Membrane
@ Prospero

 

CRITIQUE
 S C È N E
Élie Castiel

★★★★

Le meilleur

des mondes

Les espaces intérieurs.
Crédit : Maxim Paré Fortin

 

Cédric Delorme-Bouchard, l’intention du risque, la gageure ou encore mieux la responsabilité intellectuelle de situer la dramaturgie dans des sphères métaphysiques, la réel n’étant pas assez audacieux ou hasardeux.

On comprend donc qu’en plus de la mise en scène, il s’autorise également l’élaboration de la scénographie et des lumières, autre discipline qu’il pratique. Ce n’est pas gratuit, mais dans le but d’établir une totale cohérence entre ce non-récit, puisqu’il s’agit de particularités psychologiques et de notions abstraites qui nous dépassent.

Mais peu importe les enjeux de cette fabuleuse démarche. Comme souvent depuis quelque temps, la salle et la scène, au « grand » Prospero, affichent une complicité des plus fidèles et plus que tout, de cette volonté inhérente de se dépasser.

Jamais public ne fut aussi conquis.

« Ce qui est humain et ce qui ne l’est pas » (sic), cette question existentielle qui ne cesse de traverser constamment l’esprit. Chi Ta-wei semble, en plus terre-à-terre, du moins si on se fie à la traduction de Gwennaël Gaffric, œuvrer sur l’Humanité transformée, même si des élans d’un Nouvel Être s’enlisent dans l’Ancien.

Le récit, si on peut l’appeler ainsi, est d’autant plus complexe que seules les performances des participants arrivent à produire un effet éclatant sur les spectateurs.

Grâce aussi à la puissance d’un décor futuriste dont les lumières rouges (parfois bleues) rivalisant avec l’espace scénique au grand complet propose un univers hors-frontières, imposant sa supériorité. La science-fiction, la technologie dominent.

La lumière comme reflet des forces dormantes
Crédit : Maxim Paré Fortin

Larissa Corriveau, Evelyne de la Chenelière, Pascale Drevillon, Marie-Christine Lê-Huu, Sébastien René et Ines Talbi s’engouffrent volontairement dans cet univers impitoyable mais dans le même temps où tout est permis, mais peut-être aussi qu’en apparence.

On réalise que Membrane est un moment de théâtre privilégié car on ne cessera, à chaque instant qu’il se déroule sur scène, que notre confort est déstabilisé, et c’est tant mieux ainsi, remise en question. Nous sortons d’une torpeur que le spectacle renie catégoriquement.

Chi Ta-wei
Crédit : @DR

Cédric Delorme-Bouchard, l’intention du risque, la gageure ou encore mieux la responsabilité intellectuelle de situer la dramaturgie dans des sphères métaphysiques, la réel n’étant pas assez audacieux ou hasardeux.

Pour épouser ces formes uniques, on soulignera l’excellent apport dans la création des costumes de Marie-Audrey Jacques. On parle de rapports mère/fille, de sexe, de sexualité; c’est cru, subtil dans le même temps, mais teinté d’une dose d’humanité en dépit de ce qu’il laisse supposer. Soulignons la conception sonore de Simon Gauthier, d’une rare intensité viscérale, qui nous conduit dans une matérialité parallèle des plus complexes.

Il y a Momo, il y Maman. Les deux s’interpellent et se contrastent dans leurs différences. Mais dans ce rituel quasi incestueux, prime l’irrévocable pureté de l’âme. Du moins, c’est ce que l’on retient.

 Membrane
D’après le roman Membrane (Mó) de Chi Ta-Wei

Traduction
Gwennaël Gaffric
Adaptation
Rébecca Déraspe
Mise en scène
Cédric Delorme-Bouchard
Avec
Larissa Corriveau, Evelyne de la Chenelière
Pascale Drevillon, Marie-Christine Lê-Huu
Sébastien René, Ines Talbi

Cédric Delorme-Bouchard.
Crédit : Angelo Barsetti

Scénographie & Lumières
Cédric Delorme-Bouchard
Costumes
Marie-Audrey Jacques
Conception sonore
Simon Gauthier
Production

Prospero et Chambre noire,
en collaboration avec le Trillium

Durée
1 h 30 min

Diffusion & Billets @
Prospero
(Salle principale)
Jusqu’au 10 février 2024

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]