niveaux. Telle est la force de film de Moreh, une tentative exemplaire pour parler d’une tragédie nationale israélienne. Et plus que tout, d’avoir perdu l’occasion de s’armer de supports de réconciliation.
Mais il ne faut pas oublier que dans ce processus de normalisation, plusieurs pays arabes n’étaient pas d’accord avec cette proposition, jugée trop hâtive ou pas concluante.
D’aucuns trouveront Dror Moreh, à l’instar des autres cinéastes cités, de romantique, d’idéaliste, bien entendu « de gauche ». D’antisémite, chez certains aussi. Mais ils se trompent car avant tout, c’est la paix que le cinéaste propose, c’est de continuer à bâtir un pays sans les dangers qui l’ont toujours habité. Et les autres, de croire en l’avenir.
Les intervenants, des négociateurs américains. Ils ont pour nom Dennis Ross, Aaron David Miller, Robert Malley, Daniel C. Kurtzer, Martin Indyk et Gamal Helal (le seul non juif du groupe). Moreh essaiera de comprendre le choix de ces affectations. À vous d’exercer votre opinion. Mais tous des hommes de l’ombre en quelque sorte à qui ils donne la parole. Stratégie de Dror Moreh d’avoir adopté cette approche, certes circonstancielle, mais solvables selon le niveau des arguments rapportés.
Un film d’une rare intelligence, un essai politique qui, tout en dénonçant une erreur de parcours fatale, renvoit à un présent incertain et, plus que tout, propose, si l’on tient solidement les rênes de la justice, l’équité pour la paix, des jours meilleurs dans l’avenir.
Pour revenir à la mise en scène, une utilisation, parfois trop présente de la musique, signée Eugene Levitas, qui travaille surtout dans le documentaire, du moins si l’on se fie à nos sources. Elle évoque celle d’une fiction d’espionnage, des thrillers, et s’enchevêtre adroitement aux archives montrées, aux propos tenus. Le but de Moreh : établir une complicité dramatique entre les spectateurs et la thèse qu’il défend.
Chose étonnante, la froideur des premières rencontres entre Rabin et Arafat se transforme rapidement en une promesse à laquelle tous les deux croient. Rabin, tenant toujours ses distances, mais subtilement, comme un occidental. Arafat, lui, manifestant un sourire de satisfaction hérité de ses origines arabes, presque touchante. C’est comme si l’Orient et l’Occident finissaient par s’entendre pour former un seul monde, stable et sécuritaire, toutes confessions et origines confondues.
FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Dror Moreh
Oron Adar
Direction photo
Kobi Zaig-Mendez
Montage
Oron Adar
Musique
Eugene Levitas
Genre(s)
Documentaire politique
Origine(s)
Grande-Bretagne
Israël
Année : 2019 – Durée : 1 h 46 min
Langue(s)
V.o. : anglais
.HaGorem HaEnoshi
Dist. [ Contact ] @
Métropole Films
Classement
Tous publics
En salle(s) @
Cineplex
ÉTOILES FILANTES
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★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]