Sans collier, physiographie d’existences
@ La Chapelle

CRITIQUE
[ Danse / Scène ]

Élie Castiel

★★★ ½

Autos-portraits

en

temps suspendu

Le corps intégré.
Crédit : David Wong

Une pandémie presque sans fin. Le temps pour la célèbre Louise Bédard, de réfléchir sur ces années d’implication dans la danse, celle dépassant le mouvement contemporain, exigeant ainsi de nouveaux codes, inventées, créés selon une idée intellectuelle et physiquement incarnée de la danse.

Comme ces mouvements qui s’inscrivent dans le réel, même si dénaturé pour les circonstances. C’est ce que se produit ce soir de Première médiatique à La Chapelle Scènes contemporaines qui, en passant, fête cette année ses 35 ans de participation à la vie culturelle de la métropole. Bédard avait été de ce lieu incontournable dès son ouverture, en 1990, jusqu’en 2004.

Pour Sans collier, physiographie d’existences, une magnifique scénographie de Marilène Bastien, rejoignant pour ainsi dire un espace organique, intentionnellement, d’une froideur intense où les gris délavés et quasi déchiquetés imposent une rigueur à laquelle tente de s’intégrer la danseuse performante. Elle performe, certes, avec ce corps qui n’est plus le même qu’avant, mais tout autant prête à assumer le moindre effort comme si le temps s’était arrêté. Bédard persiste et signe.

S’affranchir l’espace.
Crédit : David Wong

Un visage impassible devant la froideur de l’ensemble. Et c’est bien, c’est ce qu’il faut pour rendre compte de cette intéressante proposition. Ses mains tâtent les murs, tantôt le sol. Autant l’un comme l’autre la conduisent dans quelque chose qu’elle ne saisit pas immédiatement.

La danseuse, devenue comédienne, se lance dans une sorte de performance où jeux de séduction, danse contemporaine et mouvements surréalistes se confondent pour mieux dérouté l’auditoire, toujours ravis de se voir perdu dans un monde qu’il essaie de comprendre ; et moins il comprend, plus il adhère à l’inconnu.

[ … ] l’espace nécessaire (et dans plusieurs cas, essentiel) qui existe entre l’artiste sur scène et les spectateurs revendique sa supériorité. Cette image est peut-être désuète par les temps qui courent, plus encline à presque faire tomber les barrières – entreprise peut-être de marketing – mais dans le même temps s’inscrivent dans une perspective qui place les arts de la scène dans cet endroit mythique qui les sépare du commun des Mortels.

Des chuchotements ou des paroles échangées avec Louise Labrosse, à peine audibles, mais qu’importe. C’est un travail de collaboration de longue haleine qu’il faut souligner et que le duo montre à sa façon.

La gageure de Louise Bédard est gagnée. Car, qu’on le veuille ou pas, l’espace nécessaire (et dans plusieurs cas, essentiel) qui existe entre l’artiste sur scène et les spectateurs revendique sa supériorité. Cette image est peut-être désuète par les temps qui courent, plus encline à presque faire tomber les barrières – entreprise peut-être de marketing – mais dans le même temps s’inscrit dans une perspective qui place les arts de la scène dans cet endroit mythique qui les sépare du commun des Mortels. Comme si les Dieux et Déesses de l’Antiquité s’étaient mis d’accord pour éveiller l’esprit humain.

Une façon comme une autre de rappeler l’éternelle suspension de la notion temps qui, paradoxalement, ne cesse de se multiplier.

FICHE ARTISTIQUE PARTIELLE
Chorégraphie
Louise Bédard

Interprète
Louise Bédard

Scénographie : Marilène Bastien
Éclairages : Lucie Bazzo
Vidéo : Robin Pineda Gould
Composition sonore : Diane Labrosse

Durée
1 h 55 min
[ Sans entracte ]
Public
Déconseillé aux moins de 13 ans
Diffusion & Billets @
La Chapelle
Les 27 et 29 mars 2025
19 h 30

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

 

Nuit
@ Danse Danse (PdA)

CRITIQUE
[ Danse ]
Élie Castiel

★★★★

Symphonie

du geste

Crédit : Elle Marie

À l’époque, Nuit se présentait comme une révélation dans le domaine de la danse contemporaine québécoise, un espace de la représentation où les codes précédents s’estompaient au profit d’une avant-garde annonçant subrepticement le présent.

La reprise, des décennies plus tard, de cette œuvre emblématique par la Compagnie de la Citadelle, sous la houlette de Laurence Lemieux – qui l’a dansée en 2002 (sic) – n’est rien d’autre qu’une relation privilégiée avec l’Histoire de la danse, reprenant régulièrement des velléités du passé. Comme si le XXe siècle était le précurseur de la danse post-actuelle.

Un décor imposant où ces immenses murs aux gris graduels s’annoncent comme des remparts où l’Humain, tout en ayant droit de cité, est obligé de justifier constamment sa présence, la sienne et celle des bruits d’une nature tantôt sereine, mais plus fréquemment austère et dont le bruit de ces bottes noires de combat assure la continuité.

Les danseurs et les danseuses les portent avec vaillance et du coup, incertitude passagère ; des instruments de lutte, la teinte des costumes portés soulignent ce rituel qui se perd dans la nuit du temps. Il y a, dans ce brouhaha inquiétant quelque chose d’intemporel, tel un monde qui ne cesse de se créer, mais s’arrêtant pour éviter d’aboutir à une entité qu’on ne devine pas.

Avant tout, Nuit est une chorégraphie philosophique où la métaphysique, ou l’abstrait du geste, n’est rien d’autre que ce sensible rapport entre l’Être et le néant voulant prendre forme.

Entre l’incertitude et une certaine cohésion.
Crédit : Kendra Epik

C’est à ce moment où l’on prend conscience de cela et qu’on réalise que Jean-Pierre Perreault (1947-2002, ‘sic’) est déjà, à l’époque, un visionnaire. Que reste-t’il de tout cela aujourd’hui ?

La réponse que Louis Lemieux rappelle est celle d’un homme habité par ce moment chorégraphique inusité, donnant aux spectateurs cet essentiel besoin de réfléchir sur la question. Ne pas le faire serait porter atteinte aux préceptes rigoureux de la danse moderne.

La relation entre l’espace habité et ceux et celles qui prennent place devient de plus en plus arbitraire, selon les lieux géographiques. Perreault « l’a vu venir » et on sait pertinemment que c’est de plus en plus compliqué. D’où, également, une politisation de l’œuvre. La danse n’est plus seulement « danse », mais un moyen directe de relation avec notre monde.

La réponse que Louis Lemieux rappelle est celle d’un homme habité par ce moment chorégraphique inusité, donnant aux spectateurs cet essentiel besoin de réfléchir sur la question. Ne pas le faire serait porter atteinte aux préceptes rigoureux de la danse moderne.

FICHE ARTISTIQUE PARTIELLE

Chorégraphie
Jean-Pierre Perreault
Interprètes
Morgyn Aronyk-Schell, Valerie Calam
Tyler Gledhill, Sully Malaeb Proulx
Connor Mitton, Natasha Poon Woo
Heidi Strauss, Brodie Stevenson, Jarrett Siddall

ScénographieCostumesMusique
Jean-Pierre Perreault
Conception originale des éclairages
Jean Gervais
Coordination des costumes
Valérie Calam, Marianna Rosato

Durée
1 h 20 min

(sans entracte)
Diffusion & Billets @
Place des Arts
(Théâtre Maisonneuve)
Jusqu’au samedi 22 mars 2025

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

 

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