Annecy 2021
Deuxième partie

Pour votre agrément…

ÉVÈNEMENT.
[ Présentiel & En ligne ]

Courts métrages

texte
Luc Chaput

            Un concours de circonstances a retardé la publication de ce deuxième compte-rendu du festival. Un hommage à l’animation africaine qui devait avoir lieu l’an dernier a été reprogrammé cette année en raison de la pandémie.

            Dans le programme Grand Maghreb Animé, Noces berbères (Hoffili) du Tunisien Lotfi Mahfoudhi, portrait-charge contre certaines élites dépensières, mêlant des couleurs criardes à une pléthore de personnages, détonnait en relation avec les deux courtes biographies de deux femmes bien différentes produites dans le cadre de cursus dans la même université marocaine. Mririda de Fatima-azahra Rhaffar revient sur la poétesse libre amazighe du Haut Atlas Mririda N’aït Attik et suscite le désir de mieux connaître ses œuvres. Soulika d’Aziz Oumoussa raconte en quelques minutes enlevées la vie de Solica Hachouel, Tangéroise juive martyre pour sa foi, maintenant reconnue par toutes les communautés.

Black Barbie.

            À côté d’un programme montrant le côté irrévérencieux mâtiné d’humour noir de Mishni TV, un autre associait Because You’re Gorgeous de Brent Dawes une satire sur la beauté mettant en vedette un phacochère imbu de lui-même avec deux courts d’intervention sociale. Black Barbie de Comfort Arthur, comme son nom l’indique, est une évocation personnelle des diktats caucasiens-européens sur la beauté qui influent sur la vie d’une Africaine et sur son estime de soi. Le ton doctoral de 3 Teaspoons of Sugar emprunté par le Dr Tshepo P. Maaka et Kabelo Maaka assénait trop directement les infos sur le lien entre la forte consommation de sucre et les risques de diabète pour être efficace pour au moins une partie de la population. Le niveau technique en général était au moins bon et certains de ces films servaient donc de carte de visite en vue de participation éventuelles à des coproductions internationales.

            Contrairement à l’année dernière, la compétition officielle des courts était d’un niveau un peu moins élevé. Écorce, un film suisse de Samuel Patthey et Silvain Monney, employait des croquis pris sur le vif dans une résidence pour personnes âgées de Fribourg. Les cinéastes donnaient par le biais de sa bande son une résonnante vitalité à leurs images, ce qui leur a permis de remporter le Cristal du court métrage. Les aventures de deux jeunes oisifs narrés dans   Easter Eggs du Belge Nicolas Keppens m’avaient irrité et le Prix du jury est très étonnant tant l’histoire et le traitement sont si banals.

Ce qui résonne dans le silence.

                      Le dessin épuré et l’utilisation du zoom arrière pour montrer les changements de perspective soutenaient fortement dans Ce qui résonne dans le silence, histoire à haute teneur autobiographique de Marine Blin portée de plus par sa narration. Elle aurait mérité amplement ce prix du jury pour ses propos sur la vie et la mort. Un autre très sérieux candidat était Angakuksajaujuq, le premier court métrage d’animation de l’Inuk canadien Zacharias Kunuk, naguère gagnant de la Caméra d’or à Cannes pour Atarnajuat. Une animation en volume nous amène rapidement dans ce monde nordique dans lequel une shamane et son assistante vont guérir un de leurs compatriotes. Un périple dans les entrailles de la terre achève de confirmer cette forte alliance entre le propos et la manière. Le prix de la FIPRESCI était donc parfaitement mérité.

Angakuksajaujuq: The Shaman’s Apprentice.

            Une poupée en porcelaine vit avec son gros berger allemand dans un pavillon. Elle se rend tous les jours avec lui à son travail où ses confrères la regardent de haut. Hugo Covarrubias, avec Bestia, nous reconduit dans les plus graves heures en son pays des années de plomb de la dictature de Pinochet où la cruauté était un instrument politique. Une vision et un rendu plus drôles de la vie avec Affairs of the Art (L’art dans le sang), une coproduction britanno-canadienne, allégeait l’atmosphère. Joanna Quinn y reprend son personnage de Beryl quinze ans après le succès de Dreams and Desires: Family Ties. Le dessin aux formes rondes, enveloppantes est toujours aussi délicieux et soutient un feu roulant de gags et de bons mots sur les relations entre Beryl et sa sœur plus riche dans une veine plus satirique qui lui a permis de gagner un prix spécial pour la réalisation.

Bestia

Mon ami qui brille dans la nuit.

Dans la compétition des films de fin d’études, un autre film apportait un baume au cœur par sa naïveté assumée. Mon ami qui brille dans la nuit des Français Grégoire De Bernouis, Jawed Boudaoud, Simon Cadilhac et Hélène Ledevin est un conte sur la relation improbable entre un fantôme égaré et un quidam qui l’aide. Il a remporté le Prix du jury junior et serait donc un partenaire idéal de programme pour A Ghost Story (Une histoire de fantôme) de David Lowery. Parmi les autres films de cette compétition, on peut signaler les productions du Fresnoy dont VO de Nicolas Gourault qui est un très bel exemple de l’utilisation de l’imagerie 3D dans un questionnement sur le monde qui change si rapidement.

            Nous reviendrons lors de leurs sorties dans l’année cinéphile qui s’annonce sur d’autres films, par exemple Mauvaises herbes de Claude Cloutier et La confiture des papillons de Shih-Yen Huang. Puisque ce festival majeur a de nouveau renoué avec le succès en salle après ce long hiatus pandémique.