Past Rooms
@ Place des Arts

 

| D A N S E
Skeels Danse |

Énigmes

intemporelles

 

CRITIQUE
Élie Castiel

★★★★

Une nette prédilection pour des extraits musicaux chantés d’une autre époque; les années 30 cabaretières du siècle dernier bien indiquées pour s’harmoniser à un décor aux accessoires limités qui sentent intentionnellement la poussière et la naphtaline, mais suffisants pour « raconter » le deuil, sa démarche paradoxale chez l’humain, là où la tristesse côtoie étrangement la bonne humeur, le rire, la danse bien entendu, comme s’il fallait clamer tout haut que la vie continue et que, curieusement, les époques s’unissent malgré, parfois ou souvent, leurs turpitudes.

Le montréalais Andrew Skeels, dans Past Rooms, invente un jeu proche du puzzle qui passe allègrement du suspense, du drame allégorique, de la faculté de mouvement des individus, à la danse pure, comme elle s’entend. Mouvements sinueux, d’autres agressifs, pas de deux avantageant le corps dans tous ses états, harmonie dans les correspondances.

Une modernité qui soulève davantage le haut niveau de la chorégraphie contemporaine qui ne cesse de clamer tout haut qu’il s’agit d’un « laboratoire expérimental » en constante gestation. Il faut rendre pérenne ce qu’on a construit jusqu’ici, mais ne pas s’asseoir sur ses lauriers. Rénover, innover, suivre l’air du temps.

Une dispositon à l’entente des corps.
Crédit : @ Damián Siqueiros

Avec tout ce qui se passe à travers le monde, particulièrement dans le domaine de l’écologie et de la situation géopolitique, force est de raviver l’imaginaire des créateurs afin qu’ils puissent entreprendre des propositions aptes à discourir sur ces questions fondamentales, essentielles. Une question de survie. C’est là un souhait de notre part. Parce que tout simplement, ces épreuves influent sur l’individu.

Un univers particulier occupe la scène de la Cinquième salle de la Place des Arts. L’espace dramatique très proche du public n’importe où qu’on soit assis, participe de ce jeu de références réciproques qui vise à unir le spectacle et la complicité de l’auditoire.

Les partitions musicales de l’Islandaise Hildur Guðnadóttir et de Julien Tarride rendent l’expérience presque sacrée, comme dans un rituel visant à rapatrier l’âme humaine dans l’univers de l’entente.

[ … ] une pièce humaniste, tendre et bouleversante, dont le côté diaphane agrémenté par un étrange jeu d’éclairages, participe de ce jeu d’interprétation aussi rebelle que discipliné.

La durée est une constante importante dans la mesure où il n’est nécessaire de s’éterniser pour que la proposition fonctionne telle qu’attendue. Soixante-cinq minutes seront suffisants pour imposer cet étrange allégorie subversive aux yeux du monde. Il faut en tirer une leçon.

Past Rooms est une pièce humaniste, tendre et bouleversante, dont le côté diaphane agrémenté par un étrange jeu d’éclairages, participe de ce jeu d’interprétation aussi rebelle que discipliné.

Inquiétant par sa splendeur, édifiant, superlatif, d’une beauté plastique envoûtante.

FICHE ARTISTIQUE

Andrew Skeels.
Crédit : @ Julien Benhamou

Chorégraphie Andrew Skeels
Interprètes Jean-Sébastien Couture, Marilyn Cyr, Jose Flores, Danny Morissette, Silvia Sanchez, Anna Sanchez
Mise en scène Andrew Skeels, David DiGiovanni, Joe De Paul
Musique : Hildur Guðnadóttir
Musique originale : Julien Tarride
Décor / Costumes : Damián Siqueiros

 

Durée
1 h 05 min

[ Sans entracte ]

Diffusion & Billets @

Danse Danse
Place des Arts
[ Cinquième salle ]
Jusqu’au 21 octobre 2023

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

Un « reel » ben beau, ben triste
@ Théâtre du Rideau Vert

 

| ARTS DE
 LA SCÈNE |

CRITIQUE
| Théâtre |
Élie Castiel

★★★★

Ces mots

et

ces gestes

qui

abîment

On la croyait perdue, non pas dans les chemins oubliés de la mémoire, mais quelque part où n’entendrait plus parler de cette œuvre audacieuse, crue, subversive, féministe avant son temps, écrite en 1976.

Bien au-delà de 40 décennies – certains se rappelleront la mise en scène d’Olivier Reichenbach au Théâtre Bois de Coulonge, en 1979, elle s’invite aujourd’hui pour nous réveiller de notre torpeur, de notre état politiquement correct d’une nouvelle morale qui déstabilise, inquiète, donne le frisson et plus que tout, nous empêche de parler de certaines choses, de confronter le mal pour mieux le neutraliser car impossible à éradiquer. On préfère le manque d’empathie, de charité non seulement chrétienne, mais quelle que soit notre foi.

Une journée ben particulière.
Crédit : Théâtre du Rideau Vert

Quel beau cadeau que nous donne le TRV. Mais aussi que le tout se passe sous la houlette de Marc Béland, artiste on ne peut plus polyvalent. Une mise en scène qui mise sur la durée, moins de 90 minutes pour raconter cette histoire de folie, d’inceste, de sexualité moribonde, de silences, de pauvreté intellectuelle.

Comme le cas dans les pièces d’aujourd’hui, ce sont, presque toujours, les mêmes comédiens qui se chargent de changer le décor d’une scène ou acte à l’autre. Notamment dans le théâtre de l’intime. Mais ici, cette technicalité prend, musique aidant, des accents dans le domaine de l’interprétation. On ne sait par quels truchements Béland arrive à susciter un tel envoûtement. Les comédiens jouent à inventer, selon l’acte, une nouvelle scénographie. Ça se voit dans leurs gestes où ils apparaissent, dans le presque noir, comme des fantômes qui continueront à raconter et jouer la suite de l’histoire.

Jeanne-Mance Delisle ou parler de ce qu’il faut taire, de ce dont personne ne veut entendre parler; au hasard, ces choses qu’on chuchote au fil des situations qui invitent aux commérages. Pour l’esprit, rien de trop méchant. Et pourtant.

Tonio et ses femmes : c’est-à-dire sa femme et leurs enfants, trois filles, et un garçon atteint de « déficit intellectuel », dont on accepte par habitude qu’il se touche le sexe continuellement, sauf lorsqu’il mange ou joue faussement de ce violon de fortune.

Des interprètes impeccables – Boivin, Duranceau, Laurendeau, Lessard, Mallette, Mauffette, Payeur, et les deux polices (non pas « policiers ») Jean et Lavoie. Tous et toutes totalement imprégnés de leurs personnages comme si, du coup, le temps revenait hanter l’espace dramatique.

On sacre, on commet des actes jugés aujourd’hui répréhensibles, on se raconte directement des choses impossibles à imaginer, même à l’intérieur du foyer. Et avant la tombée soudaine du rideau, une courte déclaration émise par l’une des filles de Tonio (et Laurette) : des mots incendiaires, rebelles, séditieux, mais dans le même temps, miroir d’une époque qui, malgré les apparences et les interdictions, était le reflet d’une société canadienne-française oppressée.

Tonio ou le mâle dévoré par la misère qui l’assiège, et qui oublie cette infortune par la boisson et le sexe, quitte à agresser une de ses filles, Pierrette (Sarah Laurendeau, versatile à souhait). Parmi les autres interprètes, Laurette, la Mère (Nathalie Mallette, souveraine, celle pour qui la scène semble être un second « chez nous »). Et Camille (Benoît Mauffette, excellent dans son mélange de charité, cette fois-ci, chrétienne, et de désir inassouvi qu’il tente de réhabiliter quoique…).

On sacre, on commet des actes jugés aujourd’hui répréhensibles, on se raconte directement des choses impossibles à imaginer, même à l’intérieur du foyer. Et avant la tombée soudaine du rideau, une courte déclaration émise par l’une des filles de Tonio (et Laurette) : des mots incendiaires, rebelles, séditieux, mais dans le même temps, miroir d’une époque qui, malgré les apparences et les interdictions, était le reflet d’une société canadienne-française oppressée.

Tragique, bouleversant, tragiquement engageant.

FICHE ARTISTIQUE
Texte
Jeanne-Mance Delisle

Mise en scène
Marc Béland

Assistance à la mise en scène
Pascale d’Haese

Interprètes
Frédéric Boivin (Tonio), Ève Duranceau (Simone)

Sarah Laurendeau (Pierrette, Gabrielle Lessard (Collette)
Nathalie Mallette (Laurette), Benoît Mauffette (Camille, le beau-fils)
Christophe Payeur (Gérale, dit « Ti-fou »)
Jimmy Jean (Police 1), Jean-Sébastien Lavoie (Pol9ice 1)

Jeanne-Mance Delisle
Crédit : Théâtre du Rideau Vert

Décor
Charlotte Rouleau
Costumes

Fany Mc Crae
Éclairages
Cédric Delorme-Bouchard

Musique
Éric Normand

Durée
1 h 20 min

[ Sans entracte ]

Public (suggéré)
Déconseillé aux jeunes enfants

Diffusion & Billets @
Théâtre du Rideau Vert
Jusqu’au 28 octobre  2023

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

Koulounisation
@ Prospero

 

[ SCÈNE ]

CRITIQUE
Élie Castiel

★★★ ½

Le

dispositif scénique

au

service du sens

Il y a, dans ces nombreuses façons de dire en arabe le mot « colonisation », un mélange de résistance, de révolte, d’appréhension, d’oppression, de soumission même, mais aussi de sarcasme, d’ironie, de rupture.

Quelque chose qui se heurte à la politique, du moins selon la perspective de l’unique (ou presque) personnage sur scène qui raconte sa propre histoire sans vraiment la raconter.Suite

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