A Chiara

P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 03 juin 2022

SUCCINCTEMENT.
Lorsque le père de Chiara, 16 ans, disparaît sans laisser de traces, la jeune fille décide d’aller à sa recherche.

Le FILM
de la semaine.

CRITIQUE.

★★★★ 

texte
Élie Castiel

Un nouveau nom à retenir, un jeune cinéaste, 38 ans c’est encore très jeune pour produire une œuvre selon une vision moderne du cinéma. Jonas Carpignano, si l’on se base sur les deux premiers longs métrages inédits ici, Mediterranea (2015) et A Ciambra (2017), c’est se fondre dans des communautés marginalisées, c’est aussi s’amalgamer aux petites bourgades. Carpignano, c’est le contraire de la grande ville, de l’urbanité, de la modernité qui ne se soucie point des exclus même si ça ne paraît pas autant que ça.

Le père de Chiara, dont elle est « toute sa vie », est timide, ne fait pas de discours lors des anniversaires – séquence d’ouverture magistrale où la caméra de Tim Curtin s’incruste littéralement dans les corps, notamment les visages des jeunes femmes en devenir même si elles n’ont que 15, 16 ou 18 ans. Et les hommes, les violents (ça paraît), ceux pour qui les mouvements #MeToo des grandes surfaces territoriales ne signifient absolument rien. Ils font partie de la Ndrangheta (voici un mot de plus dans notre vocabulaire), ou mieux dit « la mafia calabraise ». Le père, Claudio en fait partie mais n’exploite pas cette image en famille. Carmela, la mère, le sait, bien entendu. Bouche cousue.

Qu’importe puisque A Chiara est un film sur le corps, celui d’une adolescente de 16 ans, trop curieuse, presque femme, prête à retrouver son père parti sans laisser de traces, mais dans des circonstances troubles.

La loi

du

tumulte

Et soudain, sans qu’on s’y attende, le quotidien peut rendre le geste cinématographique.

Elle le retrouve car l’habileté du scénario réside justement dans ces retrouvailles. On vous évitera les détails sauf qu’elles donnent lieu à une des plus belles parties du film, du jamais vu, du jamais exploité, quelque chose qui nous échappe… suivre un père dans ses déambulations les plus marginalisés pour en déduire le drame de la réalité. Et dans le jeu de l’excellente (et tragiquement belle) Swamy Rotolo, une sorte de lien avec le destin, avec le pouvoir des illusions, la sévérité du réel, le tumulte intérieur et environnant. Et dans son visage, un détachement qui l’aide à survivre le moment. Une comédienne née.

Pour les spectateurs, des moments de pure tension mêlés à une extase difficile à cerner. Même son de cloche lorsqu’on s’aperçoit que Benh Zeitlin, oui, le cinéaste de Beasts of the Southern Wild / Les bêtes du sud sauvage (2017) a contribué, avec Dan Romer, à la partition musicale, exemplaire. Elle nous captive.

Encore une fois, c’est le visage de la jeune Swamy Rotolo qui retient le plus notre attention, tantôt alerte, parfois suspendu, constamment en mode survie.

De toute évidence, A Chiara, titre aux multiples interprétations, est quelque chose de nouveau dans le cinéma contemporain. Quelque chose qui invente un univers de toutes pièces en se basant sur une certaine réalité. Exploiter le réel, le déconstruire, le rendre le plus cinématographiquement possible, réinventer le discours sur le plan, comme ces plans rapprochés qui en disent long sur les gestes, les comportements et les fors intérieurs.

Sans oublier une direction photo qui semble tout capter sur le vif, mêlant adroitement documentaire et fiction, jouant avec les palettes, des couleurs sombres, pour que finalement, à quelques pas de la fin, la clarté lumineuse de l’image vienne conclure de façon prodigieuse cette sensible tragédie calabraise.

Encore une fois, c’est le visage de la jeune Swamy Rotolo qui retient le plus notre attention, tantôt alerte, parfois suspendu, constamment en mode survie.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Jonas Carpignano

Scénario
Jonas Carpignano

Direction photo
Tim Curtin

Montage
Affonso Gonçalves

Musique
Dan Romer
Benh Zeitlin

Jonas Carpignano.
Un nouveau regard sur la représentation du corps.

Genre(s)
Drame

Origine(s)
Italie / France

Année : 2021 – Durée : 2 h 01 min

Langue(s)
V.o. : italien; s.-t.a.

A Chiara

Dist. [ Contact ] @
Entract Films

Classement
Visa GÉNÉRAL

Diffusion @
Cinéma du Parc

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]