Ammonite

PRIMEUR
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Sortie
Vendredi 05 février 2021

SUCCINCTEMENT
La rencontre entre la paléontologue Mary Anning et une jeune femme mélancolique, adepte de géologie, dans l’Angleterre du XIXe siècle.

CRITIQUE.

texte
Élie Castiel

★★★★

Jusqu’à aujourd’hui, les avis sont partagés sur la relation amoureuse  dans une Angleterre victorienne entre la paléontologue Mary Anning, célibataire, et Charlotte Murchison, jeune mariée, passionnée de géologie. Le Britannique Francis Lee, qui nous avait épaté en 2017 avec God’s Own Country (Seule la terre), un brillant récit amoureux d’une sublime retenue entre un insulaire et un étranger, ne se pose pas la question.

Les deux Anglaises

                    et le continent

Plus que tout, Ammonite est la genèse d’une étrange fascination. Effectivement, un envoûtement ou encore un éblouissement entre ces deux femmes. Comme si au moment précis, à la seconde exacte où ces deux âmes, sans s’en rendre compte, ne retiennent plus leur souffle, c’est à cet épisode de leur vie que tout bascule.

Car, mine de rien, Ammonite est un film sur la conscience, sur cet état d’esprit où le quotidien cesse d’exister pour s’abandonner à quelque chose d’inexplicable. Et pour le cinéaste, la possibilité de construire une mise en scène d’une irréprochable économie : aucune scène ou séquence inutile, hors de tout effet dramatique, succombant à des codes inhabituels de mise en scène où la froideur des personnages et le côté clinique des situations sont des éléments suffisants pour inciter les spectateurs à s’y attacher.

Mais cela est rendu possible grâce également, en grande partie, à la présence de trois comédiennes extraordinaires, Kate Winslet (Mary Anning), oubliant ses rôles précédents pour se plonger entièrement dans un personnage hors du commun. Entre la non-reconnaissance par ses pairs (mâles) de ses connaissances en paléontologie qui, inconsciemment la tourmente, sauf dans une scène où elle exprime clairement ses angoisses, et une possibilité amoureuse interdite qui s’ouvre à elle, de surcroît, avec Charlotte Murchison – Saoirse Ronan multipliant son registre avec un talent fou – Winslet se révèle une des plus grandes actrices d’aujourd’hui.

Et puis Gemma Jones (Molly Anning, mère de Mary), comme d’habitude, offrant une performance digne de mention, jouant le jeu du silence et du deuil intime de façon hallucinante.

La séquence finale, avouons-le, imprévisible malgré son humilité, nous laisse un goût étrange, entre la finitude irréversiblement tragique et l’épiphanie qui fait renaître la vie. 

L’époque victorienne d’une Angleterre puritaine est ici illustré magnifiquement : les femmes se résignent ou se révoltent sourdement, sans que personne ne les entendent; les hommes, eux, se permettent toutes libertés.

On peut pardonner généreusement Francis Lee de ne pas avoir fait un film sur la spécificité scientifique de Mary Anning, mais plutôt sur la passion qui se glisse dans sa vie, sans troubler ses découvertes fossiles.

Un continent, l’Angleterre; et à l’intérieur, l’austérité d’une petite maison dans un endroit insulaire. Deux femmes perdues pour le meilleur et pour le pire. Que peut-il se passer? L’unique séquence amoureuse est filmée avec toute la physicalité nécessaire que ces moments intime où le « sexe a ses raisons »; celle dans la plage, où la métaphore se multiplie en significations psychologiques, reflète en même temps qu’elle convoque une idée assez séduisante de la mise en scène et des conventions de la narration, ici volontairement déconstruites pour embellir le récit.

Ammonite est un film sublimement romantique illustré comme s’il s’agissait d’un tableau de maître qui nous pousse à essayer de saisir chaque détail et mouvement du pinceau. Le choix chromatique, entre le sépia automnal et le noyer clair-obscur renvoit à la mélancolie qui assène les personnages. La séquence finale, avouons-le, imprévisible malgré son humilité, nous laisse un goût étrange, entre la finitude irréversiblement tragique et l’épiphanie qui fait renaître la vie. Fascinant. Éblouissant.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Francis Lee

Scénario
Francis Lee

Direction photo
Stéphane Fontaine

Montage
Chris Wyatt

Musique
Volker Bertelmann
Dustin O’Halloran

Genre(s)
Drame

Origine(s)
Australie – États-Unis
Grande-Bretagne

Année : 2020 – Durée : 1 h 57 min

Langue(s)
V.o. : anglais & Version française
Ammonite

Dist. @
Entract Films

Classement
Interdit aux moins de 13 ans

Diffusion
En ligne @
Cinéma Moderne
&
Différentes plateformes VsD

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]